«Une simple citoyenne peut faire bouger les lignes»
Estelle Revaz
Estelle Revaz, PS (GE)
34 ans, violoncelliste, artiste indépendante, auto-entrepreneuse et déléguée pour le PSS Femmes
Août, un samedi de canicule. Les passants, accablés par la chaleur, ne prêtent que peu d’attention à ce petit camion de pompiers aux couleurs du PS garé sur le parvis de l’église. Jusqu’à ce que les premières notes de la «Valse sentimentale» de Tchaïkovski s’échappent du violoncelle d’Estelle Revaz.
Un concert pas tout à fait comme les autres, car la camarade Revaz est en lice pour les élections fédérales. «Nous avons imaginé ce «culture truck» pour mettre en avant le thème de la culture dans la campagne», explique la candidate socialiste, réfugiée à l’ombre d’un arbre.
A l’origine de son engagement en politique, «un pari fou, celui d’une simple citoyenne montée à Berne» pour faire changer la loi. En 2020, pendant la pandémie de covid, la culture est déclarée non essentielle par le Conseil fédéral. Alors que les annulations de représentations pleuvent en cascade, l’artiste refuse de rester les bras croisés. «Nous, les acteurs culturels, avons été empêchés de travailler par l’Etat sans que celui-ci prévoie de nous indemniser», déplore la musicienne de 34 ans, originaire de Salvan (VS). La concertiste fédère alors une coalition transpartisane avec des poids lourds de la politique comme Samuel Bendahan (PS), Christian Lüscher (PLR), Fabio Regazzi (Le Centre) ou encore Céline Amaudruz (UDC) afin que les 300 000 acteurs culturels de Suisse soient indemnisés. Une épreuve de force pour celle qui avoue qu’elle ne connaissait rien au fonctionnement de la politique fédérale et un succès, racontés dans son livre «La saltimbanque» (Ed. Slatkine), paru en septembre.
Estelle Revaz aurait pu s’arrêter là. C’est mal la connaître. Convoitée par le PLR, le Centre et le PS, elle rejoint les couleurs socialistes à l’automne 2021 et annonce sa candidature au Conseil national en mai 2023. A ceux qui craindraient de ne la voir se consacrer qu’à des thématiques culturelles, elle rétorque: «Je suis auto-entrepreneuse, indépendante à 100%. Ma première priorité est de garantir un filet social accessible à toutes et à tous, indépendamment du statut. L’égalité hommes-femmes, les violences faites aux femmes ou encore les défis posés par l’intelligence artificelle sont aussi au centre des mes préoccupations.»
Sourire aux lèvres, les yeux qui s’embrasent, elle conclut: «Avec mon histoire, j’ai pu montrer qu’en Suisse une simple citoyenne peut faire bouger les lignes. Si le fil rouge de ma vie reste la musique, l’engagement politique est devenu une passion. Une flamme s’est allumée.» Et elle n’est pas près de s’éteindre.
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«Pourquoi pas le Conseil fédéral un jour?»
Marie-Bertrande Duay
Marie-Bertrande Duay, UDC (VS)
27 ans, avocate stagiaire, présidente des Femmes UDC romandes et de la section communale de Martigny
Lorsque la présidente des Femmes UDC romandes arrive à la salle centrale de Monthey tout de vert vêtue, on ne peut s’empêcher de lui demander si elle a changé de bord politique pendant la nuit. Elle rit: «Figurez-vous que le vert est aussi la couleur de l’UDC. Le vert clair, le vert foncé et le soleil.» Accompagnée d’un camarade du parti, elle prépare la salle, dispose chaises, tables et podium pour la tenue de deux débats opposant des jeunes politiciens du canton. «On peut se montrer virulents lors de ces joutes oratoires, mais après on se retrouve autour d’un verre, assure-t-elle. C’est convivial, c’est aussi ça qui me plaît dans les campagnes.»
Depuis son adhésion au parti en 2018 – «J’ai signé à la Foire du Valais» –, cette avocate stagiaire de 27 ans est de toutes les élections: Conseil national, Grand Conseil, communales. Et c’est sur la liste Jeunes UDC du Bas-Valais qu’elle se présente au National cette année. «J’aime m’engager et ce, depuis toute petite. A 4 ans déjà, j’avais décidé que je ferais l’armée. A l’école, je participais à toutes les élections de déléguée de classe. Je pense que j’ai un potentiel pour apporter de l’énergie, trouver des solutions et me mettre au service de causes.»
Elle fut notamment l’un des visages de deux initiatives visant à restreindre le droit à l’avortement qui n’ont pas abouti, en juin dernier. Issue d’une famille «de droite, conservatrice et chrétienne», d’un père valaisan et d’une mère libanaise, Marie-Bertrande Duay trace sa route tout en reconnaissant qu’il faut parfois avoir le cuir épais pour faire de la politique. «J’ai reçu des critiques après mon passage dans l’émission «Infrarouge» sur le féminisme. On s’est moqué de mon accent, de ma façon de m’exprimer. Mais tant qu’on ne m’attaque pas sur le fond, ça ne m’atteint pas vraiment.» Avec l’un de ses demi-frères, le débat peut être vif aussi. «Il est persuadé que l’UDC est xénophobe et raciste. Il me dit qu’en étant à moitié Libanaise je devrais avoir honte d’être dans ce parti. J’ai beau lui expliquer tout notre programme, rien n’y fait. Ma foi, on est un peu têtus, dans la famille.»
Si ses chances d’être élue à Berne sont «mathématiquement faibles», la jeune femme engrange de l’expérience, avec l’espoir peut-être de figurer sur la liste des «grands» en 2027. Et, tant qu’à rêver, pourquoi pas le Conseil fédéral. «Enfant, j’ai rencontré Pascal Couchepin à Martigny. Il était avocat et conseiller fédéral, je me suis dit que je voulais suivre son exemple. Je suis en passe de devenir avocate. Alors pourquoi pas le Conseil fédéral un jour?»
«Pas question d’opposer économie et écologie!»
Céline Dind
Céline Dind, Vert’libéraux (VD)
30 ans, membre du comité de la section Grand Lausanne
Titulaire d’un master en sciences pharmaceutiques, Céline Dind a contracté jeune le virus de la politique. D’abord observatrice attentive, elle décide, ses études achevées, de passer à la pratique en se présentant au Conseil communal de Lausanne en 2021. Non élue, la jeune femme garde néanmoins un excellent souvenir de cette première expérience, qui lui donnera envie de tenter sa chance à l’élection au Grand Conseil vaudois de 2022.
Nous la rencontrons à l’occasion du marché du samedi de la capitale vaudoise. La place de la Palud est encore presque déserte lorsque Céline et ses camarades des Jeunes Vert’libéraux montent leur stand. Si, au moment d’approcher les premiers passants, on décèle une certaine nervosité, voire timidité chez la jeune femme, son large sourire et son enthousiasme prennent rapidement le pas. Les gens s’arrêtent, échangent quelques mots, repartent avec un tract.
Au cœur des préoccupations de cette passionnée de randonnée, la lutte contre le changement climatique. Pour autant, ne vous attendez pas à la voir la main collée sur le bitume ou sur un plateau de télévision: «Il m’est arrivé de participer à quelques grèves pour le climat, mais je suis convaincue qu’il est possible de changer les choses dans le cadre du débat démocratique, même si cela prend du temps.»
Instaurer une économie circulaire et locale, encourager les circuits courts, produire de l’énergie propre, préserver la biodiversité ou encore développer l’agroécologie, Céline Dind en est persuadée, une transition écologique réussie rime nécessairement avec innovation: «En Suisse, nous disposons de plusieurs campus d’excellence – dont bien sûr l’EPFL – que le monde entier nous envie. Cette innovation permanente nous permet et continuera de nous permettre d’apporter des solutions technologiques aux problèmes soulevés par la crise climatique.»
Lorsqu’elle arpente les montagnes, Céline Dind n’oublie jamais son appareil photo, avec lequel elle capture le paysage, mais également la faune et la flore. «La nature, de par sa beauté et sa tranquillité, me ressource énormément et renforce encore mon envie de la préserver», indique-t-elle. Et lorsqu’une fête de famille ou l’anniversaire d’un ami se profile, la candidate au Conseil national se mue en talentueuse pâtissière. Des réalisations, dont certaines sont visibles sur sa page Instagram, qui n’ont rien à envier à celles des pros.
«Un assainissement de l’AVS est indispensable!»
Carole Baschung
Carole Baschung, Le Centre (FR)
36 ans, députée au Grand Conseil
Cheffe d’équipe responsable de la clientèle privée et commerciale au sein d’une banque suisse, présidente du club TV Murten Volleyball, députée, Carole Baschung vit à 100 à l’heure. Et c’est auprès des autres que cette native de Morat puise son énergie: «Je suis une femme extravertie et j’aime par-dessus tout travailler en équipe. Il n’y a que comme ça que l’on peut atteindre les objectifs que l’on se fixe, qu’importe le domaine», nous confie celle qui joue au volleyball depuis sa plus tendre enfance, ayant même à une époque fait partie de la première ligue.
Le 17 septembre dernier, la députée centriste avait convié ses soutiens dans sa ville natale, plus précisément à la… porte de Berne. Un lieu au nom évocateur qui, elle l’espère, lui portera chance. Au programme de cette journée ensoleillée aux faux airs de vacances, une partie de pétanque, pratique moins acrobatique que le kitesurf (un autre sport pratiqué par Carole Baschung) pour laquelle la jeune femme s’est avérée plutôt douée.
Spécialiste des questions de prévoyance, Carole Baschung se dit préoccupée par l’état actuel de notre système social: «Alors que la génération des baby-boomers arrive à la retraite, un assainissement de l’AVS me semble indispensable. Idem pour le 2e pilier, dont le montant est parfois dérisoire, sans compter le fait que de nombreux citoyens n’ont pas constitué de 3e pilier», s’alarme la députée, qui espère pouvoir défendre à Berne une politique de soutien des modèles familiaux égalitaires.
«Notre rôle n’est pas d’imposer une vision ou de juger les configurations qui s’en écarteraient. Néanmoins, on sait que ce sont encore majoritairement les femmes qui, une fois devenues mères, réduisent leur temps de travail et, avec lui, le montant de leur prévoyance professionnelle.» Des pistes d’action? «Un meilleur soutien financier et organisationnel des crèches», plaide celle qui souhaiterait voir la Suisse s’inspirer davantage du modèle scandinave, réputé comme étant le plus égalitaire du monde.
Si la famille fait partie des thèmes majeurs de la campagne de Carole Baschung, elle tient également une place centrale dans sa vie personnelle: «Je suis très proche de mes parents et de mes frères et sœurs. J’ai également deux neveux que j’adore et j’espère fonder moi-même ma propre famille, même si je n’ai pas encore trouvé la perle rare», nous confie-t-elle, malicieusement.
«Je me suis engagée en politique à cause ou grâce au covid!»
Caroline Juillerat
Caroline Juillerat, PLR (NE)
42 ans, entrepreneuse, déléguée au centre-ville et aux commerces pour la ville de Neuchâtel et députée au Grand Conseil neuchâtelois
Ce jeudi 21 septembre, en fin d’après-midi, nous sommes accueillies au cœur du quartier de Serrières par une Caroline Juillerat sollicitée de toutes parts à l’heure des derniers préparatifs avant le coup d’envoi de la soirée mensuelle du Jeudi Oui, rendez-vous bien connu des Neuchâtelois que l’entrepreneuse a cofondé en 2019.
A mi-chemin entre la fête de quartier traditionnelle et l’événement culturel, chaque Jeudi Oui prend place dans un secteur différent de la nouvelle commune fusionnée de Neuchâtel. «Nous avions envie de faire rayonner l’ensemble des acteurs socioculturels et économiques de la ville d’une part, et le patrimoine historique et architectural des différents secteurs de la commune d’autre part. Le dernier jeudi de chaque mois, à l’occasion des nocturnes, on demande aux commerçants d’ouvrir leur porte et nous, on s’occupe du reste!» nous indique, enthousiaste, la patronne du bar La Boissonnerie. Au programme ce soir-là, stands de restauration, projection de courts métrages, concerts ou encore visite guidée du quartier des usines, autrefois fief du chocolatier Suchard. Et, malgré la pluie, habitués mais aussi soutiens politiques ont répondu présent.
Lorsqu’on interroge Caroline Juillerat au sujet de son entrée en politique, elle évoque immédiatement la pandémie de Covid-19: «A cette époque, j’étais coprésidente de GastroNeuchâtel. Dans ce cadre, j’ai été amenée à prendre de nombreuses responsabilités afin de pouvoir sortir au plus vite de cette crise mais aussi soutenir les acteurs de l’hôtellerie et de la restauration.» Une période éprouvante et émaillée de tensions durant laquelle Caroline Juillerat se découvre une véritable passion pour la politique.
Elue au Grand Conseil neuchâtelois en 2021, Caroline Juillerat souhaite désormais mettre en pratique sous la Coupole son slogan de campagne: «Agir plutôt qu’attendre». Ses chevaux de bataille? La formation professionnelle duale ainsi que la lutte contre la bureaucratie excessive. «Aujourd’hui, un jeune va changer en moyenne une dizaine de fois d’emploi. Pour les entreprises, il faut donc trouver cette personne, la former tout au long de sa carrière et de ses changements professionnels. Or comment voulez-vous y parvenir si vous êtes littéralement noyé sous une pile de paperasse et que vous n’avez même plus le temps de faire votre propre métier?» se désole celle qui parle par expérience.
«La lutte pour le climat doit être sociale»
Pauline Godat
Pauline Godat, Les Vert-e-s (JU)
34 ans, psychothérapeute, coprésidente des Vert-e-s Jura, première vice-présidente du parlement jurassien
«C’était quoi, la question, déjà?» demande Pauline Godat entre deux gorgées de jus de raisin pétillant. Attablées sous une tente du marché bio de Saignelégier, difficile de s’entendre, avec l’irruption d’une fanfare itinérante juste derrière la candidate verte qui brigue un siège non seulement au National, mais aussi au Conseil des Etats. Pas évident non plus de garder le fil de la conversation lorsqu’on se promène devant les stands. Les «Salut!» fusent, le tutoiement, forcément, est de rigueur, à chaque poignée de main. La Franc-Montagnarde de 34 ans est chez elle, en terrain conquis. «Presque, nuance-t-elle. Il n’y a pas que des écolos ici, mais le public est sensible à la cause.»
C’est la deuxième fois que cette psychologue, habitant au Bémont, se présente à Berne. En 2019, elle avait créé la surprise en terminant quatrième de la course à la Chambre haute. «J’ai sans doute profité de la vague verte, j’étais une femme et j’étais jeune», analyse-t-elle. L’année suivante, aux élections cantonales, elle raflait le deuxième siège vert dans le district des Franches-Montagnes, le premier revenant à son frère Ivan Godat, réélu pour la seconde fois. «C’est un peu atypique de siéger avec son frère au parlement jurassien, mais on s’y habitue. On a siégé côte à côte durant deux ans. Plus maintenant, car je suis première vice-présidente. Je le vois depuis le perchoir», s’amuse-t-elle.
Chez les Godat, la politique est une affaire de famille avec un grand-père socialiste et un père, Hubert Godat, qui fut l’un des premiers députés écologistes du canton. La conscience écologique, aussi. «Ma sœur gère un projet de maraîchage bio en Ajoie. J’y ai travaillé à temps partiel durant cinq ans, à côté de mon activité de psychologue. C’était complémentaire, la terre, la tête.» Mais celle qui est devenue maman en début d’année a dû renoncer à travailler à la ferme. «Il a fallu faire des choix, j’ai gardé la politique et mon cabinet.»
Après une percée historique, lors des élections fédérales de 2019, son parti serait en perte de vitesse, selon les sondages. De quoi l’inquiéter? «Non. On traverse une période compliquée, avec la guerre en Ukraine, l’inflation et la hausse des primes d’assurance maladie. Beaucoup de sujets ont fait de l’ombre au climat, même si, cet été, il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte de l’urgence climatique. Cette lutte doit se faire dans un esprit social, de justice et d’égalité, car ce sont les plus défavorisés qui paient le prix du réchauffement climatique, ici ou ailleurs.»