Il y a un peu plus d’une année quand, dans la nuit de Lausanne-Malley, la patinoire a explosé de joie après la victoire imprévue d’Ajoie en Coupe de Suisse, le joueur qui venait de marquer le but décisif du 5-3 s’est approché des gradins. Thibault Frossard, émerveillé, est allé chercher son petit garçon. Lenny avait 4 mois, c’était son premier match de hockey. Il en a aujourd’hui 18 et c’est son deuxième trophée. Plus fou encore, celui de champion de Swiss League donne aujourd’hui aux Jurassiens le droit de monter en National League, l’ex-Ligue A. Et Frossard, Jurassien pur jus qui a commencé le hockey au HC Delémont avant d’enfiler le chandail ajoulot dès l’âge de 12 ans, a ouvert le score lors du dernier match, face à Kloten. Il est comme sonné par tant de bonheur: «Tout ce monde, tous ces messages, tout ce canton derrière nous, c’est incroyable.»
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Le jour de la montée, le comité est venu parler aux joueurs deux heures avant le match, dans les vestiaires. Ils avaient trouvé un sponsor, ils pourraient doubler le budget à 7 millions: si l’équipe gagnait, le club accepterait d’être promu. «Il y a eu des larmes chez plusieurs joueurs, dont moi. C’était un rêve de gosse. Depuis tout enfant, par mon père, je suis nourri à Ajoie.» Il s’est soudain souvenu être allé à la patinoire de Berne avec son amie, il y a quelques années: «Je n’aurais jamais pensé y jouer un jour, y emmener mon fils.»
A 28 ans, il a grandi avec l’équipe. Pendant plusieurs années, il n’appartenait qu’à la quatrième ligne, ne jouait pas toujours. «Dans le vestiaire, j’étais assis entre deux monuments, le capitaine Jo Hauert et Steven Barras. Je me sentais tout petit.» Aujourd’hui, il fait partie de la légende. «On a du cœur, on est une équipe comme cela, une grande famille.» Lui devra s’organiser. Menuisier de formation, il a ouvert il y a trois ans à Glovelier son propre magasin d’articles de sport. «Pour moi, avoir ce travail est une force, qui me change les idées. J’ai deux employés géniaux; grâce à eux, ma priorité peut être le hockey. Maintenant, avec toute l’intensité de la National League, je vais voir quelle solution trouver.» Et puis il oublie, imagine les patinoires de Berne, de Fribourg, de Lausanne: «Je ressens une telle excitation. Non, j’ai hâte d’y être!»