Chacune de nos cellules possède un noyau qui renferme de l’ADN, contenant lui-même notre information génétique. Autour de ce noyau, le cytoplasme contient des ribosomes, sortes de petits robots capables de créer des protéines, nécessaires au bon fonctionnement des cellules. Mais pour cela, ils ont besoin d’ARN messager (ARNm). En effet, tandis que les codes de notre ADN restent bien enfermés dans le noyau, l’ARNm est une sorte de duplicata chargé de transmettre aux ribosomes le mode d’action pour synthétiser telle ou telle protéine. Car ce sont justement les protéines qui donnent toute leur spécificité à une cellule ou à un virus. Recouvrant sa surface, elles le rendent reconnaissable. Pour mettre au point un vaccin, une fois ces protéines identifiées, des morceaux d’ARNm sont synthétisés en laboratoire. Injectés dans notre corps, ils agissent comme un messager qui va amener nos cellules à produire elles-mêmes la protéine spécifique, dans le but qu’en retour l’organisme produise les anticorps correspondants. En cas d’infection par le virus, ces anticorps seront ainsi entraînés à le combattre.
La durée de vie de l’ARNm dans notre organisme n’est que de 48 heures, le temps de transmettre les informations nécessaires à la production de protéines; après quoi, il est détruit et éliminé. En aucun cas il ne pénètre le noyau de nos cellules pour impacter notre génome.
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Katalin Karikó, mère de l’ARN messager à visée thérapeutique
C’est une histoire singulière que celle de cette biochimiste hongroise à qui la science doit tant. Durant plus de trente ans, Katalin Karikó s’est battue pour faire reconnaître le potentiel révolutionnaire de l’ARN messager (ARNm). Dès les années 1970, elle met en avant les effets antiviraux de certaines molécules d’ARN, mais n’est pas encouragée par sa hiérarchie et ne parvient pas à soulever les fonds nécessaires pour ses travaux. Chercheuse déterminée, elle quitte la Hongrie dans les années 1980 avec seulement quelques sous en poche pour rejoindre les Etats-Unis, où elle espère pouvoir mener ses expériences au sein de l’Université de Pennsylvanie. Au début des années 2000, elle développe avec l’immunologue Drew Weissman une solution permettant de prévenir la réponse inflammatoire à l’ARNm, une découverte clé pour l’élaboration de solutions thérapeutiques qui ouvre la voie aux vaccins.
Les deux scientifiques parviennent quelques années plus tard à enrober le précieux ARN de nanoparticules lipidiques qui permettent de ralentir sa dégradation. En 2013, Katalin Karikó rejoint la firme BioNTech en Allemagne en tant que vice-présidente, pour mener des programmes de recherche clinique. «Je voulais veiller à ce qu’on fabrique le bon produit à l’aide de toutes ces connaissances accumulées pendant des années», déclarera-t-elle. Ses travaux ont pu mener à la mise au point des vaccins à ARNm contre le Covid-19 et son nom est désormais évoqué pour un prochain Prix Nobel… «Les gens apprennent seulement aujourd’hui l’existence des vaccins à ARNm. Mais fabriquer de l’ARN modifié a mis des années et de nombreuses firmes utilisent cette technologie dans la plupart de leurs produits», conclut celle qui a consacré sa vie à la recherche.
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