Tapie dans le creux de la Botte, Tarente, avec ses 200 000 habitants, a vécu un week-end agité il y a trois semaines: un grand prix de formule 1 sur l’eau. Pour sa quatrième saison, SailGP avait jeté son dévolu sur l’antique et alors puissante colonie grecque des Pouilles pour poser ses conteneurs de matériel, son centre de contrôle et ses dix F50, des catamarans volants de 15 mètres de long équipés d’une aile rigide en guise de grand-voile. A Tarente, neuf bateaux seulement étaient présents, le bolide néo-zélandais ayant démâté à Saint-Tropez, lors du troisième événement de ce championnat mondial, qui en compte 12; son aile de rechange étant restée aux antipodes, les Kiwis avaient dû déclarer forfait.
Les Suisses étaient là, eux, bien décidés à faire mieux que leur avant-dernière place sur la Riviera française et à grimper ainsi d’une ou deux places au classement où ils ne devancent que le bateau allemand novice. Le début de saison 2023-2024 de ce formidable cirque bleu n’a pas encore permis aux Suisses de monter en puissance après leur première année d’apprentissage. Leur jeune barreur, le Genevois Sébastien Schneiter, vient de se qualifier pour les JO de Paris en devenant vice-champion du monde de 49er à La Haye avec son équipier vaudois Arno de Planta. Alors pas question de laisser Américains, Français, Anglais et Australiens truster les victoires d’étape.
Mais passer d’un classique petit dériveur en binôme à ce monstrueux catamaran se pilotant à six via des boutons, des pédales et des volants, est-ce le même sport? «C’est à la fois pareil et très différent, répond le Genevois, à l’issue de ce week-end en demi-teinte pour le bateau suisse, huitième sur neuf. Cela reste des régates de voile, avec des principes généraux identiques. Mais le «foiling» rajoute une dimension par rapport à un bateau conventionnel. Et puis les manches sont très courtes en SailGP et réparties sur deux jours, alors qu’en voile olympique les manches sont plus longues et les courses réparties sur une semaine. Enfin, en SailGP, nous avons peu l’occasion de nous entraîner, alors qu’une meilleure coordination de notre équipage exigerait justement beaucoup de pratique. C’est assez cruel, car nous aimerions pouvoir rattraper notre retard par rapport aux équipes qui ont une ou deux années d’expérience supplémentaires.» Pas de quoi pourtant plomber l’ambiance sous l’immense tente où techniciens et marins bichonnent dans la bonne humeur les coques et les foils du catamaran jusque tard le soir. Mais comme dans tout vrai championnat sportif, on sent que de meilleurs résultats seraient vivement souhaités, notamment par les sponsors.