Un petit matin à l’aube, Vendredi sur Mer nous attend au bord du lac. Au saut du lit et lunettes à la mode sur le nez, c’est parti pour une longue journée de promo. Car la Romande de 24 ans, exilée à Paris depuis quelques années déjà, est devenue le phénomène pop de l’année. En une des Inrockuptibles, invitée chez «Quotidien» ou sur France Inter et, le 30 novembre prochain, un premier concert à l’Olympia, rien que ça! Nos voisins adorent la Genevoise, son parlé-chanté et son nom poétique.
«J'en ai bouffé, du Renaud!»
Sur le débarcadère de Cully (VD), les ouvriers s’affairent pour préparer le festival de jazz; le soleil, paresseux, lui, commence tout juste à apparaître, se reflétant dans un lac d’huile. «Il y a pire comme endroit», rigole Charline Mignot, de son vrai nom, radieuse, baskets et chemise en soie branchée. La jeune femme a du style. Et on se dit que ce n’est pas un hasard si l’une de ses chansons avait été choisie pour habiller le défilé de la créatrice de haute couture Sonia Rykiel il y a deux ans.
La musique rythme la vie de Charline depuis sa naissance. Ses parents ne sont pas musiciens, non, mais mélomanes. «Je me souviens des dimanches matin. Je me réveillais, il y avait de la musique à fond dans la maison. Bashung, les Têtes Raides, Mylène Farmer, les Ogres de Barback et Renaud. Qu’est-ce que j’en ai bouffé, du Renaud!»
A 8 ans, Charline, née à Chêne-Bougeries (GE), est fille unique et a «la chance de beaucoup [s]’ennuyer». Ce qui l’intéresse, ce sont les textes. Elle sort les livrets des disques et apprend les chansons par cœur. En classe, bonne élève, elle noircit ses classeurs de mots et de poèmes.
Son premier concert: Lorie
Son premier concert? «C’était Lorie à l’Arena à Genève. Je me souviens d’avoir éclaté en sanglots au moment où elle est arrivée sur scène!» Mais ce qu’elle préfère, c’est quand son père l’emmène à Musilac, à Aix-les-Bains, sur les bords du lac du Bourget. «J’y ai découvert les Chemical Brothers, Shaka Ponk, des groupes de scène qui me faisaient bien flipper à l’époque. Et puis j’y ai aussi vu Pete Doherty, complètement arraché. J’avais 9 ans et me suis dit: «Etre sur scène, c’est ça? Jouer de la guitare avec une bouteille de vodka à la main?» rigole Charline.
Quinze ans plus tard, c’est elle qui se retrouve sur scène. Une tournée des festivals l’été dernier, un premier album tout frais sorti de presse. «Premiers émois», «un journal intime», écrit sur un an, dont une bonne partie dans une maison normande, au bord de la mer, forcément. Sur la pochette, Charline s’affiche en Vénus, celle de Botticelli. Assise dans un fauteuil coquillage, qu’elle amène d’ailleurs toujours sur scène, en peignoir rose, la jeune femme a de longs cheveux bouclés. «Très coquillage et crustacés, n’est-ce pas?»
Et puis ce nom, Vendredi sur Mer, ça vient d’où? «C’est l’idée de voyager sans bouger. Et puis ce n’est pas commun. On se dit: "C’est quoi ce truc?" Et on retient», souligne la chanteuse. Un projet, comme une vague inspirante, «arrivé dans ma vie complètement par hasard»!
«Encore un gros lourd?»
Il y a trois ans, la jeune femme suit des études d’art à Lyon. Passionnée de photographie, Charline Mignot écrit une petite musique pour accompagner l’une de ses expositions. «Un ami m’avait aidée à faire la prod et elle tournait en boucle lors de l’exposition. Mon futur manager, Paul, est passé et m’a contactée. J’ai mis du temps à lui répondre, en me disant que ça devait encore être un gros lourd! Et puis heureusement, je l’ai fait.»
Aujourd’hui, Charline Mignot ne fait plus de photos. «Mais je suis chargée de la direction artistique du projet Vendredi sur Mer, je ne suis pas derrière l’objectif. Pour la couverture de l’album, j’ai choisi la direction et je savais où je voulais aller.»
Car les influences de la jeune femme sont autant cinématographiques que musicales, si ce n’est plus. «Je fonctionne surtout avec ce que je vois et ce que je vis. Certains réalisateurs m’ont particulièrement touchée. Il y a Eric Rohmer, surtout. C’est fou de faire des films aussi beaux, aussi forts avec des sujets aussi bateau et futiles. Mes chansons reposent aussi sur ce genre de thèmes, des choses que l’on vit tous à un moment dans notre vie.»
Déjà l’Olympia
Parmi ses meilleurs souvenirs de scène, La Parenthèse, à Nyon, «au tout début». «Dans cette petite cave, c’était fou. La salle était pleine et la scène faisait la taille d’une marche d’escalier, je pouvais toucher le public, l’ambiance était incroyable.» Et puis l’été dernier, Vendredi sur Mer a déclamé son parlé-chanté au Paléo Festival. Elle était stressée. «Je jouais à domicile, devant mes parents!» Et dans six mois, le 30 novembre, elle sera en concert à l’Olympia. Impressionnant? «Oui, mais sur scène, je me sens bien. C’est un exutoire, confie la jeune femme. Le seul endroit où j’arrive à me dépasser et à oublier ce qui m’entoure. Et je pense aux gens qui me connaissent. C’est cool de se dire: «Tu me prenais pour une nulle? Eh bien regarde où je suis aujourd’hui!»
>> Voir la vidéo de Vendredi sur Mer «Chewing Gum»: