Il aura fallu attendre 2022 pour que le Super Bowl célèbre les grandes stars du rap. Enfin! Ce style musical existe pourtant depuis plus de quarante ans, c’est la musique la plus écoutée sur les plateformes de streaming et en concert. Les Etats-Unis sont sa patrie de naissance et de prédilection. Et pourtant.
Le rap a toujours été sous-estimé et rarement reconnu à sa juste valeur. Souvent, il a même bénéficié à d’autres artistes qu’à ses créateurs les plus légitimes. Les puristes n’apprécient ainsi pas que «Rapper’s Delight» par The Sugarhill Gang, le premier titre du genre à cartonner dans les charts, ait été le fait de géniaux opportunistes ou que Blondie – un groupe de rock – remporte le jackpot avec son «Rapture», premier morceau scandé à atteindre le top du Billboard. On ne parle même pas de l’espace francophone, où les premiers titres de rap à être classés dans le Top 50 étaient… les chansons parodiques de sketchs des Inconnus.
Cette fois, le rap a remporté la mise et ce pic n’annonce pas un éventuel déclin. Certes, Dr. Dre est parfois plus connu par la jeune génération pour ses casques Beats vendus 3 milliards de dollars à Apple que pour son chef-d’œuvre «The Chronic», paru en 1992. Mais le Super Bowl a aussi sacralisé cette année un artiste très complet, Kendrick Lamar (34 ans), qui a encore toute sa carrière devant lui. Quant à la nouvelle génération de rappeurs, elle compte dans le monde entier une multitude de talents exceptionnels, comme plus près de nous, celui d’Orelsan qui vient de remporter trois Victoires de la Musique.
Le rap a désormais infusé partout, dans la culture populaire, dans le langage de tous les jours, dans l’imagerie des créateurs et même dans la mode, avec le «street wear», qui a ringardisé une manière plus conventionnelle de s’habiller. Signe des temps: on ne compte plus les anciennes stars du micro qui apparaissent dans les séries TV, la nouvelle expression artistique figurant désormais au sommet de la culture consommée par le plus grand nombre.
Jean de La Fontaine aurait pu faire un excellent rappeur, pour ses capacités à la fois de conteur et de chroniqueur social ainsi que pour cet adage qui vaut pour tout ce mouvement artistique: «Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.»