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L'édito

Une marche qui se démarque

Les citoyennes et citoyens les plus lucides sur la dégradation de l'environnement font tout pour avertir leurs congénères. Malgré tout, notre espèce continue de produire et de consommer à outrance. Dans ce contexte morose, Philippe Clot relève qu'un mouvement se démarque des autres. Portée principalement par des femmes, la Marche bleue parviendra-t-elle à faire évoluer les consciences? Editorial.

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Les 4 initiatrices de la Marche bleue

Bastienne Joerchel, Irène Wettstein, Valérie D’Acremont (de g. à dr.), et Julia Steinberger (en bas), sont les initiatrices de la Marche bleue.

Amélie Blanc

Si toutes les cheminées et tous les pots d’échappement émettant du CO2 étaient regroupés en un seul gigantesque tuyau, celui-ci aurait la superficie de la ville de Paris, 7 km de diamètre environ. Ce serait le seul «monument» visible depuis la Station spatiale internationale (car, contrairement à l’idée reçue, la Grande Muraille de Chine n’est pas visible à l’œil nu par les astronautes de l’ISS). Cette monstrueuse et permanente colonne de gaz à effet de serre aurait une vertu: faire prendre conscience du degré de folie de notre modernité.

Dans la même veine pédagogique, on pourrait aussi empiler au même endroit du globe tous les arbres victimes de nos tronçonneuses. Avec une moyenne de 2400 arbres abattus par minute sur la planète, la pyramide de troncs couchés s’élèverait à plus de 1000 mètres en vingt-quatre heures. Là aussi, le «spectacle» permettrait de mesurer l’intensité du massacre et rendrait sa poursuite insupportable pour les opinions publiques.

Mais comme l’altération tragique de notre biosphère s’opère de manière disséminée sur le globe, parfois même cachée, la prise de conscience reste elle-même diffuse, facile à refouler. Les citoyennes et citoyens les plus lucides et les plus révoltés organisent donc des actions, des manifestations, des débats pour alerter et fédérer leurs congénères. Mais à la troisième grève du climat et à la cinquantième pose de banderole sur un monument historique, le constat reste amer: notre espèce continue de produire et de consommer de manière suicidaire.

La Marche bleue qui débutera le 1er avril prochain à Genève et qui se terminera à Berne le 22 avril a le mérite de renouveler le genre: une de ses singularités consiste à être portée avant tout par les femmes. Car, au fond, le réchauffement de la planète et la crise écologique en cours résultent de longs siècles de pouvoir mâle sans partage. De plus, les personnes souffrant le plus des conséquences du réchauffement sont en majorité les femmes. Et si cette Marche bleue et néanmoins anti-blues parvenait à inspirer le climat de courage et de solidarité qui manque pour changer vraiment, enfin, le monde?

Par Philippe Clot publié le 23 mars 2023 - 09:28