Vue de dehors, la maison ne semble pas si haute. Mais une fois à l’intérieur, on ne compte pas moins de cinq étages dans ce bâtiment pourtant étroit. Cela est possible grâce à son emplacement: la maison est située sur une pente escarpée, directement au bord de la rivière Maira. Par temps d’orage et de fortes pluies, on comprend vite pourquoi elle est nommée de la sorte: Maira signifie sauvage. Or en montagne, le moindre ruisseau peut se montrer bien sauvage en cas d’intempéries. Ce cours d’eau est également la raison pour laquelle le bâtiment a été construit à cet endroit dans le petit village de Promontogno, dans le Bergell. Il s’agit en effet d’un ancien moulin: pendant longtemps, les moulins avaient besoin de l’énergie produite par l’eau pour déplacer les lourdes pierres meulières. Des documents historiques attestent la présence d’un moulin exactement à cet endroit dès la seconde moitié du XVIIe siècle.
Une petite entreprise familiale
À 34 ans, Vittorio Scartazzini incarne déjà la dixième génération familiale à la tête du moulin. Il dirige la production de farines bio et alpines spéciales. À long terme, lui et son frère Giulio, de deux ans son aîné et responsable de la boulangerie et de la fabrication des pâtes, souhaitent reprendre l’exploitation des mains de leur père Gian Andrea, 61 ans. Actuellement, il dirige le moulin et s’occupe des tâches administratives et des livraisons. Pourtant, pendant longtemps, rien ne laissait penser que les deux fils rejoindraient l’exploitation familiale: «L’entreprise ne semblait pas vraiment avoir d’avenir», raconte Vittorio.
Et puis, les perspectives du moulin changèrent du tout au tout au cours des dernières années. Grâce à quelques bonnes idées et à une nouvelle chance offerte par Pro Montagna. Alors que le père Gian Andrea ne meulait que quatre sortes de farine (farine de blé mi-blanche, blanche et bise de blé ainsi que farine de seigle), le moulin propose désormais dix fois plus de variétés. Citons par exemple l’épeautre, l’orge, le sarrasin ou le blé amidonnier. Cet essor est également dû à deux nouveaux produits que les Scartazzini fabriquent en exclusivité pour Pro Montagna: des macaronis au seigle bio et de l’orge perlé dont les matières premières proviennent de la montagne.
Les macaronis de seigle sont délicieux avec des plats mijotés et des sauces goûteuses. Pour ne rien perdre de l’arôme marqué du seigle, on peut les servir avec un beurre à la sauge.
Les macaronis ne sont vendus que depuis deux ans. Ils se distinguent par leur couleur foncée, presque grise. Vittorio Scartazzini explique qu’elle est due au traitement spécial de la farine: «Le seigle est une céréale sombre de base, et nous ne la moulons que légèrement.» Cela signifie que la farine contient encore des parties de l’enveloppe du grain. L’avantage: plus de minéraux et de vitamines, et donc de meilleures valeurs nutritives. «Ainsi, nous ne perdons qu’environ 20% des céréales, contre 30 à 35% pour la farine blanche.» Son frère Giulio fabrique les macaronis dans la boulangerie familiale, à côté du moulin. Pour obtenir une pâte souple, il n’utilise que de l’eau et de la farine. Une machine forme les macaronis, qui sont ensuite déposés à la main dans une armoire pour sécher. Ils sont également emballés à la main.
Comme le seigle bio, l’orge perlé, utilisé pour la soupe à l’orge ou le risotto à la place du riz, provient de la coopérative Gran Alpin, qui réunit une centaine de paysans de montagne grisons cultivant eux aussi des céréales.
La coopérative Gran Alpin, qui regroupe des paysans de montagne grisons, livre l’orge bio au moulin des Scartazzini. Après le tamisage, la céréale est moulue jusqu’à ce qu’elle atteigne le degré de mouture souhaité. La pâte, composée de farine et d’eau, est transformée en macaronis dans les machines. 10% du produit des ventes va au Parrainage Coop pour les régions de montagne. Celui-ci assure de meilleures conditions de vie et de travail aux paysans de montagne et à leur famille. Car le travail physique est pénible en montagne. Certaines régions ne sont pas accessibles en véhicule motorisé; il est donc impossible d’utiliser des machines agricoles. Sans oublier la météo difficile, le manque de moyens financiers et les coûts de production élevés qui ne facilitent pas la compétitivité. Mais c’est justement là que la durabilité a toute sa place. Grâce à l’agriculture, le paysage est conservé; les paysans ne recourent pas à de grosses machines et leurs exploitations sont de petite taille, ce qui garantit la protection de la nature, y compris la biodiversité.
Il y a sept ans, Coop cherchait un producteur suisse d’orge perlé et s’est tournée vers la coopérative. Celle-ci a contacté les Scartazzini, qui ont été intéressés. Ils ont alors dû acquérir une nouvelle machine à broyer spéciale.
Une décision que les trois hommes n’ont jamais regrettée. Entre-temps, 100 tonnes d’orge perlé quittent chaque année le moulin de Promontogno. S’y ajoutent environ 100 tonnes de farine bio que les Scartazzini moulent sur mandat de Gran Alpin, ainsi que 80 tonnes de farine labellisée Suisse Garantie. Le moulin achète les céréales à des producteurs locaux. La farine est ensuite vendue à des boulangeries, restaurants, hôtels et magasins du Bergell et de l’Engadine toute proche. Ainsi, en quelques années à peine, l’orge perlé est devenu un véritable pilier de l’entreprise familiale.