«Maman, j’ai besoin d’argent!» On entend souvent cela dans les familles dès le milieu du mois, quand l’argent de poche s’est évaporé. Comment les parents doivent-ils réagir? Ignorer? Ou répondre résolument non à une telle affirmation tout en sachant que leur enfant tapera ses copains ou comptera sur la générosité de ses grands-parents? Il n’est pas rare que les parents soient disposés à céder à cette exigence de rallonge financière. Mais ce choix du gain de paix peut mener à une funeste spirale d’endettement car, dès lors, les enfants n’apprennent pas à gérer leurs petits sous. Une étude indique qu’en Suisse un jeune sur cinq est endetté. Entre 14 et 18 ans, c’est même un adolescent sur trois qui a des dettes et 80% des adultes surendettés ont déjà commencé à accumuler les chiffres rouges avant 25 ans.
Le salaire jeunesse,
une idée suisse
Il vaut la peine d’apprendre précocement à gérer son argent. Le salaire jeunesse est un outil efficace pour ce faire. Certes, il ne garantit pas que les jeunes apprennent à se comporter de manière responsable avec leur argent et évitent de tomber dans le piège des dettes. Mais la probabilité qu’ils se débrouillent avec leur pécule est plus élevée. Le modèle du salaire jeunesse a été développé en 1977 déjà par le psychologue et thérapeute de la famille Urs Abt. Afin de diffuser ses idées, l’association Jugendlohn (www.salairejeunesse.ch) a été créée en 2014. Le principe est aussi simple que séduisant: à partir de 12 ans environ, les enfants reçoivent un montant mensuel qui comprend l’argent de poche, grâce auquel ils subviennent de façon autonome à une partie de leurs dépenses.
Fixer avec précision
ce que le salaire contient
La réflexion est la suivante: la plupart des enfants touchent de l’argent de poche hebdomadaire ou mensuel, en fonction de leur âge. Pour tous leurs autres achats, ils dépendent de la bonne volonté des parents. Avec le salaire jeunesse, en revanche, ils disposent à leur guise d’un budget mensuel de 150 francs ou plus, avec lequel ils gèrent eux-mêmes les achats de vêtements, le coiffeur, les loisirs, le téléphone, etc., sans devoir implorer leurs parents.
Mais auparavant, il s’agit de déterminer clairement ce qui doit être financé. A cette fin, les parents doivent d’abord consigner pendant trois mois ce qu’ils dépensent pour leur enfant et pour quoi. Pour fixer le niveau du salaire jeunesse, il s’agit de noter les coûts annuels des domaines pour lesquels les parents entendent conférer à leur enfant des compétences financières propres. L’argent de poche est additionné à ce montant et la somme divisée par treize.
Cela permet aux parents
de distribuer un «13e salaire» en novembre, que les jeunes peuvent utiliser pour exaucer un souhait particulier
ou dépenser pour des cadeaux de Noël.
Afin que l’arrangement convenu puisse être rediscuté en tout temps, il faut le mettre par écrit. Si l’argent ne suffit quand même pas pour tout le mois, il n’y a pas de budget supplémentaire, sauf si des dépenses inattendues mais prouvables surviennent. Il peut être utile que l’enfant tienne sa propre comptabilité de ses revenus et dépenses.
A noter que le salaire jeunesse n’est pas une simple extension de l’argent de poche, mais il l’inclut puisqu’il lui est nettement supérieur. Grâce à lui, les jeunes apprennent à gérer l’argent de manière responsable. Ils doivent se débrouiller avec un budget limité pour financer non seulement leurs loisirs mais aussi des besoins basiques. Ils acquièrent ainsi un rapport plus réaliste à l’argent et l’on constate régulièrement, en guise d’effet annexe, qu’ils se montrent plus respectueux de ce qu’ils possèdent.
Bon pour la confiance
en soi de l’enfant
La plupart des familles font des expériences positives avec le modèle salaire jeunesse, indique un sondage de 2014 auprès des parents de la Haute Ecole de Lucerne. Nombre de participants le ressentent comme un grand allègement: des accords clairs contribuent à éviter des disputes autour de l’argent. Cela influence positivement les relations au sein de la famille. Et tandis que l’on attribue aux jeunes une responsabilité personnelle accrue, ils gagnent en confiance en soi et en assurance dans leurs décisions financières, mais aussi dans d’autres domaines de la vie. «On est davantage dans un rôle de conseiller que d’éducateur, conclut un couple de parents. On respecte l’enfant différemment, on lui demande de prendre certaines décisions tout seul.»
Les parents doivent
savoir lâcher prise
La mise en place du salaire jeunesse a des effets pour les parents: «Le plus dur est de lâcher prise. Les parents doivent avoir confiance dans le fait que leur enfant se comportera de manière responsable avec l’argent», souligne le thérapeute de la famille Urs Abt. L’enfant doit certes s’en tenir aux conditions-cadres définies mais pas rendre des comptes pour chaque centime.
Si les parents se montrent insatisfaits d’un choix d’achat de leur enfant, ils doivent en parler avec lui. Urs Abt suggère: «Faites comme dans votre métier: quand un chef est insatisfait du travail de son subordonné, il ne peut pas simplement suspendre son salaire, il doit convier le collaborateur à un entretien impératif.»
Argent de poche: combien?
Le niveau de l’argent de poche dépend forcément du budget familial. L’association faîtière Budget-conseil Suisse (www.budgetberatung.ch) aide à s’orienter:
– A 6 ans, 1 franc/semaine
– A 7 ans, 2 francs/semaine
– A 8 ans, 3 francs/semaine
– A 9 ans, 4 francs/semaine
– De 10 à 11 ans, de 25 à 30 francs
par mois
– De 12 à 14 ans, de 30 à 50 francs
par mois
– Dès 15 ans, de 50 à 80 francs
par mois
Argent de poche et suppléments
A partir du cycle secondaire, un argent de poche peu à peu plus généreux peut être convenu. Les montants suivants sont évalués selon les dépenses effectives et dans le cadre de la capacité du budget familial.
– Argent de poche: de 30 à 80 francs/mois
– Téléphone mobile: de 10 à 30 francs/mois
– Vêtements, chaussures: de 70 à 80 francs/mois
– Coiffeur, soins d’hygiène: de 30 à 40 francs/mois
– Vélo, vélomoteur: de 10 à 30 francs/mois
– Matériel scolaire (hormis manuels et excursions): 10 francs/mois
Selon les besoins:
– Repas à l’extérieur: jusqu’à 10 francs/repas
– Frais de déplacement (abonnements)
– Sport, excursions, camps scolaires, manuels
Salaire jeunesse
De 150 à 300 francs par mois suivant la part des coûts de la vie que les jeunes prennent en charge eux-mêmes. L’association Salaire Jeunesse organise régulièrement des journées d’information à l’intention des parents.
Voir encore
Dettes Conseil Suisse
www.schulden.ch/dynasite.cfm?dsmid=78160
Pro Juventute
www.projuventute.ch/Competences-financieres.3034.0.html?&L=1