Ça y est, on est dans la dernière ligne droite de l’élection, les Français n’en peuvent plus, partout où ils regardent y a des candidats à la présidentielle, en meeting, sur des affiches, dans les journaux, à la radio, ils font croire que c’est des cousins éloignés pour s’incruster aux fêtes de famille, sur toutes les chaînes TV, TF1, France 2 et 3, M6, NRJ12, Gulli, ils sont prêts à mettre des talons aiguilles pour défiler sur Fashion TV ou se déguiser en cheval pour passer sur Equidia, c’est l’overdose totale, mais c’est bientôt fini.
Après avoir passé en revue la gauche, aujourd’hui on s’occupe des six candidatures de droite, et parmi celles-ci, il y aura peut-être les deux qui vont se retrouver au deuxième tour, je veux bien sûr parler de Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan. Non, évidemment, à moins d’un cataclysme, ces deux vont plutôt viser un top 10. C’est comme les athlètes suisses aux Jeux d’été: un diplôme olympique, ce serait déjà un vachement bon résultat.
Jean Lassalle est quand même en tête d’un sondage: celui du candidat avec qui les Français ont le plus envie de boire une bière. Le problème, c’est que quand on voit certaines de ses apparitions, on dirait qu’il a déjà commencé à en boire une avec chacun des 48 millions d’électeurs. C’est le seul candidat capable d’aller chercher plus haut en pour mille qu’en pour cent.
Quant à Nicolas Dupont-Aignan, «Paris Match» s’est posé la question: «A quoi sert Nicolas Dupont-Aignan?» Quand le magazine qui te tient au courant de l’état de santé de la perruche du cousin de Michel Drucker se demande à quoi tu sers, c’est pas très bon signe.
Loin devant eux mais de plus en plus loin derrière le deuxième tour, on retrouve Valérie Pécresse, dont la campagne s’est résumée à une suite de râteaux; de personnalités qu’elle aurait bien vues dans son cabinet, comme Philippe de Villiers, Leïla Slimani, Teddy Riner, qui ont répondu respectivement: non, jamais de la vie et LOL; de Nicolas Sarkozy, qui ne veut pas la soutenir alors qu’elle le drague en reprenant ses formules, genre «il faut ressortir le Kärcher pour nettoyer la racaille»; puis même de Kärcher, qui sort un communiqué pour lui demander d’arrêter de citer son nom dans ses discours. «KEEP OUR BRAND’S NAME OUT OF YOUR FUCKING MOUTH.» Elle s’est pris tellement de vents que si on lui avait collé des pales d’éolienne, elle aurait pu alimenter la Seine-et-Marne en électricité pendant un an.
Ça avait pourtant bien commencé avec sa victoire à la primaire des Républicains, qui lui a donné un joli boost. Quelques mois plus tard, une enquête de «Libération» montre que des centaines de votants étaient des adhérents fictifs, dont un chien, Douglas, prénom d’emprunt (oui, ils ont tenté de préserver l’identité du chien, ça c’est du professionnalisme). Pour essayer de maintenir la crédibilité des résultats de la primaire, un sénateur des Républicains est allé jusqu’à expliquer que le chien n’a pas pu voter car il fallait entrer un code reçu par SMS et «le chien ne sait pas lire». Vachement bien sécurisé, leur truc. Certes, le chien a pu adhérer au parti, s’inscrire à la primaire, acquérir un téléphone, entrer son numéro, recevoir le SMS, mais là: «Ouaf je sais pas lire. Wouaf trop déçu.»
Un peu plus haut, on retrouve Eric Zemmour, qui, d’après lui, est le seul candidat de droite de l’élection: il dit que Pécresse est centriste et Le Pen socialiste. Vu d’où il regarde, ils sont tous plus à gauche que lui, forcément. C’est le type qui prend l’autoroute à contresens et se dit: «C’est fou tous ces gens qui roulent à l’envers.» Toutes ses sorties et propositions sont calculées pour créer la polémique. C’est le candidat troll. Eric Zemmour, c’est ce qu’il se passerait si la section commentaires du 20 minutes se lançait à la présidentielle.
Alors évidemment, ça se concentre toujours autour du même sujet: l’immigration. Zemmour, c’est Stéphane Chapuisat, il aura eu qu’une seule feinte de toute sa carrière, mais jusqu’au bout y a encore des gens pour tomber dans le panneau. Paf crochet du droit.
Le problème pour lui, c’est que c’est pas l’unique sujet de cette campagne, et chercher ce que dit Zemmour sur les autres sujets que l’immigration, c’est comme enquêter sur ce que dit un Pokémon quand il gueule pas son propre nom… y a pas grand-chose.
Sa principale adversaire est Marine Le Pen, qui vise de nouveau le second tour, comme en 2017. Sans doute pour se démarquer de Zemmour, Marine parle moins d’immigration cette fois-ci que dans ses précédentes campagnes. Ou alors peut-être que y a plus besoin de s’exprimer là-dessus, son nom de famille suffit aux gens pour avoir une bonne idée. McDonald’s n’a plus besoin de nous dire qu’ils vendent des burgers, on sait, c’est bon.
Du coup elle parle beaucoup de pouvoir d’achat. Peut-être parce qu’elle a vu que c’était la préoccupation numéro un des Français dans les enquêtes d’opinion. Elle suit la mode. Si elle avait été candidate en 2007, elle aurait fait de la Tecktonik.
Elle parle tellement de pouvoir d’achat qu’elle en fait parfois un peu trop. Pour défendre une baisse de la TVA sur l’essence, elle a parlé à la radio d’infirmières qui dépensent 250 euros par jour en essence. Sauf que pour ça, il faudrait rouler pendant quatorze heures à 120 km/h. Par jour, donc.
On comprend mieux que les conditions de travail des soignantes soient hyper difficiles, elles qui doivent soigner des gens à pleine vitesse sur l’autoroute, en hurlant par la fenêtre de la voiture: «VOUS VOULEZ UNE ASPIRINE?»
Et pour finir, Emmanuel Macron. Oui, je l’ai mis avec la droite. Il dit qu’il est ni de droite, ni de gauche. Mais bon, pour trancher y a un truc très simple. Quand il a lancé son programme, ses adversaires de gauche ont dit: «C’est vachement de droite.» Et ses adversaires de droite ont dit: «Il a tout copié sur notre programme.» CQFD.
Malgré un mandat mouvementé, Macron devrait se retrouver au deuxième tour, il était en tête d’absolument tous les sondages réalisés pendant cette campagne. C’était tellement un long fleuve tranquille qu’il ne voulait surtout pas déclarer sa candidature trop tôt et risquer de se faire attaquer et perdre son avance. Toutes les excuses étaient bonnes pour attendre de se lancer. Il a dit attendre la fin d’Omicron pour se déclarer, puis la fin de la crise ukrainienne, puis la fin de la saison 23 de «Koh-Lanta», puis la fin d’une phrase de Valérie Pécresse. Il aborde cette campagne comme une attaque d’abeille, il se dit: «Si je bouge pas et je dis rien, ça va bien se passer.»
Il a refusé tout débat, de peur que ça tourne à la soirée punching-ball où tous règlent leurs comptes avec lui. Il ne veut donc pas débattre avec les 11 autres candidats, mais par contre il appelle tout le temps Poutine, parce qu’avec lui au moins on peut parler.
Ces derniers jours il est empêtré dans l’affaire McKinsey, on l’attaque sur le fait que son gouvernement commandait des rapports aux cabinets privés pour tout et rien, pour un total de quasi 1 milliard, sans qu’on sache à chaque fois ce qu’ils ont fait comme boulot exactement. Macron ne sait pas trop comment se défendre face à cette polémique, notamment parce qu’il n’a pas encore reçu le rapport de McKinsey qui lui dit comment il doit se défendre.
Aura-t-on un deuxième tour Macron-Le Pen, remake de 2017, ou y aura-t-il une grosse surprise? Réponse dimanche, et on se retrouve la semaine prochaine pour décortiquer ça.
>> Pour voir les vidéos: illustre.ch/videos.
>> Découvrez l'épisode 1: Les candidatures de gauche à l'élection présidentielle française, vues par Thomas Wiesel