C’est un projet hors normes comme QoQa les aime. Le site communautaire d’e-commerce a emménagé dans son nouveau quartier général à Bussigny (VD). Pascal Meyer, le fondateur, adorant tout ce qui touche à la nourriture, son Stamm ne pouvait pas être une banale cantine. «A midi, ce sera un lieu très qualitatif ouvert à tous et proposant des produits locaux», nous explique-t-il. Mais le soir venu… «On change de style avec des chefs éphémères qui viendront poser leurs valises d’un à trois mois. L’idée, faire une découverte à chaque fois, que ce soit une personnalité établie du domaine ou un amateur éclairé.» Et pour inaugurer les opérations, QoQa a mis la barre haut en invitant pas moins que le chef Guy Ravet. «On a souvent collaboré avec lui et sa famille, nous partageons les mêmes valeurs, nous sommes de la même génération et, malgré toute la reconnaissance déjà accumulée, il reste très créatif.»
La famille Ravet a fermé son célèbre Ermitage à Vufflens-le-Château cet été. Tout le monde se demandait où le fils prodigue allait rebondir. Le voici donc chez QoQa. Il se confie: «Je connais l’équipe depuis longtemps. Pascal est venu me voir comme d’autres chefs avec les premiers plans de la cuisine et souhaitait avoir mon avis. Quand nous avons fermé l’Ermitage, nous avons compris que tout à coup nos calendriers s’alignaient.»
Afin de réaliser ce qu’il appelle une «jolie transition», le chef va devoir se préparer à servir plus de monde que d’habitude – le Stamm compte 100 places – et rendre la facture plus abordable. «Ce sera une expérience 3.0 – appelons-la de luxe moderne, abordable – où je travaillerai une belle cuisine bien gastro mais accessible.» La durée d’un mois de cette résidence permettra aussi de bien roder le concept.
Pivot central de cette organisation, le chef Patrick Strauss sera le maître d’œuvre à l’année du Stamm. Ce dernier, passé par la brasserie du Lausanne Palace et par l’Espagne, gère avec sa brigade le service du midi. Le soir, il s’effacera pour mettre son équipe à disposition. Le chef invité n’aura en effet le droit de venir qu’avec un seul collaborateur maximum. «C’est une expérience hyper-enrichissante mais tous les professionnels n’ont pas forcément envie de cela», retient Guy Ravet.
Le projet a été pensé en amont, détaille Pascal Meyer: «On ne se lance pas n’importe comment, nous nous sommes entourés de grands pros de la région afin de nous conseiller sur tous les aspects d’une telle aventure.» Comment va se dérouler la suite de la programmation du restaurant éphémère? «Nous avons déjà une planification avec tous les contacts avec des chefs dans des hôtels dont nous sommes partenaires. Une des ambitions du projet vise à mettre en lumière un artisan. Cela peut être une signature très connue comme Guy comme une «mama» italienne avec des recettes très «homy» ou un spécialiste du végétal.»
QoQa n’a pas oublié sa vocation à soutenir les jeunes pousses. «Le Stamm peut aussi servir de rampe de lancement pour le ou la surdoué.e qui n’a pas d’infrastructure mais veut tenter sa chance. S’il fait ses preuves, on lui met la brigade à disposition.» Une expérience unique dans un cadre très pro: la cuisine se décompose en trois îlots qui permettent notamment de faire du «live cooking». Autre approche possible, «une grande table connue qui a un second ou un troisième chef super talentueux à mettre en lumière. Nous avons aussi des discussions avec des écoles hôtelières et des chefs à l’international intéressés à venir un mois en Suisse.» Finalement, le but sera de stimuler les grands chefs et de faire émerger les gens en devenir.
Une des idées maîtresses consiste à ne pas avoir de sponsors pour le restaurant (boissons ou autres), une pratique courante dans le milieu pour travailler en toute liberté. «Cela nous coûte plus cher mais on veut aussi se servir de cette plateforme pour promouvoir les produits locaux, les microbrasseries notamment.» Pour le patron du site à succès, pas d’ambiguïté: «Nous ne développons pas un nouvel axe de business avec le Stamm.» QoQa reste QoQa, en ajoutant à la recette du Stamm une pincée de digital et de responsabilité sociale. A midi, pour les collaborateurs qui souhaitent déjeuner sur place, l’entreprise a développé un outil afin de précommander leur repas pour éviter le gaspillage de nourriture.
Quel est le rêve de Pascal Meyer, qui a orienté toute cette aventure gastro-entrepreneuriale? «C’est de faire goûter des cuisines inhabituelles. J’étais récemment en vacances en Turquie, typiquement un pays sur lequel on a tous plein de préjugés gastronomiques s’arrêtant en général au kebab alors que l’on trouve là-bas une cuisine exceptionnelle avec des saveurs dingues. Refaire cela avec nos produits ici est très excitant.»
Autre cheval de bataille de Pascal Meyer, a priori plutôt «viandard», comme il l’affirme lui-même, faire découvrir une cuisine végétale différente. «Il faut montrer à des gens pas convaincus au départ que manger végane peut être super bon et nourrissant, reproche que l’on fait très souvent. Ouvrir les gens à d’autres choses, oui, c’est mon rêve.»
Guy Ravet, lui, sourit: «Je m’amuse déjà à préparer cet interlude avant de repartir vers quelque chose de plus traditionnel. Nous sommes à 90% prêts.»
>> Lire aussi: Inoubliable visite d’Etat chez les Ravet avec la famille royale d'Espagne