Déluge lacrymal sous la chaleur de l’été austral. A Melbourne, Federer subit une nouvelle fois la loi de Rafael Nadal en finale de l’Open d’Australie. Il ne peut cacher son désarroi. La saison 2009 sera pourtant celle de tous les bonheurs. Quelques semaines plus tard, Mirka lui confirme la nouvelle qu’ils pressentaient depuis plusieurs jours: elle est enceinte! En mai 2005, dans «L’illustré», Roger ferme les yeux et répond à la traditionnelle question de la grande interview: «A quoi rêvez-vous?» «Je rêvais de gagner Wimbledon et de devenir numéro un mondial; ce rêve s’est réalisé. Alors, peut-être un jour fonder une famille…» Mirka semblait moins enthousiaste; rester seule à la maison quarante semaines par an ne l’enchantait pas, voyager avec un bébé guère plus… Mais ils sont si bien organisés et tellement à l’aise financièrement que la perspective de mener en famille la vie itinérante d’un roi de la raquette ne les effraie plus.
La famille est mise dans la confidence, puis les fans, le 12 mars, via le site internet de Roger. «Mirka est enceinte… Tout se passe bien… Nous sommes incroyablement heureux.» Ce qu’ils ne disent pas, c’est que Mirka attend des jumeaux. «On m’a toujours parlé du bébé, se justifiera plus tard Roger. On ne m’a jamais demandé s’il y en avait plusieurs…» Histoire de se mettre en règle, et pour concrétiser neuf ans de vie commune, Roger et Mirka se marient civilement le samedi 11 avril à Bâle en présence de leurs parents et de quelques amis proches. Aucune info n’a fuité, ce qui est exceptionnel pour une célébrité. Mais Federer réussit encore et toujours ce tour de force de rester le plus normal possible.
La pression est pourtant énorme sur le champion, qui doit affronter deux mois d’intenses compétitions loin de la Suisse. Et si Mirka devait accoucher à Paris ou à Londres? Par bonheur, tout se passe à merveille et les événements heureux s’enchaînent comme dans un rêve. Le 7 juin, il gagne enfin le tournoi de Roland-Garros, le seul qui manquait à son incroyable palmarès, le seul que son rival historique Pete Sampras n’a jamais remporté. Paris lui fait un triomphe. Il pleure de nouveau, de joie cette fois. «Larmes absolues», titre «L’Equipe Mag». Le 5 juillet, il récupère son sceptre à Wimbledon, bat le record de victoires en Grand Chelem de Sampras et remonte le lendemain sur le trône de numéro un mondial. L’accomplissement est total. Le 23 juillet, Mirka donne naissance à Zurich à deux petites filles, Charlene Riva et Myla Rose.
Elles portent des prénoms composés, comme les enfants de stars. Car Roger Federer est désormais une star et plus seulement un champion. «Bilan» l’intègre parmi les 300 plus riches de Suisse, «Forbes» le hisse au 40e rang des personnalités les plus influentes de l'«entertainment», devant Brad Pitt! Il pose pour Annie Leibovitz ou Michel Comte, communique par Facebook et réserve désormais ses interviews à «Vanity Fair» plutôt qu’à «Tennis Magazine». Son cercle d’amis est un curieux mélange de copains de jeunesse et de célébrités comme le golfeur Tiger Woods, la reine de la mode Anna Wintour ou la chanteuse pop Gwen Stefani. Ils défilent dans sa loge à Paris, à Londres et surtout à New York, où l’US Open coïncide avec la fashion week. Roger Federer a désormais son logo, des tenues spécialement conçues, des blazers crème pour Wimbledon et des shorts imitant le pantalon de smoking pour les «night sessions» new-yorkaises. Oscar de la Renta l’invite à son défilé, Elton John à son bal de charité. A Dubaï, il assure la promotion touristique en prêtant son image à des opérations spectaculaires, généreusement rétribuées. A Tokyo, il tape des balles avec le prince héritier du Japon. En Suisse, ses apparitions en famille font les délices de la presse.
Adolf Ogi le présente à l’assemblée de l’ONU où il devient ambassadeur international de l’Unicef. Car Roger n’oublie pas de mettre sa notoriété au service des enfants. Très vite, il a créé sa fondation, gérée au quotidien par sa mère, Lynette. Il monte aussi des matchs pour les victimes du tsunami de 2004 et un duel avec Nadal à Zurich en 2010. Il paie la pizza aux ramasseurs de balles du tournoi de Bâle, fait un crochet par Grône (VS) pour promouvoir le tennis-club de son copain Allegro.
Son image est parfaite, intacte, glamour sans excès, lisse mais pas trop. Parfait communicant, à l’aise partout, curieux de tout, il est l’ambassadeur rêvé. Les organisateurs de tournois paient entre 750 000 et 1 million de francs pour l’engager mais ils y gagnent. Les annonceurs se l’arrachent également: automobile, compagnie aérienne, assurances, banque, montres de luxe, rasoirs, chocolat... Ce champion hors norme semble avoir trouvé le bon équilibre après s’être si longtemps cherché. Depuis son plus jeune âge, Roger Federer s’est rêvé en numéro un mondial. Il est allé bien au-delà de ses rêves d’enfant.
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