Souvent, la vie n’est pas tendre. Parfois, elle bascule lorsque la maladie frappe, qu’un handicap survient ou que l’état de santé se dégrade. Une aide peut devenir indispensable pour pouvoir continuer de vivre à son domicile. On peut, d’un jour à l’autre, devenir proche aidant. Comment assumer ce rôle sans se perdre soi-même? Mercedes Pône, responsable du programme vaudois des proches aidants au Département de la santé et de l’action sociale, et Martine Golay Ramel, présidente de l’Association Proche aidant Genève et auteure d’un livre sur le sujet, ont répondu à nos questions.
● Qu’est-ce qu’être proche aidant?
C’est le fait d’apporter une aide régulière à une personne de son entourage atteinte dans sa santé et dans son autonomie. Ce soutien précieux permet au proche aidé de rester à domicile et d’être intégré dans la société. Sans cette aide, la vie à la maison est compromise. Etre proche aidant est rarement un choix. C’est un rôle supplémentaire que l’on doit concilier avec sa vie familiale, professionnelle, etc. C’est une aide que l’on déploie naturellement, par sens du devoir ou par loyauté, raison pour laquelle de nombreux proches aidants ne se reconnaissent pas comme tels et minimisent l’ampleur de la tâche.
C’est une réalité aux multiples visages: l’aide au conjoint atteint de la maladie d’Alzheimer, à son enfant souffrant de handicap, d’une maladie grave comme un cancer, d’une maladie psychique, à son parent, à son voisin vieillissant, voire à son père ou à sa mère alors qu’on est mineur, etc.
● Quelles sont les difficultés de ce rôle?
«Il y a une diversité des situations et des besoins, qui dépendent beaucoup de la pathologie», précise Mercedes Pône. Etre proche aidant est un investissement important en termes de temps, d’abord.
Il y a une multitude de tâches à accomplir qui exigent de nombreuses compétences: les courses, le ménage, la préparation des repas, les tâches administratives, la gestion des finances, les soins à la personne, les rendez-vous médicaux, etc. Cela demande beaucoup d’organisation, de responsabilité et de réactivité face à l’imprévu. Il faut concilier les différentes sphères de sa vie, ménager les autres membres de sa famille, sans s’oublier.
● Quels sont les signes d’épuisement?
Fatigue, baisse de moral, irritabilité, impatience, sensibilité à fleur de peau, troubles du sommeil, perte d’appétit, etc. sont les signes que le proche aidant a atteint ses limites. «Celui-ci se heurte souvent à un manque de reconnaissance du travail effectué et à beaucoup d’exigence de la part de l’aidé», commente Martine Golay Ramel. Le corps s’épuise tandis que la relation à l’autre devient plus tendue. «Si on ne fait rien, c’est la porte ouverte à des négligences et à de la maltraitance, bien malgré soi», alerte Mercedes Pône.
En parler est le premier pas pour s’en sortir. Il ne faut pas hésiter à s’adresser aux professionnels impliqués dans la situation, qu’il s’agisse du médecin traitant, de l’infirmière de liaison, etc. Car, malgré la diversité des situations, ces problématiques sont bien connues des professionnels. Plus on réagit tôt, mieux c’est.
● Comment se faire aider?
«Rester enfermé n’apporte rien de bon», poursuit-elle. Il faut sortir du silence. Chaque canton* dispose d’une ligne téléphonique gratuite, avec un professionnel de la santé ou du travail social au bout du fil.
Toutes les questions, qu’elles soient d’ordre financier, organisationnel (besoin de répit, etc.), émotionnel, relationnel, peuvent être abordées. «Nous aidons les proches aidants à faire le point et à comprendre leurs besoins. Nous les aiguillons vers les aides existantes pour une réponse à la carte.»
● Comment soutenir un proche aidant?
Il est important d’ouvrir un espace de parole et de faire part de ses observations, mais en toute bienveillance. Au-delà des aides financières possibles (rente d’impotence pour l’aidé), il existe des consultations psychologiques pour les proches aidants. Accompagner un proche dont l’état de santé ne s’améliore pas peut engendrer beaucoup de souffrance et de culpabilité. «Chacun a un chemin à faire pour dépasser ce qui peut s’apparenter à une torture morale», note Mercedes Pône.
Les associations de proches aidants aussi sont des lieux d’échange. Enfin, il existe des ateliers spécifiques pour les proches aidants: on apprend à demander et à recevoir de l’aide, à préciser ses besoins, à faire confiance aux professionnels, etc.
● Quel sens donner à ce vécu?
En plus des multiples compétences que l’on acquiert, il peut y avoir une certaine satisfaction à aider l’autre. «Mais il faut garder la juste distance», prévient Martine Golay Ramel. Un tel investissement exige beaucoup d’humilité et de persévérance; «l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, si bien que l’accompagnement peut durer vingt à trente ans», souligne-t-elle.
«Malheureusement, nous devons encore lutter pour faire reconnaître l’importance des proches aidants et les économies sur le système de santé réalisées grâce à eux», conclut-elle.
* Les cantons de Vaud et de Genève délivrent une carte d’urgence pour proches aidants qui permet de déclencher un système d’aide auprès de l’aidé en cas d’urgence personnelle.
>> Plus d’informations sur www.journee-proches-aidants.ch
>> Le livre: «Les proches aidants», de Martine Golay Ramel, Ed. Jouvence, 2011.
** Article rédigé en collaboration avec Planète Santé, www.planetesante.ch