- Heureux au travail, l’objectif clé?
- Catherine Vasey: Si le travail peut conduire à de grandes souffrances, peut-il à l’inverse nous rendre pleinement heureux? Espérer du travail qu’il nous rende heureux me semble être une attente irréaliste par rapport à ce qu’il peut réellement apporter. Le sujet est vaste, bien sûr, mais si l’on entend par le fait d’être heureux l’idée de se sentir bien dans son corps, dans son cœur, dans sa tête, libre et en accord avec ses valeurs, on voit rapidement que la vie professionnelle comporte des limites évidentes. Ainsi, le corps est généralement utilisé plus qu’écouté – rester assis huit heures par jour devant un écran, par exemple, est pour lui une hérésie. Emotionnellement, le monde du travail suppose d’être dans un contrôle permanent, de nos émotions, de nos réactions. Quant à l’intérêt intellectuel, sans doute le levier le plus malléable, il vient généralement loin derrière les enjeux financiers ou administratifs propres à la fonction...
- Certaines stratégies permettent-elles tout de même de s’épanouir et de se préserver?
- Bien sûr. L’un des enjeux majeurs est de redonner au travail sa juste place dans notre vie, surtout quand il a eu tendance à l’envahir, en termes de temps, d’investissement émotionnel et mental. L’idée est non seulement de réaliser que nous ne nous résumons pas à notre rôle professionnel, nous sommes bien plus vastes que cela, mais également de pouvoir nourrir les autres aspects de notre vie, qu’il s’agisse de notre famille, de nos relations amicales, de nos loisirs. Cette démarche est essentielle pour rétablir un équilibre, développer la confiance en soi et cultiver nos propres ressources.
- Qu’en est-il sur le lieu de travail lui-même?
- Selon moi, le mot d’ordre pour ne pas se laisser envahir par les affres du monde professionnel est «choisir». Choisir de s’engager pleinement dans son travail quand on y est, mais s’en désengager tout aussi pleinement pour se ressourcer quand on n’y est pas. Se focaliser sur ce qui nous plaît, nous satisfait, nous motive au travail, et moins sur le reste. Cultiver les relations professionnelles qui nous ressourcent et soigneusement mettre à distance les autres. Mais aussi oser parfois se choisir soi-même, plutôt que de viser la performance à tout prix.
>> Lire aussi: Souffrance au travail, comment y remédier?
«La boîte à outils de votre santé au travail» (Ed. Dunod, 2020).
Editions Dunod