En novembre 2021, la reine Elisabeth II ne sera plus la cheffe d’Etat de la Barbade. Cette île caribéenne de 287 000 habitants deviendra une république. Pour la Couronne, c’est un coup dur, d’autant que d’autres anciennes colonies britanniques, comme la Jamaïque, songent à l’imiter. Les Barbadiens, eux, imaginent déjà un destin présidentiel pour celle qu’ils considèrent comme leur véritable reine: Rihanna.
Il y a deux ans, la chanteuse aux yeux verts, établie à New York, a été nommée ambassadrice «extraordinaire et plénipotentiaire» de la Barbade. «Rihanna voue un amour profond à ce pays qu’elle soutient notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation», souligne Mia Amor Mottley, première ministre. L’affection est réciproque.
Depuis 2008, le 22 février, jour de l’anniversaire de la chanteuse, est officiellement le Rihanna Day. Westbury New Road, la rue où elle a grandi à Bridgetown, la capitale, a été rebaptisée Rihanna Drive en 2017. «Chaque Barbadien va devoir contribuer à l’effort de changement qui s’engage, confiait alors la chanteuse. Je suis prête et impatiente d’assumer ma part […] pour repenser la Barbade.»
Rihanna dirige déjà un empire. Le sien. L’an dernier, sa fortune personnelle, évaluée à quelque 600 millions de dollars, en a fait la chanteuse la plus riche du monde, devant Madonna, Céline Dion et Beyoncé. Fenty, sa griffe, qui se décline en vêtements (prêt-à-porter et lingerie), accessoires (maroquinerie, parapluies), cosmétiques (sept parfums à ce jour, maquillage) et soins de beauté à travers la ligne Fenty Skin lancée le 31 juillet dernier, fera bientôt d’elle une milliardaire.
«Moi, je suis Robyn. Rihanna, c’est une idée de qui je suis», insiste-t-elle. Robyn Rihanna Fenty est née à la Barbade, dans la paroisse St Michael, sous le signe des Poissons. Son enfance à Bridgetown est chahutée. Le père, Ronald Fenty, un ancien gardien d’entrepôt qui tient une boutique, est accro à la cocaïne. Il fume de l’herbe et picole. Sa femme, Monica Braithwaite, une ancienne comptable, maman de Rihanna et de ses deux frères, Rorrey et Rajad Fenty, prend les coups.
Quand ses parents divorcent, l’année de ses 14 ans, la jeune Robyn forme son premier groupe au sein de la Combermere Secondary School. D’une beauté solaire, elle devient Miss Combermere 2004. Sa mère lui interdit pourtant de se maquiller. Engagée dans le programme militaire des cadets, elle ne songe qu’à fuir son île.
En 2003, elle participe à un concours de chant. Le producteur américain Evan Rogers est présent. Impressionné, il l’invite à enregistrer quatre titres à New York. Le lycée, c’est terminé. Rihanna enregistre une bande démo qui atterrit sur le bureau d’un certain Jay-Z, alors à la tête de la maison de disques Def Jam Recordings. Il la recrute. Elle a 16 ans.
Pon de Replay, son premier tube, déboule en 2004, suivi en 2005 de l’album Music of the Sun, qui se vend à 2 millions d’exemplaires aux Etats-Unis. Rihanna accompagne Gwen Stefani en tournée. En avril 2006, elle signe son deuxième album, A Girl Like Me, porté par les singles SOS, Break It Off et Unfaithful – élue chanson de l’année. En 2007, Good Girl Gone Bad fait mieux encore avec 8 millions d’exemplaires vendus! Rihanna ne fera plus jamais la première partie de personne.
L’assassinat de son cousin, le 26 décembre 2017 à la Barbade, la pousse à s’engager sur le plan politique. Elle réclame une législation plus restrictive en matière de possession d’armes, aux Etats-Unis aussi.
Star ultra-privilégiée, Rihanna fonde dès 2006 l’association Believe, qui soutient les enfants sur le plan médical et éducatif. En hommage à ses grands-parents disparus, elle crée la Clara Lionel Foundation, qui finance des bourses d’études aux Etats-Unis pour les Caribéens. A Bridgetown, elle finance le Centre d’oncologie Clara Braithwaite, du nom de sa grand-mère décédée du cancer, intégré à l’hôpital Queen Elizabeth. Pour son engagement humanitaire, l’Université Harvard lui décerne le Peter J. Gomes Award 2017. «J’ai fini à Harvard! lance-t-elle dans un fou rire. Jamais je n’aurais pensé pouvoir dire ça un jour.»
Rihanna a certes les moyens de faire le bien autour d’elle. Les chiffres sont vertigineux: 280 millions d’albums vendus, 14 milliards de vues sur YouTube, neuf Grammy Awards, 14 singles classés N° 1 au Billboard Hot 100 depuis 2000. Chose étonnante, l’un de ses plus gros tubes, Umbrella (2008), avait été soumis au préalable à Britney Spears et à Mary J. Blige, qui l’ont rejeté.
Si, en apparence, tout semble réussir à Rihanna, elle a eu sa part de soucis, notamment avec Ronald Fenty, son père, qu’elle a traîné l’an dernier en justice. Il avait escroqué des millions en Amérique latine en faisant croire à une prochaine tournée de la star, inventée de toutes pièces!
Les fans de RiRi, comme ils la surnomment, attendent depuis quatre ans son nouvel album, provisoirement baptisé R9. Sa sortie interviendra-t-elle pour Noël? Un récent tournage avec le rappeur Young Thug à Los Angeles le laisse supposer. Mais ce qui préoccupe le plus ses fans, c’est sa vie sentimentale, depuis que le rappeur Chris Brown a écopé en 2009 de 180 jours de travaux d’intérêt général pour coups et blessures – il risquait 5 ans ferme. Ce premier amour toxique la poursuit. Ni le joueur de baseball Matt Kemp, ni le rappeur Drake, ni l’héritier saoudien Hassan Jameel n’ont réussi à le lui faire oublier. Plus tôt cette année, interrogée par Oprah Winfrey au sujet de Chris Brown, Rihanna parlait de confiance retrouvée et confiait: «On s’aimera probablement toujours. Ça ne changera jamais.» Aïe.