Samedi à 7 h 30 du matin à l’entrée du D! Club à Lausanne, le contraste est saisissant. Alors qu’un ou deux noctambules titubent encore en attendant leur bus, l’équipe de la Wake Up Party, fraîche et souriante dans ses habits de sport colorés, inaugure la première fête matinale du genre en Suisse. Une fiesta «détox» sans une goutte d’alcool. Une nouveauté sportive pour les adeptes de yoga et de fitness prêts à renoncer à quelques heures de sommeil. «Réveille-toi et célèbre ta journée», lit-on sur les affiches. Un mantra qui, à travers les Morning Party, a fait le tour du monde depuis la naissance du concept en 2013 aux Etats-Unis.
Le phénomène de ces matinées saines cartonne dans plus de 22 villes à l’étranger: la communauté américaine y compte 450 000 participants. Après New York, Londres ou Paris, au tour de la Suisse romande de pulser du petit matin jusqu’à 14 h grâce à l’impulsion de Sarah Mawashi, coach à domicile. «Il fallait implanter ces rencontres énergisantes et communicatives ici», affirme la jeune entrepreneuse de 27 ans, visage des Wake Up Party sur sol helvétique. Après la fête lausannoise du week-end passé, elle prévoit d’ores et déjà d’autres dates à Genève, Montreux, Berne et Zurich en 2019. Et ce, semble-t-il, pour répondre à un besoin contemporain de se ressourcer dans une atmosphère festive. «Ce type de rencontre colle parfaitement avec les attentes de la génération Y. On cherche à bâtir une vie plus équilibrée, à prendre soin de notre santé», explique Cédric, 25 ans, un ancien étudiant de l’Ecole hôtelière qui croque dans un sandwich «super food». Le rendez-vous «wellness» n’enthousiasme pas que les jeunes adultes. Sur la centaine de clubbers à avoir poussé la porte de la discothèque au lever du soleil, la tranche d’âge oscille de 25 à 50 ans. Avec par contre une majorité de femmes conquises par un D! Club transformé pour l’occasion en bulle chaleureuse.
Recherche de «good vibes»
Cela commence par la luminothérapie aux couleurs jaune et rose chatoyantes qui accueille les férus de yoga à l’ouverture des portes. Après une soirée agitée où 600 personnes se sont déchaînées sur des rythmes technos, la boîte de nuit a été «assainie» en moins de deux heures. Les flaques collantes de vodka ont cédé la place à des cageots de légumes et des fleurs. Le parfum menthe poivrée des brumisateurs remplace l’odeur de la sueur de la veille. «Restez puissants et connectés», murmure l’un des profs de yoga. Fred Lother, saxophoniste, improvise des interludes jazz pour réveiller les corps après le savasana, la fin de la pratique.
Neuf heures trente. Alors qu’à l’extérieur le marché de Lausanne bat son plein, les cris extatiques portés par une musique électro aux sonorités africaines retentissent dans la salle. La seule règle? S’enflammer sur la piste de danse décorée par des ballons en forme de licorne et fruits exotiques. Avec le lâcher-prise comme philosophie.
Frileux au départ, les plus timides sont rapidement portés par la joie du groupe et se lâchent comme s’ils dansaient dans l’intimité de leur salon. Au pic à 10 h 30, on entend un couple comparer l’ambiance matinale au climax d’une soirée endiablée à 2 heures du matin. A la différence que les tourtereaux carburent au jus gingembre-citron. Anecdote amusante dans l’histoire du club, alors que la tireuse à bière était exceptionnellement au repos, le bar s’est procuré une machine à café pour l’événement.
Une dose de caféine nécessaire pour Avalon, 40 ans, un musicien qui, exténué pendant la session intense de HIIT – pour high intensity interval training – recharge ses batteries. «Faut que je descende mon rythme cardiaque, mais pas si mal pour un samedi matin, non?» se félicite l’Espagnol, le sourire aux lèvres. Surpris par sa compagne qui lui avait promis un réveil hors du commun, Vincent, 38 ans, ne regrette pas non plus l’aventure transpirante. Le médecin belge, le seul en jean et chemise vu qu’il pensait aller bruncher, a donné de sa personne. «Le concept des fêtes matinales existe déjà à Bruxelles mais je n’y étais jamais allé. L’initiative me plaît!»
39 fr. l’entrée
Il n’est pas le seul. Pour cette première fête, 400 personnes s’étaient dites intéressées sur Facebook. Le prix, 39 francs pour la totalité de la fête, en a peut-être dissuadé certains. Mais c’est aussi une façon de sélectionner la clientèle des Wake Up Party afin d’éviter les fêtards en quête d’after. Thierry Wegmüller, propriétaire du D! Club, ajoute aussi que toute nouvelle tendance prend un peu du temps pour s’implanter dans la région. «C’était un très bon public pour un crash test. La prochaine fois, je parie que la fête triplera ses entrées», explique-t-il. Il mentionne aussi l’impact du bouche-à-oreille, par exemple entre membres de centres de fitness, comme une des clés d’un succès assuré pour la prochaine édition. Car au vu des retours positifs, le «patron» des nuits lausannoises s’associera de nouveau avec Sarah Mawashi.
A 13 heures, l’ambiance commence doucement à perdre un peu du tonus des premières vibrations. A l’image des fins de soirée, il existerait son pendant diurne: les fins de matinée. «Je rêve d’une sieste», lâche une jeune femme. Enchantée, l’initiatrice du mouvement suisse clôt la fête avec un petit discours d’encouragement. «N’oubliez pas le feu qu’il y a en vous!» Revigorés, les derniers irréductibles danseurs quittent les lieux abasourdis de voir la lumière du jour à la sortie.