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Yannis Voisard: «J’irai chercher mes limites»

La 77e édition du Tour de Romandie (du 23 au 28 avril) présente un tracé en cinq étapes marqué par deux arrivées en montagne et un contre-la-montre. Agé de 26 ans, le coureur jurassien de l’équipe Tudor Pro Cycling compte bien y faire parler ses qualités.

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Le cycliste Yannis Voisard  lors du chrono de la 1re étape du Tour de Suisse 2023, disputé autour d’Einsiedeln

Excellent grimpeur, l’Ajoulot Yannis Voisard a fait de gros progrès dans l’épreuve du contre-la-montre. On le voit ici lors du chrono de la 1re étape du Tour de Suisse 2023, disputé autour d’Einsiedeln. 

Gian Ehrenzeller/EPA/Keystone

- Vous aviez 14 ans lorsque le Français Thibaut Pinot, alors tout jeune, s’est imposé en solitaire lors de la 8e étape du Tour de France 2012 chez vous, à Porrentruy (JU). Vous y étiez?
- Yannis Voisard: Oui, j’y étais. Mon club, le GS Ajoie, avait organisé une compétition pour les enfants quelques heures avant l’arrivée des pros, disputée sur le dernier kilomètre de l’étape. J’y avais pris part.

- Vous étiez déjà mordu de vélo?
- Oui. Je faisais du VTT. J’ai débuté avec mon père, puis rejoint le GS Ajoie et l’école de cyclisme VTT vers 10 ans. J’avais 14 ans quand je me suis lancé sur route.

- Vous avez obtenu l’an dernier un bachelor en biologie à l’Université de Neuchâtel. Diriez-vous que vos études ont ralenti votre progression de coureur?
- Ce bachelor, je l’ai fait sur six ans, en m’y consacrant à 50%, ce qui me laissait tout de même du temps pour m’entraîner. Mon domaine d’études me passionne autant que le cyclisme. J’ai vraiment passé six belles années à l’uni. Je ne le regrette pas. Maintenant, il est clair qu’au niveau récupération en particulier, c’est quand même très compliqué. Il faut savoir se motiver, parce que les journées sont longues et qu’en termes de performances, objectivement, ce n’est pas optimal.

- En 2022, à pareille époque, vous affichiez 1 m 74 pour 54 kilos. Votre taille n’a pas dû bouger. Qu’en est-il de votre poids?
- Je suis un peu plus lourd maintenant, à 57 kilos. Dans l’optique des classements généraux, j’ai dû développer plus de puissance pour les contre-la-montre. J’ai effectué un gros travail là-dessus depuis deux ans.

- L’objectif est-il d’atteindre 60 kilos comme le Danois Jonas Vingegaard (1 m 75), dont le gabarit est proche du vôtre?
- (Il rit.) Non. Je n’aime pas me comparer à d’autres coureurs. Cela n’amène rien de bon, moins encore quand on parle d’un athlète exceptionnel comme Vingegaard.

- Vous aurez évidemment suivi la grave chute dont il a été victime au Tour du Pays basque, avec le Belge Remco Evenepoel. De telles déconvenues sont fréquentes chez les cyclistes. Est-ce que vous y pensez en course, au risque de ne pas pouvoir vous libérer?
- Les chutes font partie du sport cycliste. Aucun coureur ne l’ignore et, en course, elles peuvent survenir à n’importe quel moment. Quand le gars placé juste devant vous tombe, impossible de l’éviter. Maintenant, on ne peut pas rouler en y pensant, sinon la peur s’installe et on a des blocages. A un tel niveau, on ne peut être performant en roulant la peur au ventre.

- Vous sortez d’un stage en altitude effectué fin mars dans la Sierra Nevada, en Andalousie. Pour rester sur la problématique des chutes, les risques ne sont-ils pas infiniment plus élevés à l’entraînement, sur des routes ouvertes au trafic?
- Si, bien sûr. Moi qui suis un très bon descendeur en course, je suis incapable de prendre le moindre risque à l’entraînement, quand les routes ne sont pas du tout sécurisées. Les risques y sont décuplés. A l’entraînement, il faut se montrer très vigilant.

- Les stages en altitude, en quoi est-ce intéressant? On grimpe pour s’oxygéner le sang en espérant pouvoir en conserver le bénéfice quelques jours encore de retour en plaine?
- Pas tout à fait. L’objectif, c’est de passer le plus de temps possible à haute altitude. Dans la Sierra Nevada, on séjournait à 2300 mètres. A cette altitude-là, il y a moins d’oxygène dans l’air, mais on s’entraîne plus que d’habitude pour apporter un stress supplémentaire au corps qui, dans ces conditions, doit donc s’adapter et récupérer. Comme il y a moins d’oxygène dans l’air, le corps développe plus de globules rouges. Cette adaptation ne vient cependant pas tout de suite. Elle prend quelques semaines. Du coup, quand on redescend pour courir à une attitude normale, on a un taux de globules rouges plus élevé qu’avant et donc un meilleur apport d’oxygène dans les muscles. Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, c’est plus subtil. Il suffit que le taux de fer, par exemple, soit un peu plus bas et le corps réagira de façon très différente. Au sein de l’équipe Tudor, on applique un protocole strict, sous contrôle médical permanent. Espérons que cela porte ses fruits!

Fabian Cancellara présente l’équipe Tudor entouré de Raphael Meyer (CEO), Sébastien Reichenbach, Yannis Voisard et Sylvain Blanquefort (dir. sportif) en avril 2023

Avril 2023. Fabian Cancellara présente l’équipe Tudor entouré de Raphael Meyer (CEO), Sébastien Reichenbach, Yannis Voisard et Sylvain Blanquefort (dir. sportif).

Sven Thomann

- Physiquement, comment abordez-vous ce Tour de Romandie 2024, qui sera votre troisième?
- Bon, d’ici au départ, il peut encore se passer beaucoup de choses... mais c’est vrai que, pour l’instant, la préparation se passe bien. La 4e place que j’ai obtenue aujourd’hui (interview réalisée le 10 avril, ndlr) sur la 2e étape du Tour des Abruzzes m’apporte un supplément de confiance. On verra ce que disent les jambes.

- En 2022, vous avez terminé votre premier Tour de Romandie au 63e rang. L’an dernier, vous étiez dans le top 20, en 18e position. La progression est nette. Vous avez vous-même confié que votre 19e place sur le récent Paris-Nice vous avait fait franchir un palier. A 26 ans, vous sentez-vous à maturité?
- L’âge n’est plus aussi déterminant aujourd’hui dans la maturité d’un coureur cycliste. Certains jeunes à peine sortis des juniors intègrent le top de la hiérarchie mondiale. Beaucoup de choses ont changé. S’agissant de moi, ce que je constate cette saison, c’est que pouvoir rouler libéré des soucis universitaires, en optimisant chaque détail, fait une grosse différence. Mon objectif, c’est de voir jusqu’où je peux aller. J’ignore encore où sont mes limites. Peut-être les ai-je déjà atteintes? Je ne sais pas. Mon but sera d’aller les chercher et, sur ce Tour de Romandie, de faire mieux que l’année dernière. Je tâcherai aussi de me faire plaisir, si possible en me montrant plus offensif.

Le cycliste Yannis Voisard lors de la 2e étape du Tour des Abruzzes le 10 avril 2024

Yannis Voisard, de l’équipe Tudor Pro Cycling, mène la descente devant ses adversaires lors de la 2e étape du Tour des Abruzzes, le 10 avril dernier. Il se classera au 4e rang ce jour-là.

Ivan Benedetto/Sprint Cycling Agency

- La victoire d’étape obtenue l’an dernier, sur le Tour de Hongrie, vous a-t-elle libéré?
- C’est clair. C’était ma première victoire chez les pros, de surcroît sur un tour national, avec une concurrence relevée. Elle m’a surtout permis de passer un cap sur le plan mental, de progresser en termes de confiance. Ça m’a fait un bien fou.

- Le Tour de Romandie se révèle souvent très aléatoire en termes de météo – c’était le cas l’an dernier. Le dérèglement climatique n’arrange rien. En tant que coureur, que redoutez-vous le plus?
- Bon, quand on a mon gabarit, cela peut être compliqué quand il fait froid et humide. Récemment, j’ai pourtant réussi à bien gérer les conditions très difficiles de Paris-Nice. A l’expérience. J’ai eu de bonnes sensations, même si personne ne s’épanouit quand il fait 3°C et qu’il pleut, mais mes sensations étaient correctes. De manière plus générale, je dirais pourtant que la pluie et le froid me conviennent mieux que la fournaise. J’ai toujours eu un peu de mal avec les grosses chaleurs, surtout en début de saison.

- Quelles étapes avez-vous pointées sur ce Tour de Romandie 2024?
- Disons que pour jouer le général, le contre-la-montre à Oron sera une étape clé. J’ai bien progressé dans cette discipline. Il y aura aussi les deux arrivées au sommet, avec Leysin et Salvan-Les Marécottes.

- Votre terrain de jeu favori devrait donc être encore la montagne?
- Probablement. A mon avis, ce Tour de Romandie 2024 devrait se révéler plus ouvert que celui de l’an dernier. La montée de Sion vers Thyon 2000, qui était au programme de l’édition 2023, est probablement l’une des plus dures qu’on puisse gravir à vélo en Suisse, avec des derniers kilomètres très raides. Cette année, ce sera un peu différent je pense, les deux arrivées au sommet paraissant plus abordables. Ce tracé 2024 me plaît bien. Je le reconnais volontiers.

Le tracé du 77e Tour de Romandie

De Payerne à Vernier (GE), le parcours 2024 mettra les 22 formations en lice à l’épreuve.

Le tracé du 77e tour de Romandie

Le tracé du 77e tour de Romandie

Manu Forney/source tourderomandie.ch

Prologue, Payerne, 23 avril 2024 
En guise de mise en jambes, un tronçon plat de 2,28 km qui plaira aux costauds.

1re étape, Château-d’Œx – Fribourg, 24 avril 2024
Depuis sa création en 1947, le Tour de Romandie a fait halte à Fribourg à 27 reprises. Parti de Château-d’Œx, le peloton mettra pied à terre 165,7 km plus loin, en Basse-Ville de Fribourg.

2e étape, Fribourg – Salvan - Les Marécottes, 25 avril 2024 
Première explication en montagne pour les coureurs, qui franchiront le col des Mosses pour rejoindre Salvan (VS), avec arrivée aux Marécottes (1160 m) au terme de 171 km d’efforts.

3e étape, Oron, 26 avril 2024 
Disputé sur 15,5 km, le contre-la-montre d’Oron devrait ravir le public, qui avait dû garder ses distances à cause du covid lors du passage de l’épreuve en 2021.

4e étape, Saillon – Leysin, 27 avril 2024 
L’étape reine (151,7 km) pour les grimpeurs, avec les montées vers Ovronnaz, Les Giettes et, enfin, Leysin.  

5e étape, Vernier, 28 avril 2024 
Pour cette ultime étape de 150,8 km, une boucle dans la campagne genevoise au départ de Vernier qui passera notamment par les villages d’Onex, Soral, Laconnex, Avully et Dardagny.

Par Blaise Calame publié le 24 avril 2024 - 10:32