Il tète goulûment, couché sur la fourrure épaisse du ventre de sa mère. Le petit ourson produit un son puissant, mi-grognement, mi-ronron satisfait, pendant qu’il boit.
Au zoo de Servion, les soigneurs et les spectateurs sont captivés par ce spectacle rare. C’est la deuxième fois seulement que des oursons naissent ici, dans ce parc animalier inauguré en 1974 dans la campagne vaudoise. «La première fois, c’était en 2015: une oursonne prénommée Suriyah, première-née de Martine», se souvient tout attendri Roland Bulliard, le directeur du zoo.
Cette fois encore, l’histoire ressemble à un conte pour tout-petits. Martin et Martine, Monsieur et Madame Ours bruns de Syrie, sont nés au parc naturel et animalier de Goldau, dans le canton de Schwytz, en 2002. A Servion depuis 2004, ils forment un couple. La femelle tolère le mâle dix jours par an, durant le rut, à la fin du printemps. Chez les ours, particularité de la nature, la nidation est différée. Cela signifie que si la copulation déclenche l’ovulation, ce n’est qu’au début de l’hiver, quand Madame Ours hiberne, que le fœtus reprend son développement. Après une gestation courte de deux mois, où Martine, 16 ans, n’a plus pointé le bout de son museau hors de sa tanière, ni pour boire ni pour manger, elle a donné naissance à ses bébés, de 300 grammes environ, aveugles et sans poils.
Surprise: il y en a trois
C’est le 19 janvier, en entendant quelques petits grognements, que les soigneurs ont deviné l’heureux événement. Il a fallu ensuite patienter jusqu’au 4 avril pour que Martine laisse les humains apercevoir ses petits. Surprise, les oursons étaient au nombre de trois. «Dans un mois, explique le directeur, on pourra éloigner la mère, peser les oursons, les sexer et les vacciner.» Et les équiper d’une petite puce, insérée sous la peau, pour les identifier.
Le zoo de Servion procède à des échanges d’ours avec d’autres parcs animaliers en Europe. Martin, le papa des trois oursons, ne verra ainsi jamais sa progéniture. Ses 387 kilos de bon gros ours sont partis début novembre rejoindre le zoo de Heidelberg, en Allemagne. Dans deux ans, les trois oursons seront devenus grands. Ils seront alors rejetés par leur mère et s’en iront eux aussi dans d’autres zoos.
Une espèce menacée
Dans la nature, l’ours brun de Syrie pourrait vivre jusqu’à 25 ans. Mais l’espèce est gravement menacée. Braconnage, guerre, diminution drastique de son territoire: difficile d’estimer combien d’individus de cette sous-espèce de l’ours d’Europe peuplent encore les forêts d’altitude de Syrie, de Turquie, d’Afghanistan, d’Iran ou d’Irak. Pour les découvrir, le plus simple reste donc encore le zoo. Entre deux rochers, trois oursons lèchent du miel disposé dans des noix de coco. Ils découvrent l’eau, essaient de grimper et se chamaillent comme des petits d’homme.