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Quand la télé fait d’une pierre trois coups 

Quand le petit écran table sur les bonnes pièces de théâtre et des acteurs populaires, il promeut la culture, divertit son public et réalise même de belles audiences.

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La pièce «Fallait pas le dire!»

Salomé Lelouch, fille d’Evelyne Bouix, a écrit la pièce «Fallait pas le dire!» pour sa mère et son beau-père, Pierre Arditi.

© Philippe WARRIN

Lorsque les trois coups retentissaient, annonçant le début d’une pièce de théâtre, les téléspectateurs de l’ORTF faisaient aussi silence dans leur salon. Puis ils savouraient les facéties de Jacqueline Maillan, de Jacques Balutin ou de Maria Pacôme, les répliques de «Treize à table», d’«Adieu Berthe» ou de «Madame sans gêne». Et dire que tout a commencé par une grève! A l’ORTF (l’Office de radiodiffusion-télévision française), justement. A court de programmes, la direction achète à la télévision belge sa captation de «La bonne planque», avec Bourvil, déjà diffusée par la Télévision suisse romande deux mois plus tôt. Le 27 février 1965, elle cartonne. Des sacs postaux remplis de lettres enthousiastes parviennent à la chaîne. Pierre Sabbagh imagine alors «Au théâtre ce soir».

Le 9 juillet 1966, une sonnette insistante incite les derniers spectateurs du Théâtre Marigny à s’assoir. Toc! Toc! Toc! La pièce «Trois garçons, une fille» a les honneurs de la première diffusion télévisée, suivie de plus de 400 autres. Dans les années 1960, notre télévision programmait également une pièce par semaine, de Sartre à Labiche, en passant par Ramuz et Kundera; elle en produisait une par mois, et faisait des échanges avec les télévisions française, belge et canadienne pour les autres.

C’est «Au théâtre ce soir» qui a donné à Michèle Bernier l’envie de devenir comédienne. «A l’époque, je ne savais pas qu’il était possible de rire autant devant une pièce de théâtre diffusée à la télévision, a-t-elle confié à TF1. L’émission m’a appris qu’il existait une facette plus populaire du théâtre.» Malheureusement, le 22 février 1986, elle tire sa révérence. «Les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell» retentit pour la dernière fois. Rideau!

«Je voulais remettre le théâtre en prime time car cet art avait disparu à la fin d’«Au théâtre ce soir», Olivier Minne, animateur

Merci Olivier Minne! 

Si France Télévisions propose «Fallait pas le dire!», «Le canard à l’orange» et «Le petit coiffeur» cette semaine, c’est en prélude à la Nuit des Molières retransmise par France 3 le 24 avril. La cérémonie a été créée en 1987, pourtant, le retour du théâtre en prime time ne date que de 2005. Et, étonnamment, c’est à un animateur de «Fort Boyard» qu’on le doit! Alors que les trois coups ne résonnent plus à la télévision française depuis bientôt vingt ans, Olivier Minne se lance un défi: parer le théâtre de nouveaux atours aptes à séduire le grand public en produisant «Un fil à la patte», de Feydeau, pour le petit écran avec la complicité d’une trentaine d’animateurs et de journalistes. Parmi eux: Thierry Beccaro, Marie-Ange Nardi, Eve Ruggieri, Gérard Holtz, Tex, Sophie Davant, Patrice Laffont, Michel Drucker et même Nelson Monfort.

Le succès est au rendez-vous! Il récidivera à quatre reprises, heureux d‘avoir lancé le mouvement. «Mon but était de remettre le théâtre en prime time, car cet art avait disparu à la fin d’«Au théâtre ce soir», nous avait confié l’animateur en 2016. Et, pour moi, c’est mission accomplie puisque, depuis, il y a eu des pièces de la Comédie-Française, du théâtre privé et du théâtre public diffusées sur France 2. Ça fait toute ma fierté!»

En 2008, Line Renaud et Muriel Robin campent de drôles de «Fugueuses» et cartonnent, regardées en direct par 8 millions de Français. Un record! Au fil des ans, les planches riment régulièrement avec belles audiences pour le service public. Pierre Arditi, François Berléand et Marie-Anne Chazel font du sur-mesure dans «Tailleur pour dames», Gérard Jugnot déclenche un contrôle fiscal dans «Cher trésor», Thierry Lhermitte et Bernard Campan subissent «Le syndrome de l’Ecossais» et Victoria Abril se montre piquante en Tyrolienne sexy dans «Paprika», tous assurant de jolies parts de marché à France 2.

En 2011, TF1 se lance dans l’arène avec «La cage aux folles», dans laquelle Christian Clavier et Didier Bourdon en font des tonnes: 5,5 millions de spectateurs adhèrent à ce choix comme de la confiture sur une biscotte. En 2015, M6 décide de tenter le coup en envoyant Stéphane Plaza «A gauche en sortant de l’ascenseur», mais moins de 3 millions de spectateurs l’y suivent. Son «Fusible», en 2017, ne fait pas non plus disjoncter les audiences. On est néanmoins très loin du bide. La preuve? En 2015, «Le roi Lear» n’avait conquis que 141 000 sujets et, en 2012, «La mouette», de Tchekhov, avait fait perdre encore plus de plumes à France 2 avec seulement… 92 000 fidèles.

Depuis près de vingt ans, sur les chaînes françaises, la recette du succès requiert donc deux ingrédients principaux: l’humour et des comédiens populaires. Mais, même ainsi, la mayonnaise ne prend pas toujours.

Et sur la RTS?

«Pendant la pandémie, période de privation culturelle, la RTS a capté sept spectacles prévus sur les scènes romandes pour la seule année 2021, explique Christine Salvadé, cheffe de l’unité Culture de la RTS. Depuis 2019, l’association De la scène à l’écran, dont fait partie la RTS, lance un appel à projets par année à des compagnies et à des réalisateurs pour faire des recréations de spectacles (et non de simples captations). Les 20 films seront tous diffusés à l’enseigne de «Ramdam». L’idée n’est pas de faire concurrence à la scène romande, mais de lui apporter une visibilité supplémentaire et même complémentaire.»

Par Olaya Gonzalez publié le 29 avril 2023 - 09:57