La plupart des sujets qui occupent le débat public n’ont plus rien à voir avec la politique de papa. Finies les approches idéologiques et les questions de gauche ou de droite, bienvenue aux thèmes pragmatiques et sociétaux. L’électeur se demande combien il va perdre si la loi Co2 passe ou si le mariage pour tous l’oblige à repenser son imaginaire familial. La prise en compte des différences devient en effet un thème central. Tout cela peut paraître très individualiste et manquer de souffle collectif. Ce pas constitue pourtant une avancée majeure. On ne mange pas tous la même chose, on ne fait pas tous l’amour avec le même type de partenaire et on ne se sent pas forcément homme ou femme. Les consciences s’en trouvent bousculées, acceptons-le dans une société ouverte où chacun a sa place.
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Ce qui nous braque le plus souvent, c’est de découvrir que nous faisons nous-mêmes partie d’une catégorie bien différenciée des autres. Plus aucun d’entre nous n’est «normal» juste parce qu’il le croit. Quand j’ai dépassé les 50 ans, je me suis rendu compte que mon employeur me traitait différemment en ce qui concerne les règles de confinement. Cela fiche un coup de vieux, mais c’est logique.
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Il faut rester fluide, accepter tout à la fois nos différences et une société qui change à toute vitesse. Dans les médias, la narration doit évoluer pour mieux rendre compte de l’époque. Quand j’ai discuté avec un jeune trans qui m’a expliqué que je ne disais plus «tête de nègre» mais «tête de choco» et que je pouvais donc très bien écrire qu’il avait «transitionné» plutôt que «changé de sexe», j’ai compris deux ou trois trucs en accéléré (merci à lui). Le débat est cependant loin d’être apaisé sur bon nombre de thèmes. On parle souvent avec imprécision de ce qui se transforme, raison pour laquelle les maladresses vont perdurer. Elles ne doivent pas pour autant disqualifier ceux qui les expriment.
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En ce mois des fiertés LGBTQI +, faire la couverture de L’illustré avec deux femmes qui s’aiment tient de l’impératif. D’abord parce que le courage d’accepter d’être un modèle pour ceux qui ont besoin de repères (notamment les plus jeunes) force le respect. Ensuite parce que l’amour, la bienveillance et une main tendue vers l’autre constituent autant de moyens d’emporter l’adhésion. Comme quoi, les belles histoires individuelles ont aussi la capacité de forger le collectif.