Personne ne la connaissait en dehors de son petit pays de 4,2 millions d’habitants, cette longue langue de terre, adossée à la montagne, qui borde la mer sur 1300 kilomètres. Tout le monde la connaît aujourd’hui et tout le monde l’adore! A 50 ans, Kolinda Grabar-Kitarovic est la vraie révélation de la Coupe du monde, bien plus que les stars de l’équipe de Croatie, Modric, Rakitic, Perisic, Subasic, dont elle aura été, du premier jusqu’au tout dernier match, cette défaite si cruelle contre la France, la supportrice numéro un, la plus enthousiaste et la plus exubérante. Une espèce de vestale moderne! Une séductrice drôle et hyper-sexy! Fan de foot, folle de foot, la présidente de la Croatie a traversé tout le tournoi avec son charme et son énergie irrésistible.
La Croatie, on le sait plus ou moins, c’est un pays tout jeune, né le 25 juin 1991 sur les décombres de l’ex-Yougoslavie, lors d’une guerre d’indépendance effroyable. Un pays de mer et de soleil, d’ouverture et de plaisir, donc de tourisme, qui vit au rythme de sa foi traditionnelle (catholique à 86%, contrairement aux orthodoxes serbes et aux musulmans bosniaques qui l’environnent) et aussi de sa passion dévorante pour le foot.
Car le foot, oui, est une religion partagée, une espèce de foi commune au-delà de tout! Elue de justesse présidente de la Croatie il y a deux ans, Kolinda Grabar-Kitarovic est un peu atypique: enfance et adolescence aux Etats-Unis, puis retour au pays où elle devient diplomate, ambassadrice à Washington, ministre des Affaires étrangères, secrétaire générale adjointe de l’OTAN. Mariée et mère de deux enfants ados, Katarina et Luka, la présidente issue du parti du centre droit est classée par le magazine américain Fortune parmi les quarante femmes les plus puissantes du monde. Elle a gardé son tempérament de femme libre, son exubérance naturelle, ses éclats de rire, son sourire, son espèce de rage de vivre et de séduire.
Dinamo et Partizan
Le foot, en Croatie, c’est 1500 clubs, 130 000 adeptes, une pépinière de champions qui partent hélas les uns après les autres à l’étranger, dans les grands championnats. C’est aussi une équipe mythique, le Dinamo de Zagreb, qui avait incarné et cristallisé, dans les années 1980, la volonté d’indépendance croate contre l’équipe rivale et honnie du Partizan de Belgrade. Autant dire que le foot, pour les Croates, c’est une seconde nature, ou peut-être la première, et que la présidente ne pouvait passer à côté de la Coupe du monde. Elle voulait être avec ses hommes, en première ligne, partout, sur tous les stades, pour les soutenir et les galvaniser. Kolinda Grabar-Kitarovic espérait sans doute que l’équipe de Croatie allait faire un beau parcours, comme ses glorieux aînés de 1998, qui étaient allés jusqu’en demi-finale contre la France – déjà! – et qui n’avaient perdu qu’après avoir mené au score et fait trembler les futurs vainqueurs. Elle n’imaginait sûrement pas que la Croatie n’allait succomber cette fois qu’en finale, face à une équipe de France somptueuse.
Première fan, première groupie! Elle a voyagé en charter, avec les supporters. Dans les tribunes, elle ne porte pas de tailleur Chanel ni de costume classique, mais le saint maillot en damier de son équipe chérie. Elle ne se cantonne pas non plus, comme spectatrice, dans cette espèce de sage réserve et de discrétion de bon aloi, mais elle encourage ses joueurs, elle crie, elle applaudit, elle se lâche. La présidente a délaissé sa petite routine – la présidence, les dossiers… – pour suivre (presque) tous les matchs, aux quatre coins de la Russie. Et elle s’est éclatée! C’était en quarts de finale, le 7 juillet, lors du match contre la Russie. Un face-à-face terrible entre frères ennemis: Croates catholiques contre Russes orthodoxes. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, assistait, impassible, voire indifférent, au déroulement du match, puis au temps additionnel, puis aux tirs au but, mais la présidente croate, elle, vivait le match à fond, vibrait, criait… Elle était tellement nature, tellement libre et flamboyante, que des réseaux sociaux lui ont même prêté une audace supplémentaire: des photos d’elle en mini-bikini, affriolante, pulpeuse. Mais ce n’était pas elle, c’était une mannequin nommée Coco Austin, compagne du rappeur Ice-T…
Le seul jour où Kolinda Grabar-Kitarovic a manqué un match, mercredi dernier, c’était parce qu’elle devait participer au sommet de l’OTAN à Bruxelles, mais elle a tout de même trouvé le moyen de soutenir son équipe. Elle a offert un maillot croate, floqué à leur nom, au président américain, Donald Trump, ainsi qu’à la première ministre britannique, Theresa May, juste avant la demi-finale entre la Croatie et l’Angleterre. De quoi oublier les vociférations de Donald Trump, qui reprochait à ses alliés de ne pas payer assez pour l’OTAN!
Consolatrice et fair-play
Un parcours de supportrice sans faille, une dévotion absolue, une ardeur. Une présidente de combat qui stimule la virilité de ses guerriers! Et puis la défaite, finalement, qui sonne le glas d’une aventure incroyable. La défaite qui meurtrit, qui crucifie. Mais la présidente croate a fait face! Rayonnante et sensuelle, comme toujours, à la fois consolatrice et maternelle pour les siens et dirigeante fair-play pour les adversaires victorieux. Des tapes dans le dos, des enlacements, des embrassades, des regards, des échanges, un sentiment de communion dans la souffrance des Croates et dans la joie des Français… Le tout dans une atmosphère dramatique, sous les trombes d’eau d’un orage moscovite! Le tout avant de rejoindre les joueurs dans les vestiaires…