Tout le monde se souvient du personnage d’Elle Woods, dans «La revanche d’une blonde», sorti il y a vingt ans. Cette Barbie au QI remarquable, après avoir été larguée par son «boyfriend» a postulé à Harvard en bikini rose pailleté. Contre toute attente, elle y a été acceptée et s’y est dessiné un avenir de grande avocate dotée d’une garde-robe couleur de Malabar. Il y a eu un opus 2, il y aura bientôt un opus 3, ainsi que Reese Witherspoon l’a confié à Jimmy Fallon, le 10 septembre dernier, dans «The Tonight Show».
Mais si l’on entend beaucoup parler d’elle ces derniers temps, ce n’est pas uniquement pour sa carrière d’actrice, mais plutôt pour son sens des affaires. Reese Witherspoon vient de vendre la société de médias Hello Sunshine, qu’elle avait créée en 2016, ce qui fait d’elle l’une des femmes les plus riches et les plus puissantes de Hollywood.
Laura Jeen Reese Witherspoon a vu le jour en Louisiane, le 22 mars 1976, dans une famille relativement modeste. Son père, John Draper Witherspoon, est médecin ORL, sa mère, Mary Elizabeth «Betty», est professeure et docteure en sciences infirmières en pédiatrie: pas étonnant que leur fille rêve d’une carrière médicale. Reese a reçu une éducation épiscopalienne plutôt traditionnelle: les mercredis et les dimanches, elle n’avait pas piscine mais église. Elle y a ciselé sa voix au sein du chœur pendant neuf ans. La religion lui a donné un cadre au sein duquel elle a pu s’épanouir et en sortir. «J’y ai ressenti une acceptation incroyable et compris que tout le monde a un don, que nous sommes tous des enfants de Dieu et que notre but dans la vie est de découvrir les dons que Dieu nous a donnés», confie-t-elle au «Los Angeles Times».
Ses dons d’actrice, justement, elle les a découverts assez tôt, à l’âge de 14 ans, lorsqu’elle a tourné dans son premier vrai film, «The Man in the Moon» (1991), après avoir fait un peu de mannequinat et des pubs télévisées.
Mais c’est «La revanche d'une blonde», sorti en 2001, qui l’a fait connaître dans le monde entier. L’Oscar qu’elle a remporté en 2005 pour son rôle de June Carter Cash dans le film «Walk the Line» aurait logiquement dû lui ouvrir plus largement les portes de Hollywood. Loin de là: à la suite de cette récompense, elle a vécu une parenthèse désenchantée avec le septième art qui a duré quelques années.
Aujourd’hui âgée de 45 ans, l’actrice est riche d’une carrière qui se compte en décennies. Trois, pour être précis, pendant lesquelles elle a pu observer et expérimenter les inégalités de traitement entre les acteurs et les actrices de Hollywood. Une injustice qu’elle a cherché à combler à sa manière en réclamant un salaire égal pour un travail égal.
Derrière son sourire contagieux se cachent des blessures qu’elle partage avec bien trop d’actrices. Reese Witherspoon avait 16 ans lorsqu’elle fut sexuellement agressée par un réalisateur. Et ce ne fut hélas pas un incident isolé. D’un naturel discret, elle s’est longtemps tue, avant de devenir la figure de proue des combats pour les femmes, jouant aussi un rôle important dans le mouvement Time’s Up, qui dénonce la culture du viol et la loi du silence à Hollywood.
Reese Witherspoon possède une foi en la vie et en elle-même qui lui permet d’annihiler les obstacles. Personne ne lui proposait de beaux rôles féminins? Plutôt qu’attendre en vain que son téléphone sonne, l’actrice a créé sa maison de production. «Je ne me serais jamais crue capable de devenir une femme d’affaires. Je voulais juste mener correctement ma carrière en produisant moi-même un projet. C’est ainsi que j’ai monté ma propre maison de production («Pacific Standard», créée en 2012, ndlr) et que je l’ai élargie à ce qui est devenu Hello Sunshine, un site de médias dédié aux femmes. Je n’en pouvais plus des rôles ingrats pour les actrices. Le seul moyen de faire du boulot intéressant a été de devenir productrice.»
Parmi les projets qu’elle a produits à travers Hello Sunshine, la saison 2 de «Big Little Lies» sur HBO, «The Morning Show» sur Apple TV+ et «Little Fires Everywhere» sur Hulu, diffusés l’an passé, furent d’énormes succès commerciaux. La preuve que les histoires de femmes comptent et que Hollywood en a besoin.
Dans son édition du 26 avril dernier, Time considérait Hello Sunshine comme l’une des 100 compagnies les plus influentes du moment. A raison: début août, Reese Witherspoon l’a vendue à une entreprise anonyme – soutenue par Blackstone Group Inc., le géant du «private equity» – dirigée par Kevin Mayer (ex-CEO de TikTok) et Tom Staggs, deux anciens cadres de Disney. Les détails du rachat ne sont pas connus, mais, selon des observateurs cités par le «Wall Street Journal», cet accord valoriserait Hello Sunshine à quelque 900 millions de dollars. Quant à Reese Witherspoon, elle garde 18% des parts (au lieu de 40%) et un siège au conseil d’administration de la nouvelle société de divertissement, qui sera spécialisée dans le streaming.
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Sous ses dehors d’Américaine du Sud bien sous tous rapports, Reese Witherspoon est une entrepreneuse de haut vol qui croit en son pouvoir d’attirer l’abondance dans sa vie. Selon «Forbes», sa fortune s’élèverait à 400 millions de dollars et cette vente devrait lui rapporter 120 millions de dollars, après impôts. On est loin, très loin de son premier salaire – «Un chèque de 75 dollars!» – qu’un journal local lui avait donné après qu’elle eut posé comme mannequin pour une photo.
Afin de rendre hommage à l’élégance de ses grands-parents, Dorothea Draper et William James Witherspoon, elle a lancé en 2015 une marque de mode et de déco inspirée du style du Sud. Mais le rôle qu’elle préfère, c’est celui de maman. La famille tient une place fondamentale dans son univers. Elle avait à peine 23 ans lorsque sa fille, Ava (20 ans), est entrée dans sa vie. Puis ce fut le tour de Deacon (16 ans), qu’elle a aussi eu avec son premier mari, l’acteur Ryan Phillippe. Enfin, il y a sept ans, Tennessee est venu agrandir la famille qu’elle forme avec son époux, Jim Toth.
Le compte Instagram de l’actrice regorge de photos de ses enfants, comme ceux de toutes les mères de famille. A cette différence près: cette maman-ci est une star qui a pris sa revanche sur Hollywood. «Le pouvoir, dit-elle, on ne vous le donne jamais, il faut le prendre.»