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William von Stockalper, l'homme qui ose défier les barons des festivals

Cet officier dans les grenadiers de montagne se destinait à une carrière militaire professionnelle. Mais William von Stockalper, 44 ans, s’est imposé dans la publicité, puis dans le foot et dès le 8 juin prochain, avec le Vibiscum Festival Vevey, dans les concerts «open air» avec à l’affiche Orelsan, CKay et DJ Snake.

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William von Stockalper

La place du Marché de Vevey, son parking, ses restaurants, son paysage, ses pédalos, sa Fête des vignerons et, désormais, son grand «open air» de musique, du 8 au 10 juin prochain, grâce à William von Stockalper, digne descendant du «roi du Simplon».

Valentin Flauraud

Quel est le point commun entre les mercenaires suisses, l’immense château de Brigue, le Vevey-Sports, les panneaux publicitaires LED, Christian Constantin et les festivals de musique? Réponse: William von Stockalper, descendant de l’illustre «roi du Simplon», Kaspar von Stockalper (1609-1691), marchand, homme politique, militaire et entrepreneur haut-valaisan décoré par le roi de France Louis XIV.

En fait, vu les (relatives) similitudes de leur parcours, en dépit des quatre siècles d’intervalle, on peut se demander si le von Stockalper d’aujourd’hui, qui se déplace dans les rues de Vevey à trottinette électrique, n’est pas la réincarnation de ce flamboyant ancêtre, qui sillonnait son vaste fief alpin à cheval, escorté de ses mercenaires.

Historique changement de nom
 

Il y a déjà la carrure. William von Stockalper impose d’emblée la sienne, de type pilier de mêlée, mais sans rouler les mécaniques. Il y a ensuite cette assurance naturelle et ce regard franc propres à ceux qui préfèrent l’action au bavardage, tout en sachant cultiver le relationnel. Ce nouveau venu (malvenu pour certains) dans le petit club des organisateurs de festivals en Romandie est très à l’aise quand il s’agit de raconter son parcours et d’expliquer pourquoi il ose imposer, avec le Vibiscum Festival, sa particule et son patronyme dans le pré carré miné du divertissement de masse.

Une particule et un patronyme qui, pour la petite histoire, auraient normalement dû être sobrement remplacés par le plus sobre «Bonvin». Le père de William était en effet André Bonvin, patron d’un bureau d’ingénieur à Sion. Mais cette personnalité du Valais central avait consenti à adopter le nom de son épouse pour sauver la lignée von Stockalper, qui avait déjà perdu son immense château à Brigue, vendu en 1949.

Il a pourtant fallu aller jusqu’au Tribunal fédéral pour ouvrir ainsi une première brèche dans les lois très patriarcales régissant les noms de famille. «A l’époque, cela avait eu un grand retentissement. La presse et la télévision étaient venues chez nous. Mes parents recevaient des lettres de félicitations de toute la Suisse. Moi, je n’étais encore qu’un enfant et ne comprenais pas cette agitation. Mais comme junior au FC Sion, j’avais eu droit à des remarques ironiques sur mon soi-disant nouveau statut d’aristo. Et pour mon père, cela a été encore plus délicat, étant donné l’antagonisme entre Bas et Haut-Valais.»

Mais revenons au présent, au festival Vibiscum, «Vevey» en latin. Cette deuxième mais première grande édition aura lieu du 8 au 10 juin prochain. Et cette fois sur la célèbre place du Marché, la même qui accueille tous les vingt et quelques années la Fête des vignerons. L’année passée, il s’agissait de créer un simple événement de soutien au Vevey-Sports, dont William von Stockalper est le président depuis dix ans. Un coup de pouce en riposte à la morosité post-covid.

En trois mois seulement, un mini-festival de deux jours au Jardin du Rivage, voisin de la place du Marché, avait été mis sur pied, avec à l’affiche notamment les mythiques Marseillais de IAM. 6000 personnes avait répondu présent à cette opération de soirées et quasi improvisée qui a tenu éveillée, avec plus ou moins de bonne grâce, une partie des 20 000 habitants de Vevey. «Ce ballon d’essai organisé à la hâte n’a pas été une promenade de santé. Mais, finalement, ça a bien marché. Je me suis dit que Vevey pouvait pérenniser cet événement et s’offrir un vrai festival chaque année, à condition que la municipalité accepte de mettre désormais à disposition la place du Marché.»

La météo sera capitale


Un festival en pleine ville donc, avec des pointures comme Orelsan, CKay et DJ Snake, un festival urbain mais encadré par un des plus beaux paysages de Suisse. Un pari météorologique aussi, comme tous les «open airs», mais surtout une démonstration de résilience face aux coups bas de la concurrence estivale déjà établie, qui n’apprécie pas ce matelot costaud qui débarque au bord du même lac avec un navire de taille et une affiche un peu trop présomptueuse au goût des vieux pirates lémaniques des festivals.

«Une trentaine de musiciens ou de groupes ont subi des pressions d’autres festivals, estime le patron de Vibiscum. Ils ont décliné nos offres à cause de ces pressions. Ces tensions avec certains autres patrons de festival sont une épreuve pour moi. Mais en passant de 6000 personnes sur deux jours à 36 000, si tout va bien, sur trois jours, nous étions obligés de taper dans du lourd pour l’affiche, sans pour autant – comme on nous en a accusés de manière absurde – payer des artistes 1 million de francs. De plus, il y a de la place pour tout le monde.»

L’engouement local semble en tout cas bien réel: Vibiscum peut déjà compter sur 300 bénévoles sur les 350 nécessaires. La billetterie (65 francs la soirée avec offre Mobilis) marche très bien à Vevey même. «Un de mes buts, c’est de faire plaisir aux Veveysannes et aux Veveysans. Je suis tombé amoureux de cette ville, où j’ai lancé mon entreprise de panneaux d’affichage LED il y a quinze ans. C’est pour la même raison que j’ai accepté de prendre les commandes du Vevey-Sports en 2013 et d’associations professionnelles. Ce club de football qui avait un passé prestigieux avait dégringolé et fait faillite. Aujourd’hui, il y a des centaines de personnes qui en sont fières, qui s’y identifient. Le mouvement junior est très actif. C’est une immense joie de contribuer à cette dynamique positive», se réjouit cet ancien commandant qui était destiné à une brillante carrière d’instructeur à l’armée jusqu’à ce qu’il réalise, en discutant avec son épouse canadienne, rencontrée lors de ses études à Toronto, que cette vie n’était sans doute pas idéale pour fonder une famille.

William von Stockalper, directeur du Vibiscum Festival, pose pour un portrait ce mercredi 3 mai 2023 à Vevey.

«Si c’était possible, je signerais tout de suitepour avoir les mêmes conditions météo qu’aujourd’hui», répétait l’entrepreneur pendant la séance photo.

Valentin Flauraud

Une lettre de motivation envoyée sans y croire à Christian Constantin suffira à propulser l’officier et ancien junior du club aux commandes du département sponsoring du FC Sion. Mais comme son ancêtre Kaspar il y a quatre siècles, William avait besoin d’être le boss. Il le deviendra en bossant et en réseautant comme un dingue. Il rencontrera le succès dans l’affichage publicitaire électronique. Les années d’armée dans les troupes de choc associées à la pratique à un haut niveau du tennis, du golf et du foot ont façonné ce placide colosse que rien ne semble pouvoir faire vaciller. On devinera tout au plus quelques nuages dans son regard au moment d’évoquer la période de séparation que son couple traverse actuellement.

Le seul adversaire qui a failli avoir sa peau, c’est le covid il y a trois ans. «Malgré mon gabarit, mon âge et ma condition physique, j’avais perdu l’essentiel de mes capacités respiratoires. Mais je m’en suis sorti, c’est du passé. Ce qui compte maintenant, c’est qu’il fasse beau les 8, 9 et 10 juin prochain.» 

>> Le Vibiscum Festival aura lieu le 8, 9 et 10 juin à la place du Marché à Vevey. Plus d'informations sur www.vibiscumfestival.ch

Par Philippe Clot publié le 1 juin 2023 - 09:11