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Politique française

Le premier tour des élections présidentielles françaises vu par Thomas Wiesel

Thomas Wiesel décortique pour nous les résultats du premier tour des élections présidentielles de nos voisins les français. Un résultat peu inattendu, puisqu'une deuxième fois ce sera Macron-Le Pen au second tour. Mais est-ce qu' Emmanuel Macron arrivera à caler un créneau pour un débat avec Marine Le Pen dans son agenda de président très occupé par la guerre en Ukraine? C'est dans son intérêt, les résultats s'annoncent serrés.

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Chronique Wiesel

Eric Zemmour finit finalement quatrième, très loin du trio de tête, avec seulement 7% des voix.

Montage Wiesel

Dimanche, j’ai passé ma soirée devant les médias français, et comme la loi interdit de diffuser des résultats avant 20 heures et qu’ils ont tous pris l’antenne bien avant, ça a beaucoup meublé. On allait aux six coins de l’Hexagone pour parler à des dizaines d’envoyés spéciaux qui disaient rien de spécial mais faisaient de leur mieux pour gaspiller deux minutes d’antenne avec Thérèse, une fleuriste niçoise, ou Charlie, qui est en train de pêcher sur les quais de Seine à Paris (y a des poissons qui survivent dans la Seine à Paris?), suivi de plans larges de gens qui faisaient la file pour voter. Même en Suisse, on a vu d’énormes files d’attente à Lausanne et à Genève, des longues files devant des bureaux de vote, en Suisse! Ça, ça arrive que pour les élections françaises.

Puis on part en direct dans les QG de campagne des candidats, où il ne se passe rien non plus mais attention: «C’est par ici que Marine Le Pen va arriver en montant par ces escaliers.» Filmer quelqu’un qui monte des escaliers, c’est déjà pas passionnant, alors filmer quelqu’un qui t’explique que quelqu’un va bientôt monter les escaliers, on atteint le summum du journalisme.

A 20 heures, enfin, les résultats tombent. Après cinq ans à entendre les Français se plaindre qu’ils ont voté Macron parce qu’ils étaient obligés pour faire barrage à Le Pen, qu’est-ce qu’ils nous pondent? Un match retour Macron-Le Pen. La suite la moins attendue par le peuple depuis «Alad’2».

Très rapidement, les candidats éliminés prennent la parole, Anne Hidalgo fait son discours en premier, ça dure trente secondes, toute pressée qu’elle est d’en finir avec ses neuf mois de calvaire, d’aller prendre un bain, de regarder «Love Actually» et de bouffer de la glace à même le pot jusqu’à ce qu’elle oublie tout.

Elle sera entrée dans l’histoire en faisant moins de 2%, de loin le pire score de l’histoire du Parti socialiste. En remerciant celles et ceux qui lui ont accordé leur suffrage, elle hésite à faire la liste des noms: Gwendoline à Nevers, Jean-Pierre à Saint-Brieuc, Maxime à Limoges, salut Maxou, Papa, Maman… Jusqu’au dernier jour ça aura été une humiliation pour Hidalgo. Dernier exemple dimanche à Pau, où pendant les deux premières heures, ils ont oublié de sortir les bulletins Hidalgo du carton, jusqu’à ce qu’une déléguée réalise la gaffe. Aucun électeur ne s’en était rendu compte entre-temps. Les bulletins Hidalgo, c’est comme les drapeaux bleu, blanc, rouge, ils étaient avant tout là pour la déco.

Autre déculottée, celle de Valérie Pécresse, qui réalise aussi le pire score de l’histoire de son parti avec moins de 5%. Elle pourra longtemps regarder les sondages qui la plaçaient deuxième en début de campagne avant qu’il ne se passe un truc fou: plus les gens l’ont connue, moins ils voulaient voter pour elle. Mais Valérie n’est pas rancunière, elle termine son discours en disant: «Je veux dire aux Françaises et Français que je les aime passionnément.» Et c’est peut-être ça, le véritable amour: quand c’est pas réciproque.

Avec 7% à eux deux, les socialistes et Les Républicains, les deux plus grands partis de la Ve République, sont relégués à l’arrière-plan. Comme les «hand spinners» et les Tamagotchi, ils étaient partout à une époque, mais ils ont maintenant quasi disparu de la circulation.

Faire moins de 5%, ça fait aussi mal au porte-monnaie, car c’est le seuil au-dessous duquel l’Etat ne rembourse qu’une minuscule partie des frais de campagne. Yannick Jadot est le premier à faire un appel aux dons à ses électeurs pour boucler ses comptes. Selon ses calculs, avec 3 euros par voix obtenue, il s’en sort. «Hey, t’as pas 3 balles pour sauver la planète?»

Eric Zemmour finit finalement quatrième, très loin du trio de tête, avec seulement 7% des voix. Lui qui n’arrêtait pas de dire que les chiffres mentaient, que les sondages se trompaient, a eu raison: il finit encore plus bas qu’annoncé. Il parlait beaucoup d’un vote caché en sa faveur. Les votes sont restés super bien cachés. C’est Xavier Dupont de Ligonnès, les votes.

Zemmour s’est félicité dans son discours d’avoir construit le plus grand parti de France. Certes il est que quatrième, mais je suis d’accord avec lui, la médaille en chocolat c’est la meilleure, c’est la seule qui se bouffe. Et puis, Zemmour et les chiffres… Il ne croyait pas les sondages, il comptait à double la foule à ses meetings, il sortait des statistiques erronées dans ses discours, mais c’est pas étonnant, c’est des chiffres arabes, Eric, il est pas copain avec.

Jean-Luc Mélenchon finit troisième pour la deuxième fois de suite, il lui aura manqué environ 500 000 voix. C’est con, si les hologrammes pouvaient voter, ça aurait passé.

Dimanche, alors que le Rassemblement national avait déjà commencé à draguer ses électeurs, Mélenchon a été clair, répétant quatre fois: «Il ne faut pas donner une seule voix à Mme Le Pen.» A l’heure qu’il est, tout le monde est rentré à la maison, mais Mélenchon erre dans les rues à gueuler: «Pas une seule voix à Mme Le Pen!» C’est Gandalf l’Insoumis, «vous ne passerez pas»!

Marine Le Pen est donc de nouveau au second tour, et va tenter de mieux réussir son débat d’entre deux tours qu’il y a cinq ans. Le véritable exploit serait de faire encore pire, mission quasi impossible, à moins de débarquer avec une canette de bière et d’uriner sur Anne-Sophie Lapix en chantant «Macron démission»!

Les premiers sondages la donnent à 49%, nettement plus haut qu’il y a cinq ans, une victoire de Marine Le Pen n’est plus considérée comme impossible. Notamment parce qu’elle a réussi son projet de dédiabolisation du Front national. Enfin, c’est surtout grâce à Eric Zemmour, qui aura plus fait pour Le Pen en six mois qu’elle en dix ans. Le meilleur moyen d’apparaître modérée et raisonnable, c’est quand même d’avoir quelqu’un de plus extrême à côté. Je suis sûr qu’elle l’encourageait: «Hé Rico, c’est intéressant ce que tu penses des Arabes noirs handicapés, tu devrais aller le raconter sur tous les plateaux. Pis ces prénoms étrangers c’est naze, Corinne, ça sonne mieux, non?»

Quant à Macron, il améliore son score du premier tour de 2017, en faisant campagne une demi-journée. Il a laissé les candidats s’attaquer parmi, il a refusé les débats, boudé les émissions politiques, il a fait un meeting et demi en présentiel. Certains candidats ont dû faire des meetings en visio parce qu’ils avaient le covid, lui c’est parce qu’il avait la flemme. Il enregistrait des dédicaces vidéo comme les stars de téléréalité. «C’est Manu, votez pour moi avec le code promo #5ansdeplus, bisous.»

Dimanche, ses militants chantaient «Et un, et deux, et cinq ans de plus». Pour eux, c’est pas une élection, c’est un prolongement automatique de CDD.

Macron a fait applaudir les noms des dix candidats éliminés, et c’était la première fois qu’il les prononçait de toute la campagne. Même Kim Jong-un et Vladimir Poutine font plus semblant de faire campagne qu’Emmanuel Macron cette année.
L’excuse de la guerre en Ukraine qui lui prend absolument tout son temps a bon dos. Volodymyr Zelensky gère son gouvernement, sa population et son armée tout en étant bombardé depuis un mois et il arrive à faire un discours personnalisé par jour devant chaque parlement du monde entier, mais Macron n’a pas une seconde pour faire campagne parce qu’il passe ses journées au téléphone avec Vladimir: «Non toi, raccroche d’abord, non toi, OK, alors en même temps à 3: 1, 2, 3… Je savais que t’allais pas raccrocher.»

Il va devoir trouver un créneau dans son agenda ces prochains jours, parce que c’est très tendu, Macron-Le Pen, round 2, verdict final dans deux semaines.

Présidentielle française 2022

Le vote d’à côté avec Thomas Wiesel: les surprises du premier tour

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Dans cette chronique vidéo, l’humoriste Thomas Wiesel décortique avec légèreté pour «L’illustré» l'élection présidentielle chez nos voisins français, qu’on adore écouter s’engueuler tous les cinq ans. Dans ce troisième épisode, il revient sur les résultats du premier tour avec une finale (pas) inédite. Laetitia Béraud
Par Thomas Wiesel publié le 12 avril 2022 - 13:21