Sa silhouette frêle et son pas hésitant font partie du décor à Porrentruy. Chapeau vissé sur la tête, chemise ou chemisette, boucle à l’oreille gauche et lunettes de soleil rouges, on hésite entre le jazzman un peu usé et l’ancien gangster italien fraîchement rentré des îles! Natif de Tarcento, dans le Frioul, Claudio Cussigh a posé ses plaques – comprenez ses disques – en Ajoie il y a quinze ans.
Auparavant, avec Mirco, son frère cadet, il a grandi dans le Jura bernois où les parents, immigrés italiens, étaient venus bosser. Cet hédoniste antisystème, qui fut un footballeur athlétique en 2e Ligue doublé d’un tombeur portant cheveux longs et frisés jusqu’à ses 24 ans, chérit la liberté. Depuis sa séparation d’avec Vania, son épouse d’origine bulgare, mère de Jamie Lee, sa fille unique de 22 ans, il vit seul. Fou de musique – son savoir sur le funk est encyclopédique –, il a gardé le goût du sport, du hockey, du basket, du foot surtout, même s’il méprise celui des pétrodollars, comme il aime le dire devant un whisky… mais jamais avant 16 h 30! Claudio a des principes.
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Intarissable conteur d’anecdotes, ce fils et petit-fils d’ouvriers transalpins de gauche a vécu 100 vies en une. Il a beaucoup voyagé au-delà du Rideau de fer avant 1989, en train, sillonnant la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Pologne qu’il évoque avec nostalgie.
Pour couronner une vie de labeur et de rencontres durant laquelle, dans le désordre, il aura été compositeur-typographe et pigiste à «L’Impartial» avec une rubrique dédiée au calcio intitulée «Le corner des tifosi», garçon de café puis patron de L’Etoile à Reconvilier, gérant durant vingt ans de magasins de sport à Tavannes et à La Tchaux, vendeur de morilles séchées (!), DJ et caissier à la piscine de Porrentruy; il remettra à la fin de 2021 son mandat d’organisateur de la foire de cette même ville pour ne plus se consacrer qu’à Yesterday, son magasin de disques d’occasion, un sanctuaire unique dans le Jura.
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Claudio Cussigh aurait rêvé être musicien. Il s’est rattrapé en rencontrant et en se liant d’amitié avec des «dalles», comme il le dit si bien: le bassiste québécois Alain Caron (ex-UZEB), l’Allemand Mike Stern, ancien guitariste de Miles Davis, le batteur américain Dave Weckl ou encore le pianiste Lalo Zanelli (Gotan Project) pour ne citer que ceux-là. Ces rencontres, il les a toutes provoquées. En toute simplicité. «La musique aide à tisser des liens, insiste-t-il. Elle rapproche les générations. C’est cool. Les musiciens échangent volontiers. Et entre amateurs de vinyles, on se tutoie. Comme les motards!»
Sa fille Jamie Lee, qui doit son prénom à la star déjantée du film «Un poisson nommé Wanda», l’a gâté en sortant diplômée du Conservatoire de musique. Bassiste talentueuse aux faux airs de Vampirella, elle s’éclate dans plusieurs groupes, dont Triumph of Death, puissant combo de black metal. «C’est une fille géniale, confie fièrement son papa avec cet accent haut-neuchâtelois teinté de jurassien méridional qui n’appartient qu’à lui. J’ai une chance inouïe de l’avoir.» Et réciproquement.
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