«Ce que je fais en premier quand j’arrive au Bioparc, vers 7h30? J’adresse un grand bonjour à Aldo, notre cacatoès de bientôt 60 ans, qui se balance à l’entrée. J’habite à Versoix, je viens ici sept jours sur sept et tous les samedis avec ma fille de 4 ans, Luisa, qui aime tous les animaux. Pour moi, sauvegarder la faune sauvage est une passion bien plus qu’un travail.
Puis, après avoir consulté mes mails, j’assiste à la séance avec mes huit collaborateurs. On y planifie les tâches au quotidien. Chaque jour est différent. Aujourd’hui, c’est la blessure d’une tortue, une injection à pratiquer sur un hérisson. Ces derniers arrivent souvent maigres, déshydratés; ils souffrent régulièrement d’accidents avec des débroussailleuses, qui leur coupent les pattes.
On parle aussi de l’entraînement de notre fossa, Sakani. Plus grand carnivore terrestre de Madagascar, il est né dans un zoo et fait partie d’un programme de reproduction au niveau européen. Il faut le stimuler athlétiquement, jouer avec lui. En parallèle, en collaboration avec d’autres institutions, nous recherchons une partenaire pour assurer la descendance de cette espèce menacée.
Ces exemples divers montrent le rôle de notre Bioparc. Nous sommes une ambassade du monde sauvage qui s’est fixé plusieurs missions pour la préservation de la biodiversité. Parmi elles, il y a la sensibilisation, l’éducation. Pour avoir envie de s’occuper d’animaux, il faut susciter l’émotion chez les humains.
Nous développons aussi des interventions assistées par l’animal: nous sommes la seule institution de Suisse travaillant avec des animaux exotiques pour venir au secours des personnes en difficulté. Nous le vérifions sans cesse, l’animal facilite le lien avec autrui et permet de reprendre confiance en soi, par exemple dans le cas de troubles autistiques. Nous avons aussi un rôle culturel. A nous d’expliquer aux enfants des villes les différences entre une chèvre et un mouton.
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Ici, 90% des animaux arrivent après avoir été confisqués à leurs propriétaires pour détention illégale ou abandonnés. Le trafic d’animaux sauvages est immense, il représente le troisième marché après la drogue et les armes. J’ai parfois des surprises. Un jour je me présente devant une maison privée de Zurich, sur un appel du vétérinaire cantonal. Devant l’endroit, je me dis que mon GPS s’est trompé. Mais non, un vieux monsieur m’ouvre le portail. Il possédait deux lynx dans un jardin de 30 mètres carrés… Autre exemple, nos trois chameaux viennent d’un cirque bernois en faillite. Ils sont arrivés en piteux état. Nous avons changé leur nourriture, les avons traités contre les parasites. Ils vont beaucoup mieux.
Je n’ai pas d’animaux préférés. J’aime toutes les espèces, tous les comportements. Je vois combien les aras sont intelligents, les suricates sociables et soucieux de leur sécurité. Notre secteur «recherche» compte beaucoup. Avec le lynx, on travaille avec les odeurs, par exemple en cachant la nourriture. Mon équipe sait repérer si un animal a un problème, selon sa manière de dormir ou l’état de ses plumes. Mais attention, ce n’est pas parce qu’un animal est exotique qu’on pourra le ramener dans son pays d’origine, il a oublié ou n’a pas appris les codes de la vie sauvage et ne pourrait pas survivre.
Notre emblème est le lémurien, dont nous avons fêté les premières naissances en 2018. Ils sont sympas, dynamiques, pas agressifs. Mais Disney a commis une grave erreur dans son film Madagascar. Un roi chez les lémuriens, King Julien, est impossible, car ils constituent une société matriarcale. Les mâles sont les derniers dans la hiérarchie.
Avec seulement 1,3 hectare et parfois 600 visiteurs par jour, sans parler du vacarme des avions, les conditions sont très loin d’être idéales. Avec le soutien du canton, nous cherchons à déménager. Notre message? Tous ensemble, nous construirons un monde meilleur.»
>> Pour en savoir plus sur le Bioparc de Bellevue: www.bioparc-geneve.ch
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