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Martina Chyba: «J’ai retrouvé une sorte d’insouciance»

A quel âge est-on vieux? Cette question n'est plus vraiment d'actualité. Aujourd'hui, est vieux celui qui s'y résigne. Témoignage de Martina Chyba 56 ans, journaliste RTS, à Genève. 

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Martina Chyba

Martina Chyba: «J’ai retrouvé une sorte d’insouciance».

Julie de Tribolet

«Elles me font sourire, ces femmes de 50 ans qui aiment dire: «Oh! je me sens tellement plus épanouie, c’est le meilleur âge…» C’est plus commode que d’avouer: «Je me sens hyper-vieille et j’en ai marre.» Pourtant, sans que ce soit une catastrophe, la cinquantaine est un âge pivot, un âge compliqué. On a des enfants dont il faut se soucier de l’avenir, des parents qui vieillissent et meurent, un monde du travail dans lequel la discrimination due à l’âge est une réalité acceptée, des recompositions familiales énormes. On vit aussi les premiers pépins de santé: si on n’a mal nulle part, ce n’est pas normal. Même en se disant: «Oh! pour moi, cela va aller…», on se prend tout en pleine figure. Pour moi qui viens d’un milieu sportif, voir un corps se ramollir et moins répondre, c’est difficile.

Il y a pourtant des privilèges, surtout un. S’affranchir du regard des autres donne une liberté magnifique. Je n’ai plus à construire ma famille et ma carrière. Tous ceux qui ne sont pas contents avec celle que je suis peuvent aller se faire voir. On le remarque dans tous les milieux professionnels: il y a beaucoup de crainte chez les jeunes de s’exprimer, d’avoir une mauvaise image, du bad buzz sur les réseaux. Au moins, les vieux, pff, on peut s’en ficher un peu plus.

Perdu pour perdu, et dans une époque pas très drôle, on peut, on doit s’amuser. J’ai retrouvé une sorte d’insouciance. J’ai d’abord considéré la ménopause comme un nouveau départ; perdre de la féminité, je n’en avais rien à faire. Et j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un après 50 ans, de retrouver une vie amoureuse pleine.

Yann Moix dit que les femmes de 50 ans sont moches et imbaisables? Il a le droit et il ne faut même pas répondre, sinon on pleure sur son oreiller. Il est statistiquement démontré que les hommes refont leur vie plus facilement et avec des femmes plus jeunes. Et alors? Cela signifie qu’on doit chercher des mecs de 80 ans?

Qu’on ne me siffle plus dans la rue, je m’en fiche. Je trouve plus important de pouvoir me regarder moi-même. J’ai par exemple décidé en 2017 de refaire mes paupières supérieures. Rien à voir avec l’influence des hommes ou le fait d’apparaître à la télévision: la vérité, c’est que je ne me supportais plus. J’y pensais depuis longtemps, j’aurais dû le faire avant. Cela a changé mon regard sur moi.
L’important est de se sentir vivante. Faire l’amour, c’est vivant; s’amuser, c’est vivant; boire des coups, c’est vivant. Continuer à courir des marathons – je suis inscrite à celui de Vienne –, c’est être encore en vie. L’époque est certes dure avec les seniors, mais, dans les années 1960-80, les gens étaient vieux à 50 ans. Objectivement, on a gagné autant en années de vie qu’en qualité.

L’humour est cardinal. Je le vois dans mes chroniques pour «Générations». Mes lecteurs aiment le côté un peu cash, l’âge permet d’envoyer.»


- La pire chose qu’on vous ait dite à propos de l’âge?

- «Tu as l’air fatiguée…» Réponse: oui, je suis fatiguée, je bosse depuis trente-cinq ans à plein temps et j’ai élevé deux enfants.

- Votre devise?

- Une phrase attribuée à Jean d’Ormesson, d’une profondeur inouïe: «L’essentiel, c’est de s’en foutre.»

- Le plus bel âge, c’est…

- La trentaine peut-être: on est au taquet dans la tête, bien physiquement. Mais je crois en la soixantaine, j’y pressens un apaisement.


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Par Marc David publié le 14 avril 2022 - 08:55