L'insuffisance cardiaque est une maladie qui touche 2% à 3% de la population et avance souvent masquée. Il est donc important de reconnaître les signes annonciateurs et ceux qui devraient nous alerter. On oublie les idées reçues, et on reste en alerte.
- L’insuffisance cardiaque est-elle le signe d’un cœur usé par le temps?
Non. Cette idée reste répandue, mais l’insuffisance cardiaque n’est pas un fait inéluctable. Plus qu’une pathologie en soi, elle constitue un syndrome pouvant résulter de multiples causes. La plus fréquente est la présence d’une maladie des artères coronaires (athérosclérose) ayant provoqué un infarctus du myocarde. A noter également: les maladies des valves cardiaques, du muscle cardiaque lui-même ou encore les arythmies et l’hypertension artérielle. Toutes ces pathologies peuvent aboutir à un même résultat: le cœur ne parvient plus à générer un débit sanguin suffisant ou alors seulement au prix de l’activation de mécanismes de compensation. Parmi lesquels: une accélération du rythme cardiaque, un réflexe de vasoconstriction ou encore des stimulations hormonales permettant une réabsorption d’eau et de sodium par les reins. En accroissant le volume de liquide dans la circulation, ce processus de réabsorption permet au muscle cardiaque de mieux se contracter. Le problème: à terme, tous ces mécanismes de compensation finissent par épuiser le cœur. - Quels en sont les symptômes caractéristiques?
Les premiers signes de l’insuffisance cardiaque sont généralement un essoufflement et une fatigue excessifs lors d’efforts. Progressivement, l’essoufflement apparaît même au repos, et plus encore en position allongée. En cause: le volume accru de liquide dans la cage thoracique, activé pour compenser le trop faible débit cardiaque. La présence d’œdèmes au niveau des jambes doit également alerter. L’insuffisance cardiaque survenant le plus souvent chez le sujet âgé, ces symptômes sont fréquemment banalisés par la personne elle-même et ses proches. L’essoufflement par exemple est volontiers mis sur le compte de l’âge, et des stratégies sont mises en place pour éviter tout effort. L’ascenseur sera ainsi systématiquement privilégié aux escaliers. Or le réflexe doit bel et bien être de prendre rendez-vous avec son médecin généraliste ou un cardiologue. - Comment s’établit le diagnostic?
L’échange avec le médecin (anamnèse) vise à passer au crible les symptômes caractéristiques et les facteurs de risque en présence. Il est complété par un examen clinique, un électrocardiogramme et un bilan sanguin complet. Ce dernier permet notamment de doser un biomarqueur de l’insuffisance cardiaque. Son nom: le peptide natriurétique de type B (BNP, ou son dérivé, le NT-proBNP). Son site de production: le ventricule gauche, en particulier en cas d’augmentation des pressions dans le cœur. Faiblement présent dans le sang, ce peptide exclut presque à lui seul un diagnostic d’insuffisance cardiaque. Si son taux est élevé, en revanche, les investigations doivent se poursuivre auprès d’un cardiologue, qui procédera notamment à une échographie cardiaque. - Quels sont les axes de traitement?
Dès lors que le diagnostic est posé, tout l’enjeu est d’en comprendre la cause et, autant que possible, de la traiter. Si l’insuffisance cardiaque résulte d’un rétrécissement d’une artère coronaire, par exemple, une angioplastie permettra de rétablir un flux sanguin normal vers le cœur. Si elle est liée à une hypertension artérielle, traiter cette cause par le biais d’un traitement efficace pourra suffire à endiguer le syndrome. Mais toutes les situations ne sont pas réversibles. L’insuffisance cardiaque nécessite généralement un traitement complexe associant de nombreux médicaments. Dans des cas extrêmes, et si la situation le permet, la pose d’un dispositif d’assistance ventriculaire ou une greffe cardiaque peuvent être envisagées. - En amont de tout cela, y a-t-il un moyen de prévenir l’insuffisance cardiaque?
Absolument, en agissant en particulier sur les facteurs de risque cardiovasculaires. Les sept principaux sont le tabagisme, l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol, la surcharge pondérale, l’inactivité physique, le diabète et le stress. Si l’on n’agit pas sur ces leviers, il sera difficile d’infléchir l’augmentation des cas d’insuffisance cardiaque. Or beaucoup de chemin reste à parcourir pour s’y attaquer vraiment... Il s’agit d’un problème de santé publique dont la responsabilité s’avère autant individuelle que collective.
Bon à savoir
Ennemi numéro un
Surtout pointé du doigt par les campagnes de prévention pour son indéniable implication dans la survenue du cancer du poumon, le tabac constitue également l’un des pires ennemis du cœur. «Si tout le monde arrêtait de fumer, le nombre d’infarctus chuterait de façon spectaculaire. Avant, pendant et après un événement cardiaque, une aide à l’arrêt du tabac est donc primordiale», alerte le Dr Philippe Meyer, responsable de l’Unité d’insuffisance cardiaque et de réadaptation cardiaque aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).