Il y aurait des centaines d’histoires à raconter sur le camp géant des scouts à Ulrichen, dans le Haut-Valais. Mais celle-ci, certes un peu tirée par les cheveux, méritait d’être relevée. Le scout valaisan Polatouch au Taquet, chef adjoint de la troupe aux cheveux longs, avait décidé de se faire une coupe mulet pour l’occasion. Ni une ni deux, Poussin-Beau dit «Radis», dont la maman est coiffeuse, s’y colle. Plutôt satisfait du résultat, celui qui est aussi le grand chef des éclaireurs de Fully (VS) décide de poster la photo sur Instagram: le succès est immédiat. Les rendez-vous se prennent sur le réseau social, auquel les chefs de groupe, seuls détenteurs officiels de téléphones sur le site, ont accès. Sauf que Polatouch, bûcheron à la ville, n’avait prévu de batterie que pour une personne. «On a décidé de commander une tondeuse et une paire de ciseaux à effiler sur Galaxus», s’exclame fièrement son compère, Homard Impérial, jeune banquier dans la vraie vie. Le colis met du temps à arriver et la liste d’attente s’allonge, tout comme les cheveux des scouts en mal de look stylé.
«Depuis l’arrivée de la précieuse tondeuse, on fait entre cinq et dix coupes par jour», s’enthousiasme le grand chef en replaçant soigneusement d’un revers de main une mèche de cheveux à l’arrière de son crâne. Indiqué en grandes lettres sur un bout d’écorce devant leur maison de bois le long de la route caillouteuse, le concept de «free mulet» cartonne dans le village de scouts éphémère. Et désormais, les gens passent à l’improviste. «On a même dû fabriquer un panneau qui indique que l’on est fermé…» rigolent les plus jeunes. En l’espace d’une semaine, le business a fleuri et d’autres ont repris le concept. «Mais nous détenons le stempel original!» se marre Homard.
A l’image d’une vraie petite entreprise, l’offre des coiffeurs en herbe s’est diversifiée. «Nous proposons aussi la boule à zéro, les dégradés et… la tonsure!» Arrive à ce moment un jeune homme à la tête rasée hormis une fine tonsure circulaire façon curé qu’il recouvre la plupart du temps d’un bob. «Je raserai tout à la fin du camp», précise-t-il, l’air un peu gêné sous les éclats de rire de ses compagnons. Pour d’autres, il s’agit du stand de la dernière chance. «Après Paléo, un scout s’est fait massacrer le crâne. J’ai dû tout raser: c’était irrattrapable», plaisante le chef au nom de crustacé. Et puis, les filles ne sont pas en reste. De leur épaisse chevelure, les coiffeurs débrouillards font des tresses de minimum 20 centimètres de long, qu’ils envoient ensuite à une association qui fabrique des perruques pour les personnes atteintes d’un cancer. Assis sur son bout de tronc d’arbre tel le maître des lieux, Homard Impérial est trop ravi de l’intérêt que son business suscite. Mais attention: ses cheveux à lui, pas question d’y toucher. Parole de scout!