Prendre la route du val Onsernone, à partir du village de Cavigliano, au nord de Losone, c’est comme changer de monde. Que cette vallée est escarpée, rude, farouche! Pourtant, il y a cent cinquante ans, 3200 Tessinois vivaient sur ces versants abrupts. Ils ne sont plus que 750 aujourd’hui, nous informe notre chauffeur, Ilario Garbani, prof d’école, mais à mi-temps seulement depuis qu’il s’est créé un autre temps partiel en ressuscitant l’or jaune foncé du val Onsernone: la farina bóna.
Concurrence italienne
Ce passionné profite du trajet tout en lacets serrés pour nous dispenser une leçon d’histoire: durant trois siècles, jusqu’à la fin du XIXe, c’est le tressage de la paille de seigle qui assurait à ces montagnards une certaine prospérité dont témoignent aujourd’hui encore de superbes demeures patriciennes. Toute la Lombardie ne jurait que par ces tresses, ces chapeaux, ces corbeilles tessinoises. Mais la concurrence italienne, argovienne et asiatique avait fait s’effondrer les prix dès les années 1870.
Le seigle et sa farine font alors place au maïs et sa farina bóna. Changement de céréale, mais pas de méthode. Car le seigle, moissonné encore vert pour faciliter le tressage de ses tiges, était torréfié pour conserver ses grains immatures. Les habitants de Loco, de Vergeletto et des autres villages appliquent alors cette méthode de conservation aux nouveaux grains jaunes, pour en tirer ensuite une farine qu’ils qualifient de «bonne».
Disparition
Cette nouvelle farine disparaît dans les années 1970. Les moulins tombent en ruine. Les secrets de fabrication, notamment de la torréfaction, disparaissent avec les plus anciens des autochtones. Mais grâce à ses efforts et à ses enquêtes auprès des derniers témoins vivants, le professore Garbani va sauver, avec l’aide du musée local, ce produit du terroir de l’oubli et avec lui deux moulins de la ruine, un à Loco et l’autre à Vergeletto.
«Pour la torréfaction, j’ai déniché à un prix très modeste une machine d’occasion en Italie, qui était utilisée pour le café», se réjouit Ilario Garbani. Les petits magasins comme les grands distributeurs jouent le jeu et se vendent cette poudre ocre. Mais les acheteurs hésitent à suivre, car cette farine à l’ancienne demande de la créativité culinaire.
L’essentiel de notre production est donc finalement utilisé dans des mélanges à polenta, avec de la farine de maïs non torréfié.» Ces mélanges (80% de farine conventionnelle, 20% de farina bóna) ont beaucoup de succès en Suisse alémanique. Car la polenta ainsi obtenue se caractérise par un rustique parfum de feu de bois.
Quant à la farina bóna pure, il est conseillé de se reporter aux recettes du site internet, dont nous avons tiré deux exemples (voir ci-dessous). Et pour ceux qui fabriquent eux-mêmes leur pain, signalons-leur, pour avoir tenté avec succès l’expérience, qu’elle se marie délicieusement (à raison de 20%) à la farine de blé.
Deux recettes à la «farina bóna»
Glace à la «farina bóna»
- Ingrédients:
680 g de lait entier
120 g de crème entière 200 g de sucre
30 g de dextrose/glucose (sucre de raisin)
1 jaune d’œuf
40 g de «farina bóna»
- Préparation:
Pasteurisez à 85 degrés tous les ingrédients sauf la «farina bóna». Laissez refroidir. A l’aide du fouet, incorporez la «farina bóna». Mettez dans la sorbetière.
Pannna cotta à la «farina bóna»
- Ingrédients:
500 cl de crème
80 cl de lait
45 g de «farina bóna» 80 g de miel de robinier
- Préparation:
Porter la crème à ébullition. Mélanger la «farina bóna» avec le lait froid en évitant de former des grumeaux, ajouter le miel. Mélanger le tout avec la crème. Laisser chauffer sur feu moyen en tournant continuellement pendant environ 3 minutes. Verser dans de petites coupes et laisser refroidir. Au moment de servir, décorer à sa guise avec du chocolat amer, des fraises ou des framboises.
>> Plus d'infos, de recettes et commande de produits en ligne: www.farinabona.ch