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Portrait d'un original: Le Jardinier du Seigneur

Cette semaine «L'illustré» met en avant les portraits de personnalités «originales», rencontrées en Suisse romande. Bien décidés à vivre différemment, ces personnages inspirants et attendrissants nous montrent que «rentrer dans le moule» n'est pas la seule solution pour être heureux. A Saint-Triphon, William Aviolat, 88 ans, est un peu le Facteur Cheval du jardin.

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William Aviolat

A Saint-Triphon, William Aviolat, 88 ans, est un peu le Facteur Cheval du jardin.

Blaise Kormann

Il est aux plantes ce que le Facteur Cheval était à la pierre. Un bâtisseur, mêlant abnégation, détermination et un brin de folie sans lequel rien d’extraordinaire n’est possible. «Comme lui, je me suis attelé à une œuvre personnelle», confie William Aviolat avec ses intonations chantantes. On le surnomme le jardinier du Seigneur et ce n’est pas pour rien, car Dieu joue aussi un sacré rôle dans ce jardin extraordinaire qui aurait plu à Charles Trenet. Quinze mille mètres carrés sur les hauteurs de Saint-Triphon. Le seul des 23 jardins officiels de Suisse soigné par un seul homme. William savait depuis l’âge de 4 ans qu’il voulait devenir jardinier. Il l’a été chez des particuliers pendant des années, et puis un jour il a eu envie de faire partager sa passion au plus grand nombre. En 1969, il achète un premier bout de terrain. Trois autres suivront au fil des ans. Il a fait construire une bâtisse en bois d’une seule pièce où il vit au milieu de ses livres de botanique. Il y a une grande table et d’innombrables chaises pour accueillir les visiteurs; son lit, par contre, tient dans un coffre qu’il déplie pour la nuit. Il parle de ses plantes comme d’amies précieuses. Le jardin contient des centaines d’essences rares ou plus communes, des médicinales, comme la camomille, aux plus mortelles, comme l’aconit, bleu ou jaune, qui provoque un empoisonnement rien qu’en le touchant. «Tout doit être fait ici dans le respect du jardin et de Dieu», dit-il. Il y a d’ailleurs plusieurs versets bibliques qui parsèment ses bosquets et sa foi est un engrais aussi puissant que les autres. Le jardinier ne prend jamais de vacances, «je suis parti une fois en Espagne et en Angleterre, mais je me suis ennuyé de mon jardin», mais il a néanmoins des échanges, notamment de graines, avec des jardins botaniques du monde entier.

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On vient admirer son «cactus des prévisions du temps», qui devient vert lorsque le gel s’éloigne, son rarissime dogwood, un cornouiller qui fait le bonheur des amateurs, il nous présente son Mimosa pudica, ultrasensible, qui se recroqueville et montre ses épines si on le touche. William Aviolat aurait pu devenir multimillionnaire en vendant son jardin à des promoteurs. Il balaie tout ça d’un revers de main. «Les choses, la beauté comme la richesse, ont la valeur qu’on leur donne», philosophe-t-il. Et il n’est pas près d’abandonner son royaume malgré son grand âge: «Je n’ai pas besoin de lunettes et j’entends bien.» Il n’a ni téléphone ni voiture, mais un cyclomoteur qui file à 30 à l’heure. Certes, il l’avoue, la solitude lui a pesé parfois, il a bien rencontré dans sa jeunesse une ou deux «chrétiennes convaincues», mais sans mariage à la clé. Peut-être aussi n’y avait-il pas de place chez lui pour une autre passion que la botanique. Il est assez d’accord. «Finalement, je me suis marié avec mon jardin!»

Par Patrick Baumann publié le 24 janvier 2022 - 09:02