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Santé

Souffrance au travail, comment y remédier?

On y passe une grande partie de notre vie, mais le travail peut devenir un enfer. Quels sont les signes d’une souffrance au travail? Comment faire rimer travail et santé?

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Santé-souffrance au travail

6,5 milliards de francs: c’est le coût annuel, pour l’économie suisse, du stress lié au travail.

Noura Gauper

«Le travail, c’est la santé», dit l’adage… Ce n’est pas toujours le cas. D’après une enquête européenne, une personne sur dix en Suisse se déclare peu ou pas satisfaite de ses conditions de travail. Cette insatisfaction peut se transformer en souffrance physique et/ou mentale en présence de facteurs de risque tels qu’une surcharge, une faible autonomie ou des discriminations.

En parallèle de la souffrance psychique, des conditions de travail inadéquates comme un environnement bruyant ou des postures douloureuses peuvent avoir des conséquences physiques. 

Sachant qu’un individu passera en moyenne un tiers de sa vie active sur son lieu de travail, les entreprises ont tout intérêt à mettre en place des stratégies de prévention des risques professionnels précoces pour ne pas laisser s’installer – ou perdurer – un mal-être psychique ou physique.

Parmi les manifestations les plus connues de souffrance au travail figure le burn-out, ou épuisement professionnel. Considéré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) non pas comme une maladie mais comme un «syndrome résultant d’un stress chronique au travail», il se caractérise par un profond manque d’énergie, une perte d’efficacité et des sentiments négatifs vis-à-vis de son emploi.

Le burn-out, un phénomène de société?


Avec un télétravail imposé, le ralentissement des activités, le projecteur braqué sur les professions dites «essentielles», la crise covid s’est pour certains imposée comme un temps d’introspection à la fois personnel et professionnel. Mes missions m’épanouissent-elles? Suis-je en phase avec les valeurs de mon entreprise?

La recherche d’une qualité de vie au travail qui préserve la santé physique ou mentale est aujourd’hui une préoccupation constante pour les travailleurs et de nombreuses entreprises. Paradoxalement, le stress au travail est en constante augmentation depuis des décennies. La faute à la recherche constante de performance? A la cadence accrue qu’exige la compétitivité? «Dans les années 1980, le type de management a changé un peu partout dans le monde, note la Dre Zakia Mediouni, médecin du travail et responsable de la consultation travail et souffrance au sein du département santé, travail et environnement d’Unisanté. On est passé d’une approche paternaliste à un management plus individualisé basé sur les performances du collaborateur, avec tout ce que cela entraîne comme exigences.»

>> Lire aussi: Burn-out, licenciement et «flex office»: l’entreprise a-t-elle toujours un sens?

Impact sur la santé physique et mentale


Que l’on parle de burn-out (épuisement), de «bore out» (ennui, sous-charge de travail) ou de «brown out» (manque d’intérêt, perte de sens), les expressions de la souffrance au travail peuvent se traduire par différents symptômes. Des manifestations physiques par exemple, telles que douleurs musculosquelettiques (maux de dos), maux de tête, troubles digestifs, poussée d’eczéma... Une méta-analyse menée par une équipe de l’Université de Zurich a montré un lien significatif entre l’épuisement professionnel et l’apparition de certaines pathologies comme l’hypertension artérielle, des maladies cardiaques, pulmonaires ou dermatologiques.

Le moral, lui aussi, peut être atteint, avec un envahissement de la pensée par des idées négatives au sujet du travail, des ruminations, une hyper-vigilance, l’impossibilité de se détendre, une irritabilité, des troubles du sommeil, etc. Avec le temps se met en place un cercle vicieux: l’épuisement entraîne des difficultés à se concentrer et une baisse de performance, ce qui favorise le stress et donc l’épuisement… jusqu’à l’effondrement. «L’être humain a besoin d’un certain équilibre: ni trop, ni trop peu, rappelle Zakia Mediouni. Dès que l’on se retrouve dans un extrême, il peut y avoir des répercussions sur la santé.»

Des terrains propices à la souffrance professionnelle 


Dans une même équipe, à tâches et cadence similaires, chacun absorbe les choses différemment, physiquement, mais aussi psychologiquement. «Certes, nous avons tous nos propres limites, confirme Zakia Mediouni. Mais à partir d’une certaine charge, d’une certaine pression de la hiérarchie, de certains horaires, d’une certaine durée de trajet pour aller au travail, toute personne craque un jour ou l’autre.»

Par ailleurs, si le travail peut effectivement être le lieu d’expression d’un certain malaise, il n’en est pas forcément à l’origine. Toutes les dimensions de l’individu, qu’elles soient sociales, psychologiques ou familiales, peuvent ou non contribuer à cette souffrance. Des facteurs personnels peuvent constituer un terrain favorable pour l’apparition d’un épuisement professionnel (degré d’engagement, responsabilités familiales, conflits personnels ou solitude), auxquels s’ajoutent des facteurs professionnels (management par la peur, système de bonus, manque de reconnaissance, etc.). 

Certaines professions sont également plus propices à l’émergence de troubles, comme celles qui imposent de fortes charges de travail, des horaires de nuit, des plages horaires importantes, un contact permanent avec le public (restauration, soignants, etc.).

Vers qui se tourner?


Lorsque le corps commence à envoyer des signaux d’alerte, psychiques ou physiques, l’environnement professionnel doit être questionné. L’urgence alors: ne pas attendre! «Même si le lien avec le travail n’est pas clair, il est primordial de consulter rapidement afin d’éviter une situation conflictuelle et enkystée, recommande Zakia Mediouni. Mais souvent, les personnes en souffrance restent en poste, un à deux ans en général, avant de réaliser à quel point elles vont mal.»

La première porte à pousser est celle du médecin généraliste afin qu’il identifie la situation et oriente si besoin vers un psychologue ou un psychiatre.

Un vaste réseau d’aide


Une fois stabilisée sur le plan médical, la personne peut solliciter les ressources existantes dans son entreprise: hiérarchie, ressources humaines, comité du personnel, médecin du travail ou personne de confiance.

Enfin, des recours extérieurs peuvent être envisagés: consultation spécialisée, coach, ressources auprès de l’assurance, inspection du travail, syndicats, conseils juridiques, etc.

«C’est tout un réseau qui peut être activé en fonction des situations, afin de favoriser un dialogue apaisé et de mettre en place rapidement des modifications aux postes de travail», suggère la Dre Peggy Krief, médecin du travail et responsable de l’unité médecine du travail à Unisanté.

Une stratégie qui bénéficiera à l’employé, mais aussi à l’entreprise tout entière. «Les employeurs n’ont aucun intérêt à ce que leurs employés tombent malades, poursuit la spécialiste. Cependant, il y a une représentation erronée de la santé au travail en Suisse, avec la crainte d’un impact sur la productivité et la rentabilité de l’entreprise. Elle empêche le travail collaboratif pluridisciplinaire avec les spécialistes. L’objectif est pourtant d’arriver à un cercle vertueux: que tout le monde travaille dans des conditions saines et que l’entreprise reste compétitive et attractive. Cela doit être un modèle gagnant-gagnant.»


La souffrance au travail en chiffres


Le bien-être au travail constitue un grand défi pour les employés comme pour les entreprises.

  • 1 personne active sur 5 ressent, la plupart du temps ou toujours, du stress au travail.
  • 30% des personnes actives sont épuisées émotionnellement.
  • 1 personne active sur 2 est exposée à au moins trois types de risques psychosociaux (ex: demande ou intensité élevée, faible autonomie...).
  • 45% des personnes actives professionnellement sont exposées dans leur travail à un cumul d’au moins trois risques physiques (mouvements répétitifs, charges lourdes, rester debout...).
  • 16% des actifs ressentent une crainte de perdre leur emploi.

Arrêt maladie: est-ce vraiment la solution?


Utilisé comme une simple éviction, sans objectif de soins ou d’action sur les conditions de travail, l’arrêt maladie ne présente pas grand intérêt. «Il s’agit d’un outil, pas d’une solution, insiste la Dre Zakia Mediouni, médecin du travail et responsable de la consultation travail et souffrance au sein du département santé, travail et environnement d’Unisanté. Il peut néanmoins permettre le démarrage de soins, mais aussi la mise en conformité du poste de travail par rapport aux capacités du collaborateur.» 

Quand s’impose-t-il? «Dès lors que les symptômes de la personne sont le signe d’un épuisement physique, mental ou émotionnel, qu’elle ne parvient plus à récupérer, que son état l’expose à un risque d’accident ou de problèmes au travail (avertissement, blâme, etc.)», précise Catherine Vasey, psychologue spécialisée dans le burn-out à Lausanne et conceptrice du site Noburnout.ch. 

Et de préciser: «Idéalement, le traitement comporte trois phases. La première, ancrée sur la récupération active, vise à remonter le niveau d’énergie en consolidant le sommeil et en pratiquant une activité physique quotidienne. La deuxième permet d’identifier ce qui a causé l’épuisement et de créer un plan d’action des changements pour guérir, un réentraînement intellectuel et de développer de nouvelles ressources. Et la troisième est le retour au travail qui permet de mettre en œuvre les changements, une réhabilitation, un renforcement de la confiance en soi.»

Par Clémentine Fitaire et Laetitia Grimaldi publié le 8 décembre 2022 - 08:47