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Riches et célèbres

La Suisse est-elle dirigée par les riches?

Maître d’enseignement et de recherche à l’Unil, Stéphanie Ginalski est une experte des élites suisses. Petite mais édifiante leçon d’histoire...

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Stéphanie Ginalski

Stéphanie Ginalski est professeure à l’Unil.

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La Suisse est mondialement connue pour sa prospérité, mais les riches Suisses demeurent dans l’ombre. «Je vérifie en effet que le grand public a rarement entendu parler de la famille Sulzer, par exemple, pourtant une des plus riches et puissantes de l’histoire de la Suisse», constate Stéphanie Ginalski.

Dès la fin du XIXe siècle, c’est bel et bien une caste d’industriels et de banquiers qui va sinon diriger la jeune Confédération, du moins influencer ses choix politiques. «Jusqu’aux années 1990, ce «old boys network» comme on dit est composé presque exclusivement d’hommes blancs, suisses et souvent officiers à l’armée», explique l’historienne. Les fleurons industriels (Brown Boveri, Oerlikon Bührle, Sulzer, etc.) sont dirigés par des familles qui forgent des alliances entre elles par des mariages et par des échanges de sièges de conseils d’administration. Cette élite économique fait tout pour protéger ses marchés et donc ses privilèges. Sa tâche est facilitée par un cadre réglementaire très laxiste, qui n’est strict que pour empêcher l’entrée d’étrangers, durant de longues décennies après 1918, dans des capitaux nationaux.

Les élites économiques suisses défendent aussi leurs privilèges avec de puissantes associations patronales, notamment le fameux Vorort, devenu Economiesuisse. «Son directeur était d’ailleurs surnommé le huitième conseiller fédéral», rappelle l’historienne lausannoise. Il y a encore les commissions extraparlementaires. «Leur fonctionnement est resté très opaque jusqu’en 1980, rappelle Stéphanie Ginalski. Il n’existait même pas de liste de ces commissions non élues et de leurs membres. On disait à l’époque que le parlement, plus amateur à l’époque qu’aujourd’hui, ne faisait au fond que ratifier les travaux préparatoires de ces commissions extraparlementaires très proches des élites économiques.»

L’historienne estime que les riches suisses n’ont pas connu de déclin ces dernières années, mais que leur profil s’est transformé. Il y a notamment un retour massif des étrangers dans les hautes sphères de l’argent: 40% des sièges des conseils d’administration des plus grandes entreprises suisses sont occupés par des étrangers. Un probable record mondial. 

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publié le 25 novembre 2022 - 08:51