«J’ai toujours été fasciné par le vélo, par l’objet en tant que tel. C’est un objet technologiquement simple et pourtant si efficient, et plaisant à manœuvrer, à monter et à démonter. Si je pratique quotidiennement le cyclisme aujourd’hui, j’ai découvert ce passe-temps tardivement. Peut-être que je le dois à mon père qui, un jour, m’a raconté qu’un voisin habitant Moutier effectuait chaque jour le trajet à vélo pour se rendre sur son lieu de travail à Bienne. A l’époque, cela me paraissait complètement fou. Et puis j’ai décidé d’expérimenter par moi-même. De fil en aiguille, j’ai entrepris des expéditions d’abord dans les Alpes puis ailleurs. Moi qui pensais que le cyclisme était une pratique réservée à une élite sportive en lycra qui prend part au Tour de France! Mes barrières mentales autour de la petite reine se sont progressivement estompées à mesure que j’étais capable d’atteindre des destinations de plus en plus lointaines.
Au printemps 2021, en plein covid, mon amoureuse et moi nous sommes dit: «Pourquoi ne pas prendre la route et partir à vélo dans les endroits les moins peuplés d’Europe?» Il existe en effet plein d’endroits autour de nous où l’on dénombre plus de vaches que d’habitants, comme dans le Massif central. On parle de déserts, mais ce sont surtout des déserts populationnels. Nous avons sillonné les routes helvétiques, françaises et hispaniques durant un mois et trois semaines. En partance de Neuchâtel, nous avons en partie emprunté l’itinéraire du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle: 2300 km de route qui nous ont conduits de Lyon aux gorges du Tarn, du Massif central aux Pyrénées, et pour finir à Valence.
Un paysage qui m’a marqué? Il y en a tellement, mais le souvenir qui me vient instantanément à l’esprit concerne le désert espagnol des Bardenas Reales. On roule alors dans la végétation, puis soudainement le décor se décante. Une immense statue trône à l’entrée du désert en hommage aux bergers. Plus nous avançons au cœur de cette étendue désertique, plus nous avons l’impression d’être dans un western de John Wayne. C’est ce que j’aime avec les voyages à vélo, le changement de végétation auquel nous assistons se fait de façon graduelle.
Mais le voyage n’a pas été de tout repos. Le printemps 2021 était marqué par une météo capricieuse. C’était terrible… Il faisait froid. Une forte dépression venant de l’ouest nous a amené trois semaines de pluie. On regardait cinq applications météo différentes avant de partir. Elles affirmaient qu’il y avait une éclaircie, mais après une heure ou deux sur la route, on se retrouvait sous la pluie… de quoi nous faire péter les plombs! (Il rit.) L’espoir et les bonnes surprises sur la route nous font tenir dans ces moments-là. Et paradoxalement, c’est ce que j’aime dans la pratique du vélo, l’endurance face aux éléments. Aujourd’hui, nous en gardons de très bons souvenirs. L’envie de rentrer s’est manifestée à Valence, en Espagne. Cela nous a semblé exotique de mettre un terme à notre voyage dans une ville alors que nous cherchions des endroits désertiques. Une fois chez soi, on se rend compte du confort qui est à notre disposition. Après avoir passé deux mois dans le même pull et le même t-shirt, nous étions heureux de retrouver un vrai lit, parce que le matelas gonflable, ça va un moment…»
Son actu vélo:
A la fin de juin, Thibaut Schaller a participé à une course de VTT dans les Dolomites avec son beau-frère, le Veneto Trail, 470 km et 10 000 m de dénivelé, en autonomie. «Une expérience indescriptible où huit heures d’effort intense à vélo subliment les actions les plus banales du quotidien.»