«Aujourd'hui tout va bien, il y a du soleil. Je n'ose pas trop m'avance mais je ne connais personne d’autre en Suisse romande qui soit spécialisé dans la production de verdures, branchages, conifères, baies. Je dois aussi être la seule à ne proposer que des végétaux d’origine 100% locale et de saison, sans aucun traitement chimique. Dès que je me suis lancée, j’ai fait ce choix radical de ne prendre que de la matière première suisse. C’était un peu culotté mais mon travail devait être en lien avec mes valeurs.
Au final, mes clients apprécient ma démarche. Acheter des roses rouges en février pour la Saint-Valentin, c’est pareil que de manger des fraises en hiver. La plus grande plaie, ce sont les eucalyptus. Ils sont issus de cultures intensives du Portugal ou d’ailleurs, appauvrissent les sols, sont inflammables. Une catastrophe, qu’il faudrait arrêter. L’importation a un gros impact sur les producteurs suisses qui, pour la majorité, ont dû arrêter.
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Mon métier de base, c’est fleuriste. Ma mère se souvient que, quand nous allions à notre chalet, du côté de Ravoire (VS), j’adorais déjà ramasser des petites fleurs ou concocter des soupes avec des plantes. Je viens du Grand-Saconnex (GE), à la limite de la ville et de la campagne. J’ai fait mon école à Lullier (GE) et commencé à travailler à Genève mais j’ai fini par arrêter, en partie parce que la marchandise venait des quatre coins du monde.
Ensuite j’ai cherché un projet à la campagne, une ferme où je puisse travailler avec la terre. Un jour, une copine m’a appelée: «J’ai vu un truc, c’est pour toi!» C’était ici. Cela n’a d’abord pas été facile de convaincre l’ancien patron, qui voulait remettre. Je suis une petite femme, j’ai eu beau montrer que je me débrouille bien partout et que je suis autonome et polyvalente, rien n’y a fait. Avec l’aide de mes parents, j’ai finalement réussi et je m’y suis mise. C’était il y a dix ans, j’avais 30 ans. C’est mon projet de vie, je sens que je suis à ma place.
Il y a eu beaucoup de tâches au début. J’ai dû m’imprégner du lieu, apprendre sur le tas. J’entretiens 3 hectares de nature dense et foisonnante, avec pas loin d’une centaine de variétés. Je l’appelle ma petite jungle. Bouleaux, châtaigniers, hêtres, spirées, forsythias, saules, il y en a pour toutes les saisons. Cette biodiversité amène beaucoup d’animaux. Des chevreuils, des sangliers, des oiseaux, des insectes. J’ai des surprises qui sont autant de petites victoires. J’apprends, je fais des recherches dans des livres. Aujourd’hui, je viens de voir un orvet.
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Mon travail quotidien commence vers 7 ou 8 heures du matin. Je monte sur mon petit tracteur et je pars ramasser selon les commandes des fleuristes. C’est un travail physique. Ces dernières années, je suis allée pas loin de l’épuisement et je fais désormais plus attention à moi. Si je fais des bouquets, j’essaie de sortir de l’ordinaire. Je me laisse porter par ce que je vais trouver dans la pépinière et ce que la nature propose.
Récemment, j’ai ressenti de la révolte, celle qui concerne les métiers verts en lien avec la terre. Avec un gain de 9000 francs par an, soit environ 4 francs de l’heure, il y a des moments où je ne sais plus comment faire. Je suis seule, sans aide, et mon métier n’est pas considéré, mal valorisé. On me demande de m’aligner sur des prix impossibles; on m’a parfois refusé des produits juste parce qu’ils étaient à des coûts équitables. Alors, comme j’avais ce sentiment d’être nue avec un couteau sous la gorge, j’ai posé ainsi sur Instagram, à torse nu et de dos, avec ma tronçonneuse... J’ai eu beaucoup de retours touchants, je me sens encouragée. Ce métier me tient tellement à cœur, j’ai envie de continuer.»
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