Quand je rencontre Marc Dufey la première fois, j’ai du mal à croire ce qu’il me raconte: des entrepôts d’aide humanitaire pleins à craquer en Pologne, des Ukrainiens en petit fourgon faisant des allers-retours sans arrêt pour ramener les dons jusque dans leur pays, et son précieux sésame, un laissez-passer de l’ambassade ukrainienne en Suisse qui lui permet de passer la frontière.
Le Vaudois achemine gratuitement depuis mars des dons recueillis dans l’église d’Oron-le-Châtel et d’autres offerts par de grands groupes suisses. Je décide alors de le suivre avec ma caméra jusqu’à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. Nous traversons l’Allemagne, la Tchéquie, la Pologne et plus nous avançons, plus ses dires se vérifient. La cabine de son camion bleu, à 2,20 mètres au-dessus du sol, offre une vue privilégiée sur le ballet des fourgonnettes humanitaires. Sur notre route, nous rencontrons un Français qui organise de petits convois. «Un camion étranger qui va à Lviv?» Il n’en croit pas ses yeux.
Beaucoup de routiers refusent d’y aller, et les rares volontaires se heurtent souvent aux douanes. Pourtant, un semi-remorque peut transporter jusqu’à 22 grandes palettes, l’équivalent d’une vingtaine de fourgons. Un gain de temps précieux. Cette fois, nous acheminons de l’aide alimentaire: 22 tonnes de pommes de terre, qui nous vaudront le surnom de «McDonald’s suisse» à la douane polonaise de Medyka.
A la frontière, un convoi du Programme alimentaire mondial de l’ONU nous double: trois fourgonnettes escortées par deux jeeps remplies de soldats. Je contemple le petit panneau A4 posé sur notre pare-brise indiquant «aide humanitaire». Une maigre protection. Quelques heures plus tard, sur les routes ukrainiennes cabossées, Marc Dufey roule vite. «A cette allure, on ne peut pas nous arrêter», confie cet habitué des convois exceptionnels, y compris en zones dangereuses.
Et une fois au hangar de l’église qui recueille les dons, nous ne traînons pas non plus. Pendant la soirée, deux sirènes ont retenti. Nous apprendrons plus tard que, cette nuit-là, les Russes ont frappé 389 installations militaires dans tout le pays.
Sur le chemin du retour, je regarde les vidéos de notre épopée. La caméra a tout filmé. Ou presque. La deuxième nuit, alors que nous fendions la forêt de Bohême en Tchéquie, ma GoPro s’est arrêtée quelques minutes: le temps de doubler un convoi américain de livraison d’armes, qui devait sûrement utiliser un brouilleur. Pour cet épisode, il faudra nous croire sur parole.
Marc Dufey, le routier qui livre vos dons jusqu’en Ukraine
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>> Retrouvez la vidéo sur: www.illustre.ch/videos.
>> Si vous souhaitez aider Marc Dufey à financer ses transports humanitaires: IBAN CH83 8080 8004 3376 0416 1