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L'enquête

La vérité dans l’affaire du prof vaudois viré

Cet enseignant de français dans le canton de Vaud est un fan d’«Ubu roi». Mais lui, c’était «Ubu prof». Et il a été viré après de longues années de pédagogie ordurière. Ses élèves témoignent de ce qu’elles ont subi.

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«Son cours commençait systématiquement avec 10 à 15 minutes de retard en raison de longues pauses cigarettes avec des élèves.» Melk Thalmann

Une mise à pied en mars d’un prof finalement licencié en juillet, et ce fut l’hystérie dans l’enseignement vaudois. Le malheureux aurait été viré, disait-il, «à cause des mots crus d’une auteure» qu’il faisait lire à ses élèves et qu’il était bien obligé de prononcer en classe. Il n’en fallait pas plus pour que le syndicat du pion marron, faisant mine de croire à son explication absurde, monte au front de manière délirante: tel article de loi permettant les licenciements serait «une arme létale pour le personnel de l’Etat». Et d’anciens profs et même un ancien directeur d’établissement d’utiliser à leur tour le courrier des lecteurs de 24 heures pour exprimer leur état de choc face aux méthodes brutales de l’Etat ayant «brisé la carrière d’une personne qui a placé l’enseignement au centre de sa vie». Sans parler d’une chronique dans le quotidien Le Courrier, dans laquelle on pouvait lire que «l’enseignant du Gymnase Auguste-Piccard n’est pas seul à se retrouver «grillé»: c’est toute une philosophie d’enseignement qu’on réduit en cendres».

Révolte

Alors parlons-en, de la «philosophie d’enseignement» de cet enseignant «grillé». Mais parlons-en avec les premières concernées, les jeunes femmes qui se sont révoltées contre cette soi-disant philosophie pédagogique. Elles sont venues à quatre à la rédaction de L’illustré, le lundi 23 septembre. A force de ne lire dans les médias que l’invraisemblable ligne de défense de leur ancien professeur de français et de constater que leur soi-disant victime était âprement soutenue par son syndicat et par une bonne partie du corps enseignant, les neuf jeunes plaignantes se sont senties «définitivement humiliées par le monde des adultes». C’est pourquoi elles rendent enfin publique leur vérité.

Ces quatre jeunes femmes, qui ont toutes réussi leurs examens de diplôme de culture générale en juin dernier, nous font lire la fameuse lettre qu’elles avaient adressée le 17 mars dernier au directeur de leur établissement, le gymnase lausannois Auguste-Piccard, avec copie à la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP) de l’Etat de Vaud.

Obscénités

Cette lettre sera suivie par la mise à pied rapide de cet enseignant que nous surnommerons «professeur X». Et, quatre mois plus tard, après enquête d’un ancien juge cantonal, il sera licencié. Voici, en italique, les extraits les plus saisissants de ce document factuel:
«Les propos et les attitudes de notre enseignant de français nous paraissent complètement déplacés. Nous souhaitons par cette lettre les dénoncer. Nous nous sentons (…) non respectées, voire méprisées en tant que femmes, harcelées par la fréquence de ses propos auxquels nous ne pouvons échapper.» […]
«Des mots tels que "pute", "bite", "baiser", "chatte" sont récurrents dans son vocabulaire: Hélène de Troie est ainsi surnommée "la plus belle salope de l’histoire". "Molière a bouffé de la merde." Sur l’islam: "La religion musulmane a débuté dans une caverne avec un certain Mohammed qui avait pris un sacré coup de soleil." Ou encore: "C’est une très jolie femme, cela va bien pour jouer les salopes" et "La nudité ne dérange personne: tout le monde peut poser ses couilles sur la table".»

Les élèves elles-mêmes peuvent être les cibles de ces obscénités: 
«Récemment, notre enseignant évoquait la psychanalyse freudienne en citant un exemple incluant deux filles de la classe, déclarant à haute voix, au milieu du cours, que l’une n’allait pas “sauter sur l’autre pour lui lécher la chatte“.»

Il y a une année, à une élève qui était une de ses cibles récurrentes: 
«"Vous connaissez les tarifs", insinuant que cette élève se prostitue.»

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«Le professeur X nous avait emmenés voir une pièce dans laquelle un acteur se dénudait. Il nous avait surtout parlé de cette scène le lendemain» Melk Thalmann

Pas une dissertation

La lettre décrit aussi en détail un enseignement se bornant à d’interminables monologues nourris de commentaires personnels sur le monde, la politique, souvent sans lien avec la matière enseignée: «Durant ces deux années avec lui, nous n’avons, par exemple, jamais fait de dissertation. Il déblatérait, déblatérait et déblatérait encore», soupirent les plaignantes, unanimes à déplorer un cours «dépourvu de toute structure». Quand il s’agissait de se pencher sur un ouvrage, «c’était presque systématiquement les passages les plus osés qui étaient étudiés. Et il demandait souvent à une élève de les lire à voix haute.»

Dans l’étude de «La religieuse» de Diderot, le prof revient inlassablement sur la scène de tentative de viol de l’ecclésiastique, il qualifie cela de «découverte sexuelle». Cette banalisation des crimes sexuels jouera un rôle décisif dans la révolte des gymnasiennes, comme nous le verrons plus loin.

One man show

Le one man show du professeur X débute «avec un retard de dix à quinze minutes systématique», l’enseignant fumant et bavardant sur un balcon du gymnase en compagnie de certains élèves, au lieu de respecter les horaires des périodes.

Déjà prisonnières de ce «théâtre malsain permanent», qui perturbe même certaines d’entre elles au point qu’elles en font des cauchemars, les élèves endurent aussi ses regards «insistants», ses remarques appuyées sur leur habillement: «Un jour, il a parlé pendant cinq minutes de mon pull en laine. Et est-ce normal de la part d’un prof, dans un contexte scolaire, de répéter à cinq reprises que je sens bon ou que j’ai de belles bottes?» s’interroge une des bachelières. «En fait, il joue de manière si perverse avec les limites, enchaîne une de ses camarades, qu’on finit par se demander si ce n’est pas nous-mêmes qui faisons quelque chose de faux.»

Diviser pour mieux dominer

Le professeur X semble aussi exceller dans l’art de diviser pour mieux dominer: «Quand certaines d’entre nous s’opposaient à ses affirmations ou à ses manières, il adorait ça. Il prenait alors à témoin les élèves qui l’admiraient pour ironiser et humilier l’élève en désaccord avec lui, en déformant ses propos pour mieux promouvoir ses idées à lui.»

Ainsi, un jour où le professeur X se met presque à justifier le concept de crime passionnel, une des élèves réagit en estimant que le crime passionnel est d’abord une excuse facile pour tuer des femmes. «Il m’avait répliqué en ricanant que j’avais bien appris mon catéchisme.»

Cour d'élèves charmés

Si une soixantaine d’élèves du Gymnase Auguste-Piccard ont bel et bien signé en avril une lettre de soutien au professeur X peu après sa mise à pied, c’est, selon ces jeunes femmes, parce que celui-ci s’était constitué une cour d’élèves charmés par sa décontraction outrancière, par son anticonformisme, par ses méthodes pédagogiques n’exigeant d’eux aucun effort, par sa distribution générale de bonnes notes – par ailleurs délivrées après des mois d’attente.

Son emprise s’appuyait aussi sur sa passion bien réelle pour la branche qu’il était censé enseigner: «Oui, il est sincèrement passionné par la littérature, par Romain Gary, par Molière. Mais il utilise cette passion pour séduire une partie de son auditoire, pour se mettre en valeur, pour provoquer et choquer au lieu d’en tirer un enseignement littéraire digne de ce nom.» Une des quatre déléguées des plaignantes se rappelle d’ailleurs avoir été dans un premier temps séduite par ce personnage atypique: «Je trouvais incroyable qu’on puisse fumer avec un prof et parler librement de toutes sortes de sujets avec lui. Mais je me suis sentie progressivement mal à l’aise, surtout quand il s’est mis à me questionner sur ma vie privée.»

Absence de filtre

Sa propre vie privée, justement, le professeur X l’expose sans pudeur à ses élèves: «Il nous a souvent raconté qu’il avait tenté de se suicider. Il répétait aussi qu’à partir d’un certain âge, qui était justement le sien, un homme ne peut plus bander.»

Sa gestion de l’affaire elle-même renforce le sentiment d’absence de filtre psychologique chez cet homme: «Une copine d’une autre classe m’a rapporté qu’il avait informé ces élèves qu’il serait absent la période suivante, car il était convoqué par le directeur, parce que celui-ci avait reçu des plaintes à son encontre. Il n’a donc même pas attendu le premier entretien avec le directeur pour diffuser l’existence de notre démarche.»

Tête baissée

Le professeur X se lance d’ailleurs tête baissée dans une entreprise de lobbying en mobilisant ses collègues et des élèves pour le soutenir; il organise des réunions, lance des pétitions. Avec succès: certains enseignants du gymnase font pression sur leurs élèves pour qu’ils se mobilisent en faveur de leur collègue suspendu.

«Très vite dans le gymnase, nous avons passé pour les neuf féministes enragées qui voulaient la peau du prof, témoignent nos interlocutrices. Certaines d’entre nous se sont fait bousculer à la cafétéria, hurler dessus par des élèves, agresser verbalement dans le bus. Et notre maître principal nous a mises en garde sur les "graves conséquences" que notre action pourrait avoir sur notre prof. D’autres enseignants nous adressaient des remarques ironiques du genre: "Je ne sais pas si j’ose encore vous dire ça sans risquer d’avoir des ennuis." Ces trois derniers mois de gymnase ont été très pénibles pour nous toutes. Mais nous avions enfin des cours de français dignes de ce nom, avec un autre professeur. C’était la démonstration qu’il était par exemple possible, contrairement à ses propos grotesques parus dans 24 heures, d’étudier un livre comme "King Kong Théorie" sans être obligé de choquer les élèves.»

«Brutalité administrative»

Le syndicat SUD, dont le professeur X est un des responsables et membre fondateur, dénonce très vite la «brutalité administrative» de cette suspension: cette affaire démontrerait qu’une seule lettre de plainte suffirait désormais à suspendre un enseignant. Faux: cela faisait des mois que ces gymnasiennes tentaient de se faire entendre. En 2018 déjà, certaines d’entre elles avaient été reçues à deux reprises, à leur demande, par le doyen du gymnase pour lui faire part de leur profond malaise. «Le doyen nous avait mollement conseillé d’entreprendre une médiation avec notre prof, de discuter avec lui. C’est tout. Il avait peur que cela fasse des vagues. De toute manière, nous avions déjà essayé de nous expliquer avec ce prof. A chaque fois, il nous avait envoyées bouler de manière méprisante et ironique. Cette inertie de la hiérarchie a contribué à nous convaincre d’écrire cette lettre, avec copie à la DGEP.»

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«Le prof posait souvent un genou sur une table d’élève, comme pour approcher le bas de son corps de manière gênante.» Melk Thalmann

Ces gymnasiennes sont-elles les seules élèves à avoir souffert de cet enseignant? Celui-ci a-t-il, comme le dit son syndicat, bel et bien trente ans d’enseignement irréprochable derrière lui? Une élève d’une autre classe du gymnase lausannois a eu le professeur X comme remplaçant durant deux périodes, il y a quatre ans. Cela lui a suffi pour s’en souvenir comme si c’était hier: «Nous lisions une nouvelle de Maupassant qui mettait en scène une bourgeoise et une prostituée. En guise de conclusion à son cours, cet enseignant nous avait dit: "Je vous laisse deviner qui est la plus salope des deux." Une partie de la classe, surtout les garçons bien sûr, avait trouvé cela drôle. J’avais trouvé cela très choquant. J’ai détesté le style vulgaire, sexiste et suffisant de ce type.»

Retour dans le passé

Remontons plus loin dans le temps pour tenter de savoir depuis quand le professeur X impose ses méthodes à ses classes. Avant de sévir à Lausanne, il pratiquait son art au Gymnase de Burier, le gymnase cantonal de la région Vevey-Montreux. Une de ses élèves entre 2007 et 2010 se souvient: «Avant même de parler de ses manières inacceptables, je précise que j’adorais le français et que j’étais une bonne élève dans cette branche. Je me permets donc d’affirmer que l’enseignement de cet homme était pauvre à bien des égards. Il y avait déjà le choix des livres. Il nous faisait lire du Jacques Chessex, du Romain Gary, mais systématiquement leurs ouvrages qui comportaient des scènes de sexe. Dans un livre de Chessex, le personnage principal décrivait le pénis de son père. Je n’avais pas de copain, je n’avais pas envie qu’on me parle de sexe à cette époque. Et là, ce prof nous avait lu ce passage en classe en accentuant théâtralement le mot "verge", de toute évidence pour nous mettre mal à l’aise. La seule fois où j’ai osé m’opposer à lui, c’est quand il a voulu nous faire lire à haute voix le passage le plus pornographique d’un autre livre de Chessex, "Le dernier crâne de M. de Sade" (en Suisse, ce livre est sorti en 2009 emballé dans du plastique, afin d’éviter le feuilletage, avec un autocollant "Réservé aux adultes", ndlr). Il avait alors dit que puisque j’étais aussi prude, il allait photocopier ce passage et distribuer ces copies face cachée sur nos bureaux. J’avais été la seule à ne pas retourner la feuille.»

Cette même élève se souvient encore que ce professeur avait emmené sa classe voir un spectacle au Théâtre du Moulin-Neuf à Aigle. Dans cette pièce, un acteur se dénudait brièvement. «Le lendemain, le prof nous avait dit: "Vous avez vu comme ce personnage révèle son pénis?" Comme s’il n’avait retenu que cette scène, comme s’il avait organisé cette soirée uniquement pour que l’on voie ça.»

Echanges

Le directeur et metteur en scène de ce théâtre et l’enseignant se connaissaient bien: le premier avait notamment mis en scène dans son théâtre les poèmes érotiques du second... Et le second invitait le premier dans sa classe pour des échanges avec ses élèves. L’élève s’en souvient bien également: «Ils faisaient la paire, ces deux, en matière de vulgarité.» Or, ce directeur de théâtre allait être condamné en 2013 à 5 ans de prison pour actes d’ordre sexuel avec des enfants. Il avait en effet imposé durant dix ans des relations sadomasochistes à plusieurs de ses élèves comédiennes, mineures au moment des faits...

Un ancien collègue du professeur X au Gymnase de Burier confirme que ce professeur avait «l’art de se mettre dans des situations délicates, sans doute à force de se complaire dans des postures non conformistes très égocentrées. Il ne savait pas conserver la distance de mise entre élèves et professeurs. On peut parler d’un professeur borderline, et même de trente ans de carrière borderline.»

Tragique fait divers

Car selon une autre source, dès ses débuts dans les années 1990 au Gymnase d’Yverdon, cet enseignant a là aussi marqué les esprits: «Il parquait parfois un camping-car à proximité de l’établissement pour y faire du français avec certaines de ses élèves après les heures de cours...» Mais le plus troublant à cette époque demeure son rôle indirect en marge d’une affaire de double parricide à Chamblon, en 1993. Le jeune homme de 18 ans qui avait abattu père et mère était un de ses élèves. Or certains textes que ce jeune homme écrivait dans le cadre du cours auraient dû, d’après d’autres sources, alerter l’enseignant, ce qui ne fut semble-t-il pas vraiment le cas.

Vingt-six ans plus tard, ce tragique fait divers hante encore le professeur X: «En début d’année, se souvient une des quatre gymnasiennes lausannoises, je lui ai dit qu’il ne pouvait pas parler comme il le faisait du viol, parce qu’il ne pouvait pas savoir ce que c’est. Et il m’avait répondu théâtralement: "Qu’en savez-vous? J’ai peut-être moi-même été violé!" Le lendemain, il est revenu sur cette discussion en s’exclamant: "Oui! J’ai été violé! On a violé mon âme!" Toute la classe était tétanisée comme jamais. Et c’est là qu’il nous a parlé de ce parricide, dont un film a été tiré en 2018. Il nous a montré des e-mails qu’il avait échangés avec la réalisatrice, Ursula Meier. Il se prenait la tête en parlant de ça, faisait mine d’être bouleversé, et nous a finalement fait voir ce film dans lequel Fanny Ardant joue le rôle du professeur, c’est-à-dire son rôle. C’était tellement malsain!»

Sort scellé

Mais le sort professionnel du professeur X, depuis longtemps dans le collimateur du département, était scellé: la lettre des plaignantes était déjà parvenue à la DGEP, aggravant de manière décisive son dossier «déjà long comme le bras», selon une source professorale.

A la lumière de cet édifiant condensé de trente ans de carrière, le licenciement du professeur X peut-il toujours être assimilé à de la «brutalité administrative»? Les 13 220 enseignants vaudois devraient en tout cas pouvoir respirer: il en faut beaucoup, et même beaucoup trop pour se faire virer de l’école vaudoise.


L'éditorial: Neuf élèves seules face à 640 profs

Par Philippe Clot

Elles ont 18 ans, la tête bien faite et pleine de projets. Elles ne sont plus des adolescentes mais pas encore des adultes. Ces gymnasiennes lausannoises ont choisi une section artistique, parce qu’elles aiment ce qui est beau, ce qui élève l’esprit, ce qui rend parfois la vie magique dans un monde de plus en plus anxiogène. Mais on leur a imposé durant deux ans un prof de français usant et abusant des mots «pute», «bite», «salope» et «chatte», un prof multipliant les provocations fétides, les théories nauséabondes, les comportements limites. Ces neuf élèves ont essayé de défendre leur droit au respect en alertant leur direction. En vain, car le prof en question est un responsable syndicaliste. Et cela fait si longtemps qu’il se vautre impunément dans l’outrance qu’il se croyait intouchable.

Omerta

Ces neuf jeunes femmes ont pourtant eu le courage d’insister et de défier l’omerta en alertant le sommet de la hiérarchie scolaire cantonale. Cette fois avec succès. «Nous ne supportions pas l’idée que ce prof continue à se comporter ainsi avec d’autres volées d’élèves.»

Le parcours borderline de cet enseignant a beau être largement connu au sein de la profession, les maîtresses et les maîtres de gymnase de neuf établissements vaudois l’ont soutenu à 640 voix contre 10 (!), et 37 abstentions. Ce score de république bananière signifie-t-il qu’après avoir participé ou apporté massivement leur soutien à la grève féministe du 14 juin, les enseignantes et enseignants des gymnases vaudois banalisent, voire cautionnent à une majorité écrasante la pratique d’une pédagogie ordurière, sexiste et manipulatrice? Si c’est le cas, il est urgent de leur signifier la fin de la récréation.


À PROPOS DE NOTRE ENQUÊTE PARUE DANS L’ÉDITION DU 02.10

L’AVOCAT DU «PROFESSEUR X», ME ÉRIC STAUFFACHER, RÉAGIT

Monsieur le rédacteur en chef,

Je suis l’avocat de la personne désignée comme le «professeur X» dans l’article paru dans «L’illustré» du 2 octobre 2019, intitulé «La vérité dans l’affaire du professeur viré» sous la plume de Philippe Clot, article qui a très certainement recueilli votre aval.

Mon client considère que cet article, tant dans sa forme que dans son contenu, est injurieux, mensonger et diffamatoire.

Ainsi, votre journaliste y utilise notamment les invectives suivantes : «pion marron», «Ubu prof», «professeur borderline» à la «pédagogie ordurière», ce qui est évidemment intolérable.

Au surplus, il se fait l’interprète d’accusations fallacieuses sur des attitudes et comportements, pervers et sexuellement harcelants, que mon client n’a jamais eus en plus de trente ans de carrière ; tout cela soutenu par une iconographie pour le moins douteuse.

Comme votre journaliste et vous-même le savez pertinemment, ces quelques dénonciations, isolées dans un concert de louanges, ont déjà été intégralement traitées par une enquête administrative confiée à un ancien Juge cantonal. Vous n’ignorez pas non plus que son rapport d’enquête balaye les griefs ayant trait à la qualité de son enseignement, à du sexisme ou à du harcèlement d’ordre sexuel, et il conclut explicitement à un simple avertissement. Il en va de même de l’accusation fausse selon laquelle mon client se serait «lancé tête baissée dans une campagne de lobbying en organisant des réunions et en lançant des pétitions». Toutes ces rumeurs mensongères étant connues de l’enquêteur, qui avait longuement entendu chacune des détractrices de mon client, et il en est arrivé à la conclusion que rien ne venait les étayer. Apparemment votre «enquêteur» ne fait état d’aucun élément de fait nouveau venant renforcer une accusation aussi douteuse.

De manière générale d’ailleurs, votre journaliste a systématiquement négligé, souvent en les dénigrant d’avance, tout élément ou témoignage qui pourrait le faire douter de la justesse de son combat. Il n’a soigneusement sélectionné que les éléments qui allaient dans le sens du dénigrement, personnel et professionnel, de mon client. Il n’a même pas tenté de le contacter, ou son avocat, ou son syndicat ou toute autre personne qui aurait pu donner un éclairage divergent. Cela a un nom: un «lynchage médiatique», soit un article qui démolit une personne, sans aucun esprit critique et sans lui donner une seule petite chance de se défendre. C’est tout particulièrement le cas pour l’amalgame intolérable que l’article tente d’opérer en suggérant, sans l’ombre d’une preuve ni d’un indice, une complicité de mon client avec un Directeur de théâtre condamné à 5 ans de prison pour des actes commis sur des élèves, et avec le double parricide survenu à Yverdon dans les années nonante.

Il ne vous aura sans doute pas échappé que mon client est actuellement en procès contre l’Etat de Vaud après avoir été irrémédiablement licencié de manière immédiate. D’un point de vue déontologique, lorsqu’un procès est en cours, le souci devrait être de veiller à donner la parole médiatique aux deux parties, ce qui avait été fait systématiquement jusqu’à présent dans cette affaire. L’article parle de «courage». Ce qui aurait été courageux, c’est d’affronter la possible contradiction avec la foule d’élèves, des centaines et des centaines qui ont tant apprécié l’enseignement de ce professeur et qui ne le reconnaissent absolument pas dans le portrait abject qu’en fait votre journal. Il est particulièrement lâche de refuser cette contradiction en négligeant d’emblée, comme achetée et manipulée, cette impressionnante cohorte de gens qui aurait pu risquer de donner à vos lecteurs une vision différente du «professeur X». Voilà qui est méprisant à l’égard des uns comme des autres.

Me Eric Stauffacher, avocat


Par Clot Philippe publié le 7 octobre 2019 - 09:07, modifié 18 janvier 2021 - 21:06