Du haut de sa malice, Alfred Hitchcock estimait que le hockey sur glace était un savant mélange de glisse acrobatique et de Seconde Guerre mondiale. Pour l’actrice Caroline Le Brun, le hockey, c’est plutôt comme l’amour: «Tu te fais plaquer et tu ne sais pas pourquoi.» Quand on lui soumet ces deux citations, Stéphanie Mérillat part de son légendaire éclat de rire, qu’un Biennois digne de ce nom reconnaît au premier son. Car cette maman d’une petite Elsa (6 ans et demi), de corvée de lessive lorsqu’on lui a téléphoné pour prendre rendez-vous, est plus connue que le loup blanc à «Swatchville», surnom de la cité horlogère.
Et pour cause, avec Vicky Mantegazza, la présidente-mécène du HC Lugano, elle est l’autre figure féminine de la National Swiss Hockey League. Et pour cette quinqua réputée pour son franc-parler, pas de doute: le hockey, c’est l’amour! Celui du HC Bienne qu’elle a hérité de son grand-père, Mario, puis de son père, Serge, des piliers du Stade de Glace, du nom de l’ex-Tissot Arena. «On a le club dans le sang et ça se transmet de génération en génération», confirme-t-elle, avant de pousser le puck à la limite du hors-jeu. «Pour être franche, deux choses provoquent les plus grandes émotions en moi: le hockey et le sexe!» C’est dit. Aux commandes depuis une dizaine d’années de l’importante agence immobilière familiale trônant au centre-ville, les formules, elle connaît.
«En mode Poutine-Medvedev»
Francophone et fière de l’être dans une ville à 80% alémanique, c’est aussi pour défendre cette minorité et cette identité qu’elle s’est engagée. «Le soir du retour en LNA, le 8 avril 2008, légèrement éméchée, j’ai pesté contre le fait qu’on ne parlait qu’allemand au sein du club. Sur quoi un membre du conseil d’administration m’a lancé: «Viens bosser avec nous plutôt que râler.» Ni une, ni deux, Stéphanie Mérillat a pris le puck au rebond. «Au début, les gens me regardaient avec un certain scepticisme. Genre «on t’attend au contour ma belle, mais surtout, évite de faire l’hystérique qui veut tout chambouler». Comme l’oiseau, j’ai fini par faire mon nid dans cet univers 100% masculin.»
Dix ans plus tard,elle fait partie du paysage. Mieux, cette passionnée de jazz est montée en grade et joue désormais dans le premier registre: vice-présidente sur le papier mais coprésidente dans les faits. Une direction bicéphale, aux côtés de Patrick Stalder, dont elle prendra le leadership d’ici à deux ou trois ans. Mais pas question pour la chanteuse du groupe de l’école de musique de Satigny de jouer en solo. «On continuera à fonctionner à la mode Poutine-Medvedev. Avec l’arrogance et la violence en moins», s’esclaffe-t-elle.
Aujourd’hui, Stéphanie Mérillat assure tous les rôles. Supportrice, dirigeante, relation publique, sponsor, confidente des joueurs et membre des donateurs. Impossible toutefois de savoir combien sa société injecte dans le club. Elle non plus n’a pas la mémoire des chiffres, clin d’œil à Christian Constantin, un président qu’elle admire «parce qu’il dit ce qu’il fait, fait ce qu’il dit et assume». Non, c’est plutôt de la gestion paternaliste de feu Gilbert Facchinetti que s’inspire Madame la coprésidente.
En deux mots, un petit mot gentil et la bise à tout le monde. «Chez nous, penser, comme CC, que le nombre d’administrateurs doit correspondre à un chiffre impair inférieur à trois et diriger le club depuis sa baignoire ne marcherait pas. Ce n’est pas notre style», confie dans un énième éclat de rire l’ancienne marketeuse de Swatch Group mais aussi de l’Union européenne de football (UEFA, de 1996 à 2000). «Avec un conseil de six membres, bénévoles et engagés pour la région, nous misons au contraire sur la sérénité et la stabilité, poursuit-elle.
Notre identité locale et notre vision commune nous donnent une crédibilité auprès des sponsors et entretiennent une relation de confiance capitale avec eux», assure notre mamie hockey. Confiance fondamentale en effet, puisque les sponsors et les donateurs représentent 60% des 16,5 millions de francs du budget de la saison en cours.
«Le titre? C’est pour bientôt!»
«C’est à peine le tiers du budget du CP Berne (56 millions), qui vit à 40 km de chez nous», s’empresse de préciser Stéphanie, histoire de souligner combien il est compliqué de faire vivre et prospérer le HCB, à l’ombre de ce grand voisin. «Nous devons sans cesse être créatifs pour attirer de nouveaux sponsors, de nouveaux donateurs, de nouveaux fans. Notre zone d’influence s’étend jusqu’au Jura bernois, Porrentruy, en passant par Tramelan et Saint-Imier. L’objectif est d’aspirer les meilleurs jeunes vers la Tissot Arena», explique la passionaria des Rouge et Jaune, convaincue que l’avenir du club passe par la formation.
Et ça marche. L’an passé, le HCB a bouclé l’exercice avec 240 000 francs d’excédent de recettes, des affluences en hausse (5300 spectateurs de moyenne) et, cerise sur le gâteau, une participation à la demi-finale des play-off, niveau que le club n’avait plus atteint depuis vingt-huit ans.
«Le titre? Pour bientôt j’espère. Mais avant d’y songer, il s’agit d’abord d’asseoir notre position dans le haut du classement dans la continuité», estime la dynamique dirigeante, ancienne GO du Club Med, une activité qui l’a libérée, dit-elle. «Jusque-là, j’étais complexée, renfermée. Je fuyais les potentiels petits copains et j’étais obnubilée par mes études et mes bouquins.
Puis, au fil des spectacles en public, j’ai fini par oublier mes rondeurs et par accepter le regard des autres.» Un vrai déclic pour celle qui se qualifie d’insatisfaite chronique mais aussi d’optimiste impénitente. Un état d’âme qui la pousse à croire en un avenir radieux pour son club de cœur. «Et quand Stéphanie a quelque chose dans la tête, elle ne l’a pas ailleurs», nous glisse un confrère local. Berne, Zurich, Davos et Lugano, le «big four» du hockey helvétique, sont prévenus…