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Bien-être

Voyage autour de soi-même dans un caisson de flottaison

Envie de vous évader malgré la situation sanitaire actuelle? Le voyage sensoriel en apesanteur est à nouveau très à la mode. Tour de Suisse romande et test de cette méthode de relaxation. Verdict: c’est planant.

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Caisson

Les caissons d'isolation sensorielles permettent aux utilisateurs d'atteindre un état proche de la méditation et de se relaxer. 

Magali Girardin

Première escale à Genève, à deux pas de la plaine de Plainpalais, à l’Origin Float. Fondé par quatre amis trentenaires, ce centre de bien-être a ouvert ses portes au mois de novembre 2020, en pleine pandémie. Une folie? «Au contraire, nous sommes plutôt bien lotis», répond Sophie Hoang, directrice de l’établissement. «Les Genevois n’ont pas pu voyager, de nombreuses activités culturelles et de loisirs ont été suspendues. Mais nous, nous avons pu rester ouverts. On a vraiment senti qu’il y avait une demande. Les gens ont besoin de se détendre.» Une cliente, à peine sortie de sa bulle, confirme: «J’ai complètement décroché. Je crois que je flotte encore. Mon corps, aussi, s’est relâché. Je me sens lessivée, mais c’est une bonne fatigue!»

Le principe de la flottaison, méconnu dans nos contrées, est simple. Dans un cocon à l’allure futuriste ou dans un bassin, on s’immerge dans une eau à température corporelle (36,4°C), chargée en sel d’Epsom (sulfate de magnésium). Le corps flotte sans aucun effort comme s’il était porté par un matelas virtuel. Les premières minutes, des sons de vagues ou des chants de baleines parviennent à l’oreille. Les lumières, peu à peu, s’estompent jusqu’à nous plonger dans l’obscurité totale. Puis, le silence. Coupé de stimuli sensoriels (visuels, olfactifs, sonores), le cerveau se déconnecte et se met au repos. Il génère des fréquences thêta, ce qui correspond au moment de semi-conscience qui précède l’endormissement. Le sulfate de magnésium, présent en grande quantité dans l’eau, possède de nombreuses vertus, dont celles de relâcher les muscles, d’apaiser le système nerveux et de soulager les douleurs articulaires. Enfin, l’absence de gravité permet aux muscles de se décontracter. Durant une heure, corps et esprit s’allient pour atteindre un état proche de la méditation.

Le premier caisson d’isolation sensorielle a vu le jour dans les années 1950, aux Etats-Unis, sous l’impulsion du médecin et neuropsychiatre John C. Lilly. Son objectif? Comprendre le fonctionnement du cerveau lorsqu’il est coupé de stimulations externes. Vingt ans plus tard, deux chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique au Canada, Peter Suedfeld et Roderick Borrie, ont démontré les effets thérapeutiques de la méthode: baisse du stress et de l’insomnie mais aussi amélioration des capacités cognitives et des performances sportives. Les centres de flottaison commencent alors à essaimer à travers le monde. Un centre de recherche lui est même dédié en Oklahoma, le Float Clinic and Research Center du Laureate Institute for Brain Research, dirigé par le Dr Justin Feinstein. Ses derniers travaux mettent en lumière les bienfaits à court terme de la flottaison: réduction de l’anxiété, du stress, des tensions musculaires et de l’état dépressif ainsi qu’une amélioration de l’humeur, de la sérénité et du sentiment de bonheur.

Caisson

Chez Origin Float, l’espace de repos permet de bouquiner ou de savourer un thé après l’expérience. Pour un atterrissage en douceur.

Magali Girardin

Retour à l’Origin Float, havre de paix urbain, orné de catelles aux couleurs pastel. Ici sont proposés deux cocons en fibres de verre et un bassin (125 fr. la séance de soixante minutes). Le centre entend offrir un lieu où ne penser qu’à soi et échapper au stress du quotidien. Quel est le client type? «Des femmes et des hommes qui sont à la recherche d’un moment de détente, des jeunes parents surmenés ou des businessmen et businesswomen qui viennent pour se recentrer et se concentrer. Les sportifs, les médecins intéressés par une thérapie alternative. Et des artistes qui viennent stimuler leur imaginaire et libérer leur créativité», énumère la directrice.

Changement de décor, toujours dans la Cité de Calvin. On franchit la porte du Namaka Float, une oasis nichée au cœur du quartier des Pâquis. On cueille Nicolas à la sortie de son cocon. Air radieux, sourire que l’on devine sous son masque, il semble toujours en apesanteur dans la salle de repos. Il nous confie: «C’est la quinzième fois que je flotte. Il y a mille façons très personnelles de le faire. Certains aiment perdre pied et d’autres en profitent plus pour se recentrer. Chaque expérience est différente, ce n’est jamais la même chose en fonction de son état d’esprit. Le fait de pratiquer permet de parvenir à un état qu’on n’atteint pas les premiers temps.» Adepte de la sophrologie, il combine les deux techniques de relaxation: «En partant du plexus solaire (le centre énergétique), on laisse la lumière irradier dans le corps. On ressent des sortes de bouffées de chaleur et une montée d’énergie. C’est un sentiment de bien-être puissant qui se poursuit hors de l’eau.»

Direction Martigny, en Valais, où l’on rencontre Raoul May, gérant du centre UrBains, et sa fondatrice, Florence Rolle. Cette dernière raconte: «J’ai flotté pour la première fois à Montréal. Coup de foudre. Neuf mois de gestation plus tard, le centre était né.» C’était en 2009. Une des pionnières en Suisse romande. «Ça a été bien accueilli. Pour ceux qui osaient venir», s’esclaffe cette douce idéaliste. «J’ai dû ramer pour faire connaître le centre car je n’avais pas de quoi investir dans de la publicité. Finalement, le bouche-à-oreille a fait son travail. Des personnes hors du canton, mais des gens d’ici aussi, des paysans de la vallée. Ce sont des bons clients, les terriens! Des gens qui aiment les choses simples.»

Dernière halte au Mont-sur-Lausanne chez Surface, cofondé en 2018 par Vincent Herzog. Cet ancien hockeyeur, «foutu de partout», était à la recherche d’alternatives à la médecine traditionnelle pour soulager ses douleurs de sportif. Il met en garde: «Flotter n’est pas un remède miracle. On entend parfois qu’une heure de flottaison équivaudrait à quatre heures de sommeil profond. Ce n’est pas vrai. En revanche, pour les hyperactifs comme moi ou pour les personnes qui souffrent du rythme de la société actuelle, qui sont constamment dans le flux et qui ne parviennent pas à déconnecter, la flottaison est un raccourci idéal pour atteindre un état méditatif. Ce n’est pas une démarche facile, c’est un chemin qui permet de travailler sur ses défauts, d’accepter sa vulnérabilité et d’être capable d’y travailler dans la vie de tous les jours.»

Verdict? Effectivement, on a dû s’y reprendre à deux fois avant de profiter pleinement du voyage. La première fois, il a fallu affronter notre claustrophobie et apprivoiser l’idée de rester dans une bulle durant une heure, seule face à nos pensées. Le tout, plongée dans le silence et le noir complets. De longues minutes se sont écoulées avant que la respiration ne ralentisse et que l’on s’autorise à déconnecter. La deuxième fois, en bassin ouvert, ce fut douceur, calme et sérénité. L’eau, rendue soyeuse par le sel d’Epsom, enveloppe doucement le corps qui se laisse porter et dérive en apesanteur. Les images glissent sans se fixer, l’esprit lâche prise et s’évade. Le stress, les tensions dans le corps et les tracas du quotidien s’évaporent. On ne pense à rien, on ressent. Une heure de quiétude méditative où on navigue simplement vers le bien-être.

Par Alessia Barbezat publié le 6 mai 2021 - 17:04