Les Suisses sont de plus en plus nombreux à exclure la viande de leur assiette et même à éliminer tout produit d’origine animale de leur mode de vie. Selon l’association Swissveg, qui se base sur l’étude MACH Consumer sur la consommation et les médias, la Suisse compte plus de 250 000 végétariens et près de 38 000 végétaliens. Le sexe et l’âge jouent un rôle en matière d’habitudes alimentaires puisque, selon ce sondage, la majorité d’entre eux sont des femmes, avec une représentation plus importante chez les 14 à 34 ans.
Pourquoi ce choix? Le respect des animaux, l’engagement pour la sauvegarde de la planète et l’adoption d’une vie saine et responsable sont les motivations principales de celles et ceux qui ont choisi d’être végétariens ou véganes. En marge des valeurs éthiques et écologiques, se passer de viande ou de tout produit animal est-il bon pour la santé? Comment garantir des apports alimentaires suffisants et éviter le risque de carences? Nous avons mené l’enquête.
1. Les bienfaits pour la santé
Une alimentation végétarienne est plutôt favorable pour la santé, c’est du moins ce qui ressort des données scientifiques où l’on compare ce type d’alimentation au régime omnivore (voir plus loin). Le régime végétarien, qui est le moins restrictif, a une influence positive sur le poids, la tension artérielle et le taux de cholestérol. On dit de lui qu’il est «cardio-protecteur», car il protège des maladies cardiovasculaires. «L’exclusion de la viande réduit de beaucoup l’apport en graisses saturées et en cholestérol. De ce fait, la consommation d’acides gras de bonne qualité comme les oméga 3 est encouragée», explique Sandrine Lasserre, diététicienne ASDD (Association suisse des diététiciens et diététiciennes ) à SL NutriDiet et membre de l’Antenne des diététiciens genevois (ADiGe). Il semble par ailleurs de mieux en mieux établi que la viande (rouge et transformée surtout) est associée à une augmentation du risque de cancer colorectal. Un risque évité avec le régime végétarien.
De plus, lorsque la base de l’alimentation est végétale, on atteint facilement les cinq portions de fruits et légumes par jour. Cela veut dire davantage de fibres, de vitamines et d’antioxydants, qui sont excellents pour la santé. L’influence positive sur la santé du végétarisme tient certainement aussi au souci d’une alimentation saine que partagent ses adeptes: «Le végétarisme est associé à une meilleure hygiène de vie en général. Il y a une prise de conscience et une attention particulière accordée à la qualité et l’origine des aliments», commente la diététicienne.
L’alimentation végane, beaucoup plus exclusive, suscite quant à elle plus de controverses sur le plan médical. «Elle exige un suivi médical et le conseil de professionnels, car elle est à haut risque de carences (lire plus loin)», souligne Sandrine Lasserre.
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2. Attention aux carences
Lorsqu’on ne mange pas de viande ou pas de produits animaux, le risque de carences, notamment en fer, en protéines et vitamine B12, existe. Néanmoins, évoque Sandrine Lasserre, «une étude comparative suisse a montré que la carence en fer n’était pas plus marquée chez les végétariens que chez les omnivores». Les légumes verts, les légumineuses, les noix, les fruits secs et les céréales sont de bonnes sources de fer. L’apport en protéines, souvent pointé du doigt, est un obstacle que l’on peut contourner facilement en variant les sources de protéines végétales: œufs, fromage, légumineuses, graines, oléagineux, tofu, etc.
La vitamine B12, en revanche, ne se trouve que dans des produits issus des animaux. Lorsqu’on renonce à la viande, au poisson et aux crustacés, alors il ne reste que les œufs et les produits laitiers. Pour ce qui est du régime végane, les apports via l’alimentation naturelle sont beaucoup plus limités et le risque de carences beaucoup plus grand. Le déséquilibre pose d’autres problèmes, comme l’explique Sandrine Lasserre: «Certaines vitamines et certains minéraux peuvent entrer en compétition lors de l’absorption, car ils sont plus souvent consommés ensemble. Cela peut être à l’origine de manques insoupçonnés.»
3. Le véganisme, pas à la portée de tous
Très restrictive, cette alimentation est difficile à suivre et ne convient pas à tout le monde. «Cela exige beaucoup de temps, d’attention et de technique culinaire, surtout si on veut limiter les achats industriels», indique Sandrine Lasserre. Si l’on est quand même tenté par une alimentation exclusivement végétale, celle-ci recommande de se rapprocher de spécialistes en nutrition ayant des connaissances solides pour veiller à combler ses besoins nutritionnels. «Il est important de se créer une routine alimentaire et de vérifier régulièrement si on n’est pas carencé. Car les conséquences d’une alimentation déséquilibrée ne se font généralement pas sentir dans l’immédiat, mais sur le long terme», avertit la spécialiste. Certaines situations sont contre-indiquées. Le véganisme est déconseillé aux femmes enceintes et aux enfants. Et pour cause, durant la grossesse et la croissance, les besoins nutritionnels sont accrus et risquent de ne pas être complètement couverts par le biais exclusif d’une alimentation végétale.
4. Qu’est-ce qu’on met dans son assiette?
Les cuisines végétariennes et véganes appellent à la créativité. Entre les blogs culinaires, les livres de recettes et les propositions de chefs du monde entier, les sources d’inspiration sont nombreuses. L’alimentation doit être le plus possible diversifiée, chaque aliment apportant des composants (protéines, minéraux, vitamines, acides gras, etc.) aux intérêts différents. Potasser un peu pour être au clair sur la teneur en nutriments est en soi une bonne idée. Légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, etc.), céréales complètes, légumes verts, féculents et produits à base de soja (tofu) et œufs notamment sont des sources précieuses pour l’apport en protéines, en fer, etc. La pyramide alimentaire de la Société suisse de nutrition (SSN) peut très bien servir de référence aux ovo-lacto-végétariens, sans tenir compte de la viande, évidemment.
Lorsqu’on débute, on peut se faire accompagner par une diététicienne ou un diététicien pour mieux composer ses repas.
La Hiltl Académie à Zurich, école spécialisée dans la cuisine végétarienne et végane, a conçu une nouvelle pyramide alimentaire pour les véganes. Elle peut être une aide précieuse pour parvenir à un équilibre alimentaire lors des repas. Concrètement, fruits et légumes devraient toujours représenter la plus grande part dans l’assiette. Un quart est réservé aux céréales complètes, aux pseudo-céréales (quinoa, etc.), aux pommes de terre et patates douces. Le dernier quart devrait se composer de légumineuses, de fruits à coques et de graines. Par ailleurs, d’autres aliments doivent être intégrés dans l’alimentation: les produits à base de soja (tofu, etc.) pour les protéines, les algues et leurs suppléments pour l’apport en iode et en oméga 3 notamment, les boissons (laits végétaux, eaux minérales) enrichies en vitamine D ou en calcium, par exemple.
5. Les pièges à éviter
Quel que soit son style alimentaire, la tentation de remplir son caddie de mets préparés et industriels existe. Les industriels, à l’affût des tendances, l’ont bien compris et se sont engouffrés dans la brèche. Les produits estampillés véganes sont de plus en plus nombreux dans les supermarchés, mais ils ne sont pas forcément sains. «Il faut faire attention à la composition. Un excès de sucre et de mauvaises graisses est une constante dans ces produits alternatifs», avertit la diététicienne (lire ci-contre). Pour une alimentation saine, rien ne vaut les aliments frais, naturels, de production locale ou biologique, cuisinés maison.
6. Les compléments alimentaires
Si le régime végétarien est bien mené, c’est-à-dire suffisamment réfléchi et diversifié, les compléments alimentaires ne sont pas nécessaires. En revanche, lorsque l’alimentation est composée uniquement de végétaux comme chez les véganes, une supplémentation en fer, vitamine B12, oméga 3, calcium et vitamine D notamment, sous forme de comprimés ou d’injections, est incontournable. Mais les compléments alimentaires ne sont pas la panacée: «L’absorption est sans doute moins bonne lorsque le nutriment est amené de façon artificielle», note Sandrine Lasserre. Des contrôles réguliers pour dépister les carences sont recommandés.
Quel est votre régime?
● Omnivore: les omnivores mangent de tout!
● Flexitarien: les flexitariens ont une alimentation majoritairement végétarienne, mais ils mangent occasionnellement de la viande
et du poisson.
● Végétarien: les végétariens
ne mangent globalement ni viande
ni poisson, parce qu’ils résultent
de l’abattage des animaux.
La consommation d’œufs et de lait
est tolérée. Des sous-catégories existent néanmoins.
Les ovo-végétariens intègrent les œufs, les lacto-végétariens les produits laitiers et les ovo-
lacto-végétariens, catégorie la plus répandue, les œufs et les produits laitiers (lait, fromage, yogourt).
● Végétalien: les végétaliens
ne consomment ni viande, ni lait, ni œufs, ni miel. Tous les produits d’origine animale sont bannis dans ce régime, composé donc principalement de végétaux.
● Végane: chez les véganes,
toute consommation de produits d’origine animale est exclue, que ce soit dans le cadre de l’alimentation ou des biens courants (cuir, laine, soie, etc.).
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Focus sur les étiquettes
Laits végétaux, faux steak et autres alternatives aux produits d’origine animale fleurissent dans les rayons des supermarchés. Sandrine Lasserre, diététicienne ASDD à SL NutriDiet et membre de l’Antenne des diététiciens genevois (ADiGe), s’est intéressée à la composition de certains d’entre eux. Prenons l’exemple des boissons lactées proposées à la place du lait de vache: lait de soja, d’amande, de riz, d’avoine, de cajou, de coco, etc. Les variétés sont nombreuses, mais leur intérêt nutritif très inégal. Le lait – ou jus – de soja a l’avantage d’avoir un profil complet des acides aminés essentiels (constituants des protéines). Pour la diététicienne, il constitue la meilleure alternative végane, d’autant plus lorsqu’il est enrichi en calcium ou en vitamine D. «Mais en raison de la présence d’isoflavones, et de leur possible impact sur le système hormonal, il est à consommer à petite dose et de préférence pas tous les jours. Il n’est pas adapté aux nourrissons, dont le système digestif est immature», précise-t-elle. Le lait d’amande est quant à lui peu calorique et goûteux, mais peu intéressant d’un point de vue nutritionnel. Le lait de riz, enfin, est pauvre en protéines et il est si sucré qu’il s’apparente davantage à une boisson sucrée qu’à un lait végétal.
Et le steak?
Dans la gamme des alternatives à la viande, on trouve le steak végétal. «L’association de légumineuses (pois, par exemple) et de céréales (riz, par exemple), comme on le voit dans certaines marques, offre un profil d’acides aminés essentiels complet et équivalent aux protéines animales. Attention néanmoins aux graisses utilisées. Certaines huiles végétales, telles que l’huile de coco que l’on peut trouver dans ces steaks, sont associées à une augmentation du risque cardiovasculaire au même titre que les graisses animales en raison de leur teneur élevée en acides gras saturés. Ces produits ne sont donc pas parfaits, sans compter que le goût et le bilan écologique entrent aussi en ligne de compte. Il vaut mieux bien regarder les étiquettes, voire s’armer d’une application pour décrypter la composition des produits, avant de les mettre dans son caddie. Et ne pas oublier que l’on peut faire beaucoup de choses soi-même, par exemple le steak végétal, avec un peu d’imagination et quelques conseils de professionnels.»
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Végétariens ou véganes en culottes courtes
Certains enfants boudent la viande et le poisson par dégoût ou parce qu’ils pensent à l’animal qui a gambadé dans les prés. Parfois, ces mets ne sont simplement pas proposés à table parce que les parents sont végétariens ou véganes. Faut-il s’en inquiéter? Une alimentation végétarienne ou végane est-elle sans risque pour la santé d’un enfant, sachant que les besoins nutritifs et énergétiques sont accrus durant la première partie de la vie? L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) répond à ces interrogations: «Une alimentation ovo-lacto-végétarienne est possible pour les nourrissons et les enfants en bas âge, à condition de veiller à ce qu’ils aient un régime alimentaire équilibré et surtout de surveiller les nutriments apportés normalement par la viande et le poisson.» Dans la ligne de mire: les protéines, la vitamine B12, les oméga 3 et le fer. La vitamine B12, que l’on trouve principalement dans la viande, les produits laitiers et les œufs, est nécessaire notamment à la formation des globules sanguins et à la division cellulaire. Pour couvrir les besoins en vitamine B12, il suffit de consommer trois portions de produits laitiers par jour (yogourt, lait, fromage) et occasionnellement des œufs. Les oméga 3 d’origine végétale doivent faire partie de l’alimentation au quotidien pour un apport suffisant. On retrouve ces acides gras dans les huiles de colza, de noix ou de lin, qui doivent être utilisées à froid pour les préserver. Quant au fer, on en trouve également dans les légumes verts (brocolis, épinards, poivrons, par exemple), les légumineuses (lentilles, par exemple) ou les pommes de terre. On peut faciliter son absorption lorsqu’on l’associe à la vitamine C. Concernant l’apport en protéines, les œufs, les légumineuses et les produits à base de soja (tofu) sont une bonne alternative aux protéines animales.
L’alimentation végétalienne, en revanche, n’est pas recommandée pour les nourrissons et enfants en bas âge, car elle ne permet pas de couvrir les besoins en énergie, en protéines et en nutriments essentiels à la croissance et au bon développement de l’enfant. Le risque de carences et de leurs répercussions sur la santé est important. L’OSAV conseille aux parents souhaitant proposer une alimentation végane à leurs enfants de prévoir des contrôles médicaux réguliers pour surveiller les apports et de recourir à l’aide de professionnels (diététicien, nutritionniste) pour adapter l’alimentation aux besoins spécifiques de l’enfant et la supplémenter.
La pyramide alimentaire pour les véganes
Lorsque la viande, le poisson, les œufs et les produits laitiers sont évincés, le visage de la pyramide alimentaire change. La voici, revisitée par la Hiltl Académie de Zurich.