Il faut être à la hauteur pour naître girafon. Après 15 mois au chaud dans l’utérus de maman, le réveil est brutal: chute libre de près de 2 mètres - avec le risque, infime mais réel, de se blesser, voire de se briser la nuque - tentative de tenir sur ses quatre pattes dans le quart d’heure qui suit et maîtrise de la position debout suffisante pour téter au bout d’une heure, faute de quoi on risque l’abandon.
Mais Qendrim ne s’est pas contenté de franchir tous ces obstacles haut la patte: il s’est présenté au monde avec un poids... lourd de 71 kg, la fourchette allant de 40 à 80 kg pour un girafon, poids néanmoins inférieur aux 80 kg affichés par son frère Osei, «très vigoureux», né au Zolli en juillet 2017. Et grâce à son nom d’origine albanaise, choisi par les soigneurs, il a déjà fait le buzz sur Instagram dans cette communauté.
Tuées pour une dot
Arrivée de Belgique il y a huit ans, sa mère Kianga a été la première girafe du Kordofan à rejoindre le programme d’élevage de cette sous-espèce à Bâle, succédant aux girafes massaïes, moins rares dans la nature. Si ces gracieux ruminants sont tous considérés comme menacés aujourd’hui, ayant perdu 40% de leurs effectifs en trente ans, les girafes du Kordofan, reconnaissables au fait qu’elles n’ont que de petites taches irrégulières sur le côté intérieur des pattes, sont au bord du gouffre, en danger critique d’extinction. Il en reste 1400 tout au plus à l’état sauvage et leur nombre continue à fondre.
Il faut dire que ces créatures altières survivent dans des zones de conflits permanents, entre le Tchad, le nord du Cameroun, la République centrafricaine, l’ouest du Soudan et le nord-est de la République démocratique du Congo; elles sont donc exposées aux balles des kalachnikovs en plus de voir disparaître leur habitat, d’être victimes des braconniers qui en veulent à leur viande, laquelle se vendrait pour quelque 70 dollars le kilo en République démocratique du Congo, et à leur queue, qui peut faire une belle dot en RDC.
Avec les cinq pensionnaires de Bâle, dont Xamburu, père de tous les girafons nés au bord du Rhin depuis 2011, on arrive à 87 girafes du Kordofan vivant en zoo dans le monde. Sur leurs épaules, ou plutôt dans leurs gènes, elles portent peut-être l’avenir de leur espèce.