L’utopie d’un logement, d’une consommation et d’un approvisionnement durables a désormais un nom: les ReGen Villages donnent corps à une existence écologique et communautaire. Ces lieux reposent sur des cycles fermés indépendants des systèmes publics et des grands groupes industriels. Les habitants de ces structures vivent dans des maisons multigénérationnelles aux murs de chanvre et aux toits de verre. Ils sont autosuffisants pour leur alimentation et produisent eux-mêmes leur électricité. Ils gèrent des fermes aquaponiques ou des jardins verticaux et intègrent leurs déchets dans la chaîne de recyclage. Dans un village ReGen, la surface pour nourrir une famille de trois personnes se réduit de 8100 à 639 mètres carrés.
Ce nouveau monde n’existe pour l’heure que sous forme de programme informatique
Ces villages autarciques ont été imaginés par le scientifique américain James Ehrlich et le bureau d’architectes danois Effekt. Les créateurs ont présenté cette conception révolutionnaire pour la première fois en 2016, à la Biennale d’architecture de Venise, où elle a rencontré un fantastique écho. Les médias du monde entier s’y sont intéressés et des milliers de familles se sont inscrites pour s’y installer. «L’Europe nous paraissait un lieu idéal pour concrétiser ce projet, a déclaré James Ehrlich lors d’une interview via Zoom. Le public en général et les règlements d’urbanisme prennent davantage en compte des considérations environnementales qu’ils ne le font aux Etats-Unis. En Californie, où je vis, le prix du terrain représente un obstacle presque infranchissable.»
La vision de James Ehrlich a pris forme pour la première fois à Almere (NL), où 600 familles de la région d’Amsterdam étaient prêtes à acquérir des parcelles. Le village écologique ReGen aurait dû accueillir ses premiers habitants en 2019, mais des changements dans la vie politique locale ont stoppé le projet, un dur revers pour James Ehrlich. Cependant, le scientifique, qui était alors le conseiller environnemental de Barack Obama, n’a pas rendu les armes. Juste avant la crise du covid, il a effectué une tournée à travers le monde pour diffuser son idée. Il a rencontré Angela Merkel et noué un dialogue avec les gouvernements, les ONG et de potentiels investisseurs. «La Suisse serait un excellent socle pour les villages ReGen, déclare-t-il. Les Suisses sont très sensibles à l’écologie.» Il connaît notre pays depuis l’enfance: «J’y ai appris à skier à l’âge de 5 ans.» A la mi-octobre, il présentera en détail les villages ReGen au cours d’exposés et discutera avec des représentants de la finance.
Les appartements sont vendus dès 200 000 francs. James Ehrlich s’est assuré le concours d’Elon Musk, qu’il apprécie particulièrement. «Il ne fabrique pas des VW Coccinelle, mais des voitures de sport et une limousine. Tel est notre objectif: devenir la Tesla des villages écologiques. Nous nous adressons à des personnes qui souhaitent adopter un mode de vie durable et possèdent le pouvoir d’achat des classes moyennes.» Les autos sont bannies, même les Tesla. Les villages ReGen ne comportent pas de routes, mais des chemins piétonniers et des pistes cyclables.
James Ehrlich, qui a étudié l’informatique et la psychologie, a mis au point le concept d’une colonie autarcique lors de son ancien travail. Il produisait et présentait un show culinaire à succès, Organic Living with The Hippy Gourmet, qui a rassemblé pendant ses meilleures années près de 35 millions de téléspectateurs. L’émission ne délivrait pas seulement des recettes, mais elle s’intéressait aussi à la provenance des aliments. Cette double orientation lui a permis de déceler les liens entre consommation et production, tout en rendant évidente la nécessité du développement durable, dont l’être humain et l’environnement tirent avantage à parts égales.
James Ehrlich est convaincu que les villages ReGen permettront d’expérimenter sa vision à l’échelle réelle. «Je suis un incorrigible optimiste. Rien ne va sans l’espérance. Nous avons les solutions techniques pour rendre le monde meilleur, mais, il ne nous reste plus beaucoup de temps.»
>> Le projet ReGen Villages de James Ehrlich: regenvillages.com (site en anglais)