C’est à Prague, cette ville de ponts, que Jil Teichmann a franchi un cap. Gauchère aux faux airs nordiques, elle a aligné huit succès en huit jours jusqu’à ce dernier point lâché en finale face à la Tchèque Karolina Muchova et cette célébration les bras en croix sur la terre ocre, la surface qu’elle préfère, tout comme Nadal, son joueur favori.
Jil Teichmann n’avait jamais gagné de tournoi WTA. Elle n’avait jamais été finaliste. Ni demi-finaliste. Ni même quart-de-finaliste. A dire vrai, depuis cinq ans et son entrée dans le circuit, la plus catalane des Biennoises avançait sans heurts ni tintamarre, rien à voir avec l’irruption bigarrée d’une Martina Hingis, avec qui on compare chaque joueuse suisse en passe de percer.
Louche d'Espagne
Il y a une louche d’Espagne dans ce succès. Fan du Barça, la joueuse est née en 1997 à Barcelone. Ses parents, des Zurichois, étaient tombés amoureux de la ville de Gaudí après y avoir passé leurs vacances. Jacques, le père, y a trouvé un poste et la famille y a vécu pendant quinze ans. Avec son frère, Jil a suivi l’école suisse. Elle y a appris le Schwyzerdütsch, une des cinq langues qu’elle parle.
Le tennis, elle l’a connu au tennis-club barcelonais où ses parents étaient inscrits. «Nous y passions nos week-ends. En Espagne, les clubs sont plus grands, conçus pour les familles, avec terrain de foot, piscine, centre de fitness. Ma mère nous disait: «Amusez-vous bien, on se voit à 14 heures pour manger...»
Le sport comme un plaisir naturel
Le sport vécu comme un plaisir naturel, elle a continué à le pratiquer quand ses parents sont revenus en Suisse, à Bienne. Elle avait 14 ans. C’est dans ce fief de la balle jaune, avec la proximité du centre national, qu’elle a grandi jusqu’en 2016. Elle est ensuite retournée à Barcelone, d’abord coachée par l’ex-entraîneur du joueur Tommy Robredo. Puis, depuis six mois, par l’Espagnol Alberto Martin, qui appartint aux 50 premiers mondiaux.
Pour Jil, cette folle victoire change la donne. «Elle a toujours eu de bons coups et une belle base athlétique, glisse Heinz Günthardt, son entraîneur en Fed Cup. Mais elle offrait des points dans les moments importants. Elle peut aujourd’hui vite devenir une tout autre joueuse.»