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Valentin Imsand et Justin Fournier: les espoirs du saut à la perche suisse

Inséparables depuis l’enfance, Valentin Imsand et Justin Fournier (18 ans), de Grimisuat (VS), sont les plus grands espoirs du saut à la perche suisse. Valentin vient même d’établir la meilleure performance mondiale de sa catégorie d’âge. Rencontre à la veille des Européens U20.

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Les deux perchistes valaisans Valentin Imsand (à gauche) et Justin Fournier (à droite) posent à Sion

Valentin Imsand (à gauche) sera l’un des grands favoris des Européens U20 de Jérusalem (du 7 au 10 août). Justin Fournier peut aussi nourrir de grandes ambitions.

Gabriel Monnet

Valentin Imsand et Justin Fournier ont suivi toute leur scolarité ensemble depuis la première primaire, à Grimisuat, et vivent à cinq minutes l’un de l’autre, chez leurs parents, dans ce village situé à 5 kilomètres de Sion, sur la route de Crans-Montana.

Aujourd’hui, ces deux ados valaisans ont 18 ans et, avec leurs gabarits impressionnants, 1 m 86 pour Valentin et 1 m 80 pour Justin, ils tutoient les étoiles. Inséparables, les deux collégiens sont les plus grands espoirs du saut à la perche suisse. L’an dernier, aux Européens M18 de Jérusalem, Valentin a décroché la médaille d’argent alors que Justin, quatrième, a fini au pied du podium. Et, début août, toujours dans la ville sainte d’Israël, ils disputeront de nouveau ensemble les Européens, U20 cette fois, où Valentin fera figure de grand favori. Fin mai au meeting de Sion, alors que son pote égalait son record à 5,21 m, Valentin a pulvérisé le sien avec un bond phénoménal à 5,61 m, rien de moins que la meilleure performance mondiale de sa catégorie d’âge. «Et je veux encore aller plus haut, évidemment», nous glisse-t-il. De son côté, Justin sourit en pensant à leur trajectoire commune. «Jamais, petits, nous n’aurions pensé en arriver là.»

Cinq fois par semaine, du lundi au vendredi, ils s’entraînent ensemble au stade de l’Ancien Stand, au centre de Sion, avec celui qui les a découverts, qui les façonne jour après jour, leur entraîneur Boris Zengaffinen (43 ans), prof de gym au collège des Creusets, situé juste à côté, et qui fut trois fois champion suisse avec un record à 5,20 m, soit moins bien que ses deux élèves. «Eh oui, c’est comme ça», s’amuse-t-il, drôle et extraverti. On les retrouve, avec d’autres espoirs, lors d’une séance un mercredi estival ensoleillé. «Plus court sur le dernier appui!», «Monte ton genou lors de l’impulsion!»: après chaque saut, l’entraîneur corrige, affine, décortique. Tout se fait en famille chez les Zengaffinen. C’est Conrad, le papa, 74 ans, ancien sprinteur, qui est l’entraîneur physique des deux champions. Pas encore vraiment remis du récent exploit de Valentin – «C’était fou, j’en ai eu les larmes aux yeux.» Anaïs (10 ans) et Alexis (8 ans), les enfants de Boris, sautent déjà à leur âge. «J’adore ça», lance la petite, perche en mains. 

Pour le trio, tout a commencé à Ayent, près de Grimisuat, où Boris Zengaffinen donne, une fois par mois, des cours d’initiation à la perche dans le cadre de la gym. «C’est un peu casse-cou, les gamins sont catapultés dans le sable, ils s’amusent comme des fous.» Valentin et Justin y ont vite pris goût. «A 15 ans, ils franchissaient déjà les 4,50 m, ils se chipaient à tour de rôle le record suisse centimètre par centimètre.»

Boris Zengaffinen avec Justin Fournier

Ancien champion suisse, Boris Zengaffinen (43 ans), ici avec Justin, est l’entraîneur des deux jeunes talents valaisans depuis leur enfance. Jour après jour, il les corrige, les façonne.

Gabriel Monnet

Question d’équilibre


Valentin Imsand a fini sa troisième année dans un collège privé de Sion. Ses parents, actifs tous deux dans la médecine dentaire, l’accompagnent dans la plupart de ses déplacements. Chloé, sa grande sœur, a été une championne de natation. Justin Fournier, lui, a passé quatre de ses cinq années de matu. Amélie, 16 ans, sa petite sœur, brille sur 400 m. Les parents, directeurs dans le social, sont «à fond avec nous dans les hauts comme dans les bas». Justin et Valentin peuvent-ils, malgré leur carrière, avoir une vie comme les autres ados, sortir, flirter? «C’est une question d’équilibre, sourit Justin. Comme on fréquente des athlètes qui ont la même vie que nous, ça facilite. Marie, ma copine, vient aux meetings quand ils ont lieu dans le coin.» Valentin estime, lui, avoir «une vie différente. La perche est ce que j’aime, mon hobby, alors que sortir est celui de plein de jeunes. Mais quand un copain a son anniversaire, j’y vais, même si je ne bois pas.»

Aujourd’hui, avec le temps, l’entraîneur connaît par cœur ces deux espoirs aussi talentueux que différents: «Deux garçons intelligents doués à l’école et qui, toujours à l’affût du moindre détail, ont une monstre envie de réussir. Plus fougueux, plus fonceur, très confiant en lui, Valentin sait exactement ce qu’il vaut. Sa morphologie plus longiligne lui permet d’avoir un meilleur levier au moment du décollage. En plus, avec un record à 10”91 sur 100 m, il est très rapide. Justin est plus cérébral, plus dans la réflexion, ce qui peut avoir un effet bloquant dans un tel sport. Sa force à lui réside dans sa masse musculaire, il est très puissant.»

Le perchiste valaisan Justin Fournier, en action pendant son entraînement le mercredi 14 juin 2023

Julien Fournier et sa musculature affûtée. Dans cette discipline si subtile et si technique, il s’agit de transmettre à la perche toute l’énergie emmagasinée lors de la course d’élan.

Gabriel Monnet

Peut-on rester copains lorsqu’on flirte ensemble avec le plus haut niveau? «A l’entraînement, on se pousse l’un l’autre vers le haut; en compétition, on ne se fait aucun cadeau, mais cela n’enlève rien à notre amitié», sourit Justin Fournier. Et l’entraîneur d’ajouter: «Chacun veut battre l’autre, évidemment, mais on sent une saine rivalité entre eux, ils s’entendent très bien à l’entraînement.»

La plus technique des disciplines


En athlétisme, aucune discipline n’est plus technique. «Le but est de transmettre à la perche toute l’énergie emmagasinée lors la course d’élan en décollant au moment pile. Un mélange de vitesse et de précision», relève Justin Fournier. Les sensations sont forcément très fortes lorsqu’on s’élève à une telle hauteur. Pour Valentin, franchir la barre, après avoir enroulé son corps, constitue chaque fois un indicible moment d’euphorie. «Le bonheur, on le ressent déjà avant d’atterrir, lorsqu’on redescend, même si le laps de temps est très court.» Boris Zengaffinen, à la bonne humeur communicative, en rigole: «Au saut à la perche, on s’envoie vraiment en l’air. Il y a tellement de paramètres, de détails à maîtriser qu’il est possible de progresser à l’infini.» Après le règne de Sergueï Bubka puis de Renaud Lavillenie, c’est le Suédois Armand Duplantis qui aujourd’hui survole la discipline avec un nouveau record du monde à 6,22 m établi récemment. 

Le perchiste valaisan Justin Fournier, en action pendant son entraînement le mercredi 14 juin 2023

Lorsque même à l’entraînement on évolue à des hauteurs oscillant entre 5 et 6 mètres, les sensations sont forcément très fortes. C’est ce qu’aiment Valentin et Justin au-delà des simples résultats.

Gabriel Monnet

Valentin Imsand concourra pour la première fois avec son idole lors du prochain Weltklasse de Zurich fin août. «Duplantis, je l’ai déjà croisé deux fois à Athletissima, à 14 ans. Il m’avait dédicacé une photo. L’an dernier, comme il savait que j’étais un espoir, il m’a offert son dossard, très sympa. Je me réjouis de le côtoyer en concours.» Autre objectif, les JO de Paris l’an prochain. En pleine progression, il est déjà classé 41e mondial chez les élites alors que les 36 premiers seront directement qualifiés. «J’y crois à fond», sourit-il. «Ça devrait le faire», ajoute son entraîneur.

Plus en retrait, Justin Fournier se rendra l’an prochain à Lima, au Pérou, pour les Mondiaux U20. Son graal à lui est de rejoindre un jour le cercle restreint des perchistes à 6 mètres, la hauteur mythique. «Ils doivent être une trentaine sur terre tout au plus. J’ai encore plein de temps pour progresser.» Et Boris Zengaffinen de conclure, philosophe: «La perche reste un jeu pour Valentin et Justin, ils ont tous les jours du plaisir à s’entraîner et, à leur âge, c’est l’essentiel.»

Par Bertrand Monnard publié le 5 août 2023 - 08:26