Il est 12 h 14, ce samedi 23 septembre, lorsque Corentin Comte passe le dernier coup de chiffon sur sa table. Après quatre heures et quarante-quatre minutes de travail exactement, cet ex-apprenti pâtissier-confiseur chez Christophe Ackermann, aux Tuileries-de-Grandson (VD), vient de terminer l’ensemble des chocolats et pâtisseries qu’il présente à la 25e finale romande et tessinoise de la branche: un entremets chocolat-framboise-estragon, des bonbons sarrasin-«sobacha» (une infusion de sarrasin), des mini-pavlovas aux fruits exotiques ou encore des tartelettes vanille-noix de pécan, et ce n’est pas tout. Précis, moderne et rigoureux, son travail a séduit l’ensemble du jury, qui lui a décerné le premier prix ainsi que celui de la précision. S’y est ajouté un prix honorifique quant au nombre de likes que sa pièce en chocolat avait engrangés sur Instagram.
Un concours qui ouvre des portes
C’est à l’Ecole professionnelle de Montreux (EPM), à Clarens (VD), que, depuis vingt-cinq ans, se déroule chaque année ce concours réservé aux pâtissiers-confiseurs romands et tessinois qui viennent de terminer leur apprentissage. Et le succès est toujours au rendez-vous chez les jeunes artisans. Ce samedi, ils sont neuf de 18 à 24 ans, dont six filles, à concourir et viennent de tous les cantons latins (sauf le Valais). A la tête de l’événement, Jean-Louis Boverat se réjouit: «Après un quart de siècle, la motivation des apprentis est toujours présente! De plus, ce concours est depuis le début reconnu par l’ensemble de la profession comme un véritable tremplin et une belle vitrine pour l’avenir professionnel de ces jeunes.» Le Vaudois Michaël Randin, par exemple, fut finaliste en 2003 et son entreprise, MR Chocolat, est devenue la première chocolaterie suisse artisanale bio. Normand Jubin, finaliste, lui, en 2014, s’est ouvert les portes de l’Hôtel de Ville de Crissier (19/20 au GaultMillau) et de palaces asiatiques avant de devenir vice-champion du monde par équipe en 2018.
Si ce concours est aujourd’hui réservé aux pâtissiers-confiseurs, cela ne devait pas être le cas au départ. Jean-Louis Boverat se remémore: «En mai 1998, mes collègues pâtissiers Philippe Delalay, Nicolas Nessi, David Paganel et moi, les derniers membres encore actifs du comité d’origine, avions proposé à l’Association des boulangers romands de mettre sur pied un concours pour les apprentis. Nous nous sommes vu répondre un niet sec… Alors nous avons discuté avec l’EPM et, en quatre mois, nous avons organisé la première édition de ce concours. Tout ce qui a suivi n’est que de beaux souvenirs!»
Un champion évident
Il y en a un qui marquera les mémoires. C’est Corentin qui se démarque dès l’entame de la journée. A le voir gambader dans le laboratoire, gants en latex aux mains, rapide à l’exécution et l’air déterminé, on peut se douter que les produits finis seront du même ordre que lui: précis. Le jeune homme à la barbe impeccablement taillée est l’un des seuls à s’inquiéter de l’horloge dès le départ. Car le concours est aussi une course contre la montre et certains participants le paieront cher. Mais Corentin n’a rien à craindre: celui qui a terminé son apprentissage en juin dernier avec la note de 6 sur 6 a bûché comme personne et s’est octroyé le soutien de Patrick Bovon, ancien coach de l’équipe nationale de pâtisserie et cofondateur de la pâtisserie Le Duo Créatif, à La Tour-de-Peilz. «C’est génial de voir un jeune aussi engagé, sourit-il lors de la cérémonie. C’est cela et sa motivation qui m’ont charmé. Lorsque Corentin m’a sollicité, j’ai dit oui sans hésiter!»
Après l’évaluation par six jurés des techniques de travail de chacun, de leur hygiène de travail et de leur organisation, 12 autres jurés, professionnels et spécialistes de la branche, s’attellent à la dégustation des quatre bonbons au chocolat, d’un praliné au Cointreau, de deux mignardises, d’une création spéciale au chocolat et d’un entremets par candidat. Visuels, originalité, textures et goûts sont pris en compte. Des mariages osés surprennent, comme cet entremets à la carotte et au gingembre, cerclé de chocolat blanc tapissé de fleurs, confectionné par la Vaudoise Emma Gautier, qui a terminé troisième. Autre vraie réussite, signée Lorie Rossat, Fribourgeoise arrivée deuxième: cette pièce à la pomme et aux épices tout de vert parée, dévoilant un sublime jeu de textures.
C’est sous les applaudissements de plus de 150 personnes (familles, amis, collègues…) que Corentin Comte, 22 ans, reçoit son trophée. «Avec le temps que j’ai passé à travailler ce concours, je suis soulagé, rigole-t-il, un verre de rosé pétillant à la main. Je suis fier de ce que j’ai proposé et me réjouis des prochains défis!» Son patron, Christophe Ackermann, ne cache pas sa joie, prenant dans ses bras Patrick Bovon, avant de féliciter chaudement son employé. Pour Corentin et Christophe, le prochain défi commun sera l’ouverture, le 6 novembre prochain, de la Chocolaterie Ackermann dans les locaux, à La Sallaz, du pâtissier lausannois Nicolas Nessi, qui part à la retraite le 14 octobre prochain. Car c’est bien Corentin qui en sera le chef chocolatier. Le début d’une nouvelle aventure pour cette équipe de choc.