Aujourd’hui (si vous êtes du genre à camper devant le kiosque pour être prem’s à lire L’illustré) ou il y a six mois (si vous faites plutôt partie de celleux qui feuillettent un numéro déshydraté qui traîne sur la table de la salle d’attente de votre ORL), Joe Biden devient/devenait le 47e président des Etats-Unis d’Amérique.
C’est tout du moins ce que je crois au moment où j’écris ces lignes. La démocratie états-unienne étant ce qu’elle est ces jours-ci, un battement de 48 heures, c’est pas rien et ça exige de la prudence. Pendant que mon papier sera édité, mis en pages et imprimé, Papy Joe aura peut-être en effet dû survivre à trois attentats, s’échapper nu en pleine rue d’un fourgon Wendy’s mal fermé loué par «Q» pour le kidnapper et le pendre avec son zizi au sommet de la torche de Lady Liberty ou encore simplement éviter de mourir de vieillesse. Qui sait? A part la «team ORL» et ses six mois d’avance, j’entends.
Laissons-les donc à leur omniscience insolente et à leurs problèmes rhinopharyngiques bien mérités pour nous concentrer sur ce qu’on sait, nous, les gens du présent: l’Amérique a un jour élu Trump. C’est arrivé. Il y a eu. Et on a vu. ENFIN! Après des décennies de repas de famille au cours desquels Tonton en avait «marre de tous ces pourris de politiciens» et où la belle-sœur d’Annemasse était «pas loin de voter Le Pen parce qu’au moins il/elle (ndlr: les Le Pen changent mais pas la belle-sœur) foutra un bon coup de pied dans la fourmilière»… Après des années de suspense généralisé lors d’élections majeures mettant aux prises des candidat·e·s «classiques» et des extrémistes, avec une victoire sur le fil des premiers… ENFIN! Enfin, on aura vu ce que ça donne, un «mec bien tranché», un jusqu’au-boutiste, un «sans concessions» aux commandes d’une grande démocratie occidentale.
Et quel feu d’artifice! En quatre ans, le feuilleton nous aura fait passer par autant d’états que la Route 66. Consternation, inquiétude, peur, surprise, amusement, désespoir ou encore mon préféré, à mi-mandat environ, un très fugace et naïf «et si…», perceptible çà et là dans les conversations. Et si on était trop dur? Et si les médias exagéraient vraiment? Et s’il faisait pas un si mauvais job? Et s’il était pas si bête mais en fait «monstre intelligent», comme gars, t’sais, n’empêche, imagine… On s’y était presque fait, à Donnie et ses bobards. Les «tu vas voir qu’il sera réélu» allaient bon train. Même lui y croit encore le jour de l’investiture de son rival, c’est dire.
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Et puis il y a eu la gestion du virus chinois (joyeux anniversaire, au passage) et, il y a de ça deux semaines, la funeste et désolante «prise du Capitole». Donnie, c’était bien ce qu’on croyait, finalement. En regardant, fasciné, la rivière des «patriotes» se répandre sur la coupole blanche pendant plusieurs heures en direct sur CNN, ce n’est pas tant aux irrécupérables tablard·e·s à casquette rouge qui s’excitaient sous mes yeux que je pensais, mais plus à Tonton et à la belle-sœur. Et à leurs équivalents outreAtlantique. Celles et ceux qui n’étaient pas là, à joyeusement tenter un coup d’Etat fourche dans une main et Bud Light dans l’autre, mais qui assistaient devant leur TV à l’acmé d’un désastre gouvernemental sans précédent que leur vote, leur si petit vote vengeur et contestataire d’il y a quatre ans, avait contribué à provoquer dans leur pays.
On dit des fantasmes qu’ils ne sont pas toujours bons à réaliser. En voici une preuve historique. Elire – tout comme se faire élire – n’est pas un jeu. Donner sa voix à quelqu’un – tout comme la prendre –, aussi insignifiante puisse-t-elle sembler être à l’échelle d’une nation, a des conséquences qu’il faut assumer. «Le nez dans votre caca.» Voilà les mots qui m’ont traversé le cerveau avec une satisfaction un peu malsaine en pensant aux électeurs et électrices «modérés» du fou furieux, alors que j’écoutais les analystes de CNN effondrés se demander de quoi les deux semaines suivantes seraient faites. «De regrets, d’introspection et de prières que rien d’autre de dramatique ne se produise d’ici là», espérais-je. Et que tout cela puisse servir de leçon pour le futur, même si, connaissant Tonton et Anne-Sylvie, je crains bien qu’il ne leur faille aussi essayer «chez eux» pour se rendre compte un peu trop tard que les zinzins sont les mêmes partout.
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