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Reconversion

Tout plaquer pour changer de vie, une réalité qui séduit de plus en plus

En Suisse, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir repenser notre manière de vivre. Et vu la place centrale que le travail occupe dans nos existences, un tel désir va presque toujours de pair avec une reconversion professionnelle.

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Des Romands racontent leur changement de vie et leur reconversion professionnelle

En Suisse, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir repenser notre manière de vivre. L'illustré a rencontré des Romands qui racontent leur changement de vie et leur reconversion professionnelle.

Sedrik Nemeth
carré blanc
Margaux Sitavanc

Pandémie, incertitude, perte de sens, les raisons de repenser notre façon de vivre ainsi que nos choix de carrière ne manquent pas. S’il n’existe pas de chiffres précis, la tendance a indéniablement pris l’ascenseur ces deux dernières années et pourrait même devenir la norme à la faveur d’un monde professionnel en pleine mutation et à l’époque où notre manière même d’appréhender le travail est remise en question.

Pourquoi opérer un changement de cap? Pour être heureux, se sentir plus utile ou encore pour ne plus avoir l’impression de «perdre sa vie à la gagner»? Selon le sociologue et anthropologue Marc Perrenoud, spécialiste des parcours professionnels à l’Université de Lausanne, il existe deux profils types. «Dans le premier cas, il s’agit d’individus diplômés issus des classes moyennes à supérieures et disposant d’un certain nombre de ressources. Des ressources financières bien sûr, mais aussi sociales comme un carnet d’adresses fourni ou encore culturelles qui se traduiront dans la manière d’appréhender le changement et l’incertitude. Les individus qui correspondent à ce profil auront, selon les études, une trajectoire plus autocentrée dirigée vers le plaisir. En revanche, et c’est le second cas de figure, les parcours de reconversion des personnes issues des classes populaires s’accompagnent d’un besoin plus important de conserver un salaire équivalent, tout en se sentant plus utile d’un point de vue social. C’est la fameuse quête de sens dont on parle de plus en plus. S’il ne s’agit pas là de distribuer des bons et des mauvais points, il est important de constater ces deux réalités bien différentes contenues dans la notion de changement de vie», précise l’universitaire.

Dans un monde en pleine mutation, sommes-nous tous condamnés à devoir nous «recycler»? Selon Marc Perrenoud, on assiste actuellement à une certaine précarisation du monde du travail: «On entend de plus en plus que la carrière à vie n’est plus la norme et que l’on sera amené à changer plusieurs fois de métier au cours de notre parcours d’actif. Aujourd’hui, le fait d’occuper un emploi stable dans lequel on s’épanouit apparaît de plus en plus comme anormal, voire comme un manque de flexibilité ou d’adaptabilité, deux termes au cœur du discours néomanagérial.»

Et l’entrepreneuriat dans tout ça? En 2022, de plus en plus de salariés se rêvent indépendants. Et à en croire les ouvrages de développement personnel, dont certains sont devenus de véritables best-sellers, un entrepreneur à succès sommeillerait en chacun de nous, pour autant que l’on «libère notre créativité et notre esprit d’innovation». «Alors que le XXe siècle a été marqué par la consolidation de la condition salariale, on assiste à présent au retour d’un modèle libéral où la prise de risque, la capacité au changement sont extrêmement valorisées et où l’entrepreneuriat est souvent érigé en idéal de vie», constate Marc Perrenoud.

Or, si l’activité indépendante peut constituer une réelle source d’émancipation et d’épanouissement, le parcours des entrepreneurs n’a rien du long fleuve tranquille. Avant d’occuper un poste de responsable de projet au sein de l’entreprise vaudoise QoQa, Aurélie Passard était à la tête de sa propre société de restauration. «Diplômée de l’Ecole hôtelière de Lausanne, j’ai baigné très tôt dans cette culture entrepreneuriale et éprouvé une certaine frustration à l’époque de mes premières expériences en tant que salariée. J’avais le sentiment de manquer de liberté, de ne pas forcément pouvoir aller au bout des projets. Lorsque j’ai décidé de monter ma propre boîte, qui a rapidement connu un joli succès, j’ai découvert énormément de choses très positives, mais j’ai aussi déchanté par certains aspects. J’ai pris conscience du poids de la solitude lorsque l’on est seule aux commandes, de la pression, des questionnements sans fin, mais aussi et surtout de la disparition de la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle.» Après avoir vendu son entreprise en 2019, Aurélie Passard est donc retournée à ses premières amours, mais ne regrette rien: «Cette expérience en tant qu’entrepreneuse m’est aujourd’hui extrêmement précieuse au sein d’une entreprise qui valorise beaucoup la prise d’initiatives.»

Si l’on a jamais autant parlé de reconversion professionnelle et d’activité indépendante, comment éviter les pièges et les déceptions? Selon Nathalie Brodard, fondatrice et directrice du cabinet de recrutement Brodard Executive Search, une préparation insuffisante constitue le principal écueil: «Certaines personnes tentent de se lancer dans un nouveau projet de vie mais finissent par revenir dans leur domaine initial deux ou trois ans plus tard, souvent dans une situation financière délicate et avec beaucoup de désillusions.»

Pour éviter que le rêve ne se transforme en cauchemar, l’entrepreneuse préconise donc de préalablement baliser le chemin: «Lorsque l’on souhaite changer de carrière ou encore devenir indépendant, il faut être conscient des risques encourus. Il est conseillé de faire un bilan de compétences, de suivre des formations supplémentaires si nécessaire, de définir son plancher salarial – le montant au-dessous duquel on ne peut pas descendre – ou encore de se construire un réseau dans le domaine dans lequel on souhaite se reconvertir.» Et pour prendre les meilleures décisions, rien de tel que de se nourrir de l’expérience des autres. «Il ne faut pas hésiter à chercher de l’aide et des conseils auprès de personnes qui sont passées par là, rappelle Nathalie Brodard. Une telle stratégie permettra en effet d’échanger sur les réussites mais également sur les pièges à éviter.» 

>> Découvrez les changements de vie de ces Romands: 

Par Margaux Sitavanc publié le 16 octobre 2022 - 10:09