La phobie scolaire se manifeste par une peur panique d’aller à l’école, une angoisse intense au moment d’entrer dans l’établissement scolaire, parfois associées à une anxiété de la séparation, une phobie sociale, voire une dépression. «On parle cependant davantage de «refus» scolaire que de phobie, corrige Yannick Heim, psychologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les mécanismes derrière ce phénomène sont plus complexes qu’une phobie. Il ne s’agit pas simplement d’une peur associée au bâtiment scolaire; le refus scolaire est davantage un symptôme ou la conséquence d’un engrenage.»
D’origine multiple, le refus scolaire peut être dû à des facteurs tels que trouble anxieux, harcèlement, épisode dépressif ou encore peur de l’évaluation, qui s’inscrivent tous dans une dynamique familiale et sociale. Lorsqu’il se prolonge, il peut avoir d’importantes répercussions, en compromettant les enseignements fondamentaux, la sociabilisation mais aussi le renfort de l’estime de soi. «La stratégie d’évitement de ce qui provoque l’anxiété – stratégie que l’on retrouve dans tous les troubles anxieux – mène à un cercle vicieux qui petit à petit prend toute la place», explique Yannick Heim.
Pour les parents, la plus grande difficulté est d’abord de savoir comment réagir: faut-il forcer son enfant à aller à l’école ou accepter de le garder à la maison? Et, surtout, vers qui se tourner? Tout d’abord, il faut souligner l’importance d’une approche globale réunissant autour de l’enfant à la fois l’équipe scolaire, le pédiatre, le psychologue et les parents. Si le refus est récurrent et durable, il est important de réagir vite, pour limiter les conséquences de l’isolement et planifier de concert une reprise progressive. Une thérapie cognitivo-comportementale, qui implique les parents, s’avère souvent efficace. Elle propose de nombreux outils (relaxation, visualisation, travail sur les croyances, stratégies comportementales, etc.) pour faire face à la peur. «L’EMDR peut bien fonctionner en cas de harcèlement ou d’épisode traumatique, ajoute le psychologue. Quant à la réalité virtuelle, elle est encore peu utilisée mais semble prometteuse, notamment pour travailler sur une phobie sociale.»
Enfin, dans certains cas, un traitement médicamenteux peut aider à soulager sur le moment un pic d’angoisse. Mais il ne peut à lui seul représenter une solution sur le long terme. «La boîte à outils pour traiter un refus scolaire est vaste, conclut Yannick Heim. Le plus compliqué, finalement, c’est l’errance dans laquelle se trouvent certains parents face au manque de disponibilité des offres de soins.»
Témoignage: «Ce n’est pas que je ne voulais pas aller à l’école, c’est que je ne pouvais pas»
Face aux mauvais résultats scolaires de leur fils, Bertrand* et Carine* ont pris en 2018 la décision de le changer d’établissement. Le début de la descente aux enfers pour Gabriel*, 13 ans à l’époque.
On a voulu faire quelque chose «pour» lui, on ne se doutait pas que cela serait «contre» lui, raconte Bertrand. Petit à petit, Gabriel a commencé à montrer des signes d’inquiétude, d’angoisse, il pleurait quand il fallait partir le matin. Ça a été de pire en pire, jusqu’à ce que je doive le sortir physiquement de la voiture et le porter jusqu’à l’entrée de l’école.» Gabriel se souvient: «Ce n’est pas que je ne voulais pas y aller, c’est que je ne pouvais pas.»
Et son père de poursuivre: «Il était dans une vraie détresse. On ne le reconnaissait pas, il semblait éteint. Nous nous sommes posé beaucoup de questions: subissait-il du harcèlement, des violences? Apparemment pas…» Les parents de Gabriel se mettent alors à chercher un interlocuteur pour aider leur fils. «Mais nous nous sommes heurtés à deux murs: le manque de disponibilité des psychologues ou des psychiatres et une incompétence quasi généralisée sur la question de la phobie scolaire, regrette Carine. C’est après plusieurs échecs que nous nous sommes tournés vers le Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre hospitalier universitaire vaudois.
«Le contact s’est noué tout de suite, se souvient Gabriel. Le psychologue qui m’a reçu était à l’écoute. Il n’a pas cherché à tout prix à comprendre d’où venait le problème, mais plutôt à me remettre sur les rails de l’école.» En parallèle de ce suivi, Gabriel a progressivement pu reprendre le chemin de sa classe dans son école d’origine, grâce à un réseau réunissant parents, doyenne, enseignante, infirmière scolaire et psychologue. «C’est lui qui décidait du rythme, chaque petit pas était une victoire», confie sa mère. Après avoir terminé sa scolarité avec le certificat obligatoire, le jeune homme est aujourd’hui apprenti bûcheron. «Toutes ces années ont été difficiles, mais j’ai gagné en maturité et en confiance en moi, avoue Gabriel. On a bien fait de ne pas abandonner.
Ado en souffrance: les signes à repérer
Face à un adolescent par essence en plein bouleversement tout à la fois psychique, hormonal et physique, comment faire la part des choses, côté parents, entre le «tout à fait normal» et la présence d’un profond mal-être? Tour d’horizon des signaux clés avec la Dre Marie Schneider, médecin cheffe de clinique à l’unité Malatavie (HUG-Children Action).
Phobie ou état d’anxiété envahissant entravant la vie familiale et/ou sociale
- Tristesse tenace
- Repli sur soi
- Consommation de toxiques (alcool, tabac, etc.)
- Echec scolaire
- Troubles du sommeil
- Troubles du comportement alimentaire
- Impossibilité d’échanger autour des difficultés avec les personnes «ressources» (famille, entourage)
Vous avez dit «phobies»?
Il existe un véritable dictionnaire de terminologies chargées de nommer ces craintes courantes ou incongrues que sont les phobies. En voici quelques-unes.
Achluophobie
Peur du noir et de l’obscurité.
Aérodromophobie
Peur des voyages en avion.
Algophobie
Peur de la douleur.
Emétophobie
Peur de vomir.
>> Lire aussi: Alerte aux phobies chez les ados