Brun, séduisant, éloquent, Julien Boutonnet a été sacré Meilleur ouvrier de France pâtisserie en 2015. Il enseigne depuis sept ans à l’EHL Hospitality Business School, à Lausanne, et vit en famille à Servion (VD). A ses côtés, plus réservé, le rougissement facile mais la même passion chevillée au corps, son collègue Julien Gradoz, champion du monde de «catering» 2017, marié et résidant à Froideville (VD), affiche déjà «quinze ans de maison» à l’EHL. Deux as nés et formés en France, pleinement complémentaires, qui publient chez Glénat «La pâtisserie», sans majuscule arrogante.
Dans sa préface, Benoît Carcenat, chef du Valrose, à Rougemont (VD), désigné «Cuisinier de l’année» par le GaultMillau 2023, dit de Julien Gradoz qu’il ajoute à ses créations «ce supplément d’âme qui transforme l’ordinaire en extraordinaire». Julien Boutonnet n’est pas en reste, le champion du monde de pâtisserie 2005 Christophe Michalak le décrivant comme «un phénomène». Excusez du peu!
Au fournil à 12 ans
Fils unique, Julien Boutonnet est né à Périgueux, en Dordogne. Noble terroir. Des parents dans la fonction publique, un papa cheminot. «J’ai d’abord été attiré par la boulangerie, raconte-t-il. A 12 ans, j’allais au fournil pendant mes vacances, puis j’ai découvert avec envie le côté créatif et coloré de la pâtisserie. A 18 ans, j’ai quitté le cocon familial.» Il évite soigneusement la capitale. «La grande ville ne m’a jamais attiré. Et si les projecteurs sont focalisés sur Paris, on fait tout aussi bien ailleurs! Au bout du compte, j’ai fait mon propre tour de France.» Auprès de Pascal Caffet, à Troyes, il bascule «dans une autre dimension». Olivier Bajard affinera encore son savoir-faire à Perpignan.
Aspirant lui aussi à l’excellence, Julien Gradoz, une sœur, a grandi à Malvillers, un hameau en Haute-Saône. «Je viens d’une famille de plusieurs générations de restaurateurs, où les dames cuisinaient. J’ai débuté au service. Après l’école hôtelière, j’ai fait de la restauration d’abord, puis je suis devenu pâtissier chez Jean-Paul Jeunet à Arbois. Je lui dois beaucoup.» Le Franc-Comtois s’est ensuite affirmé chez Ducasse, à Paris et à Monaco.
Des parcours différents, mais des origines rurales, la découverte du travail dès la préadolescence et l’exigence en commun.
La pâtisserie qu’ils proposent est pourtant accessible. Elle traduit un goût partagé pour la pédagogie. Leur signature? Douze pièces classiques déclinées en version salée. «Juju est plus cuisinier et restauration, moi, j’avais le côté traditionnel en pâtisserie, explique Julien Boutonnet. On a associé nos savoirs, naturellement, en simplifiant nos recettes au maximum.» Julien Gradoz enchaîne: «Dans notre livre, on a abordé le côté salé de façon instinctive, en se faisant plaisir, mais avec l’exigence et la précision indispensables à la pâtisserie.» Le photographe Matthieu Cellard a sublimé le tout.
En termes pâtissiers, chacun des deux Julien a sa madeleine de Proust. «Moi, c’est la semoule, avoue le Franc-Comtois. De la semoule, du lait chaud, un zeste d’orange, de la fleur d’oranger et un œuf. J’en ai mangé de 4 à 25 ans et j’en fais encore!» Son collègue et ami périgourdain associe pour sa part son enfance «au clafoutis aux cerises» qu’il préparait avec sa mère.
Quel regard nos deux orfèvres portent-ils sur les émissions culinaires, incontournables à la télé? «Le positif, c’est que cela met nos métiers en valeur, répond prudemment Julien Boutonnet, mais le soufflé peut vite retomber. C’est un leurre de croire qu’on peut atteindre le sommet sans bases solides. Les gens ne voient souvent que la cerise sur le gâteau.»
>> Découvrez l'ouvrage de Julien Boutonnet et Julien Gradoz: «La pâtisserie à l’EHL – Ecole hôtelière de Lausanne. 60 recettes sucrées et salées», Editions Glénat.
>> Découvrez quelques-unes des délicieuses recettes de Julien Boutonnet et Julien Gradoz: