Un trésor d’une valeur inestimable. Ce n’est ni d’or ni d’argent qu’il s’agit ici, mais du patrimoine mondial de l’humanité, plus précisément: les semences végétales.
A Bâle, dans les jardins de ProSpecieRara, les légumes ne sont pas cuisinés et les fleurs ne sont pas coupées. On attend que les plantes soient prêtes à livrer leurs précieuses graines. C’est ainsi que les semences d’environ 1700 espèces anciennes et rares sont soigneusement récoltées, étiquetées, stockées dans une grainothèque avant d’être mises à la disposition des paysans et des jardiniers soucieux de cultiver autrement.
Le sujet est sensible. Depuis un siècle, 75% des variétés végétales ont disparu, selon la FAO de l’ONU. Les méthodes sans âme de l’agriculture intensive ont été dévastatrices pour la biodiversité agricole. Aujourd’hui, seules 103 variétés représentent 90% des cultures alimentaires mondiales, dont une bonne partie sont hybrides et donc souvent impossibles à replanter.
Comme pour le dossier climatique, des scientifiques avaient vu venir le danger. Mais dans ce domaine au moins, ils ont été entendus. C’est ainsi que, depuis un siècle, des banques de semences ont poussé un peu partout. On en dénombre près de 1700 dans le monde, dont deux en Suisse, à Zurich et à Genève. La plus ancienne est l’Institut Vavilov, fondé par un pionnier de l’ethnobotanique à Saint-Pétersbourg. Sa collection compte plus de 325'000 échantillons de variétés végétales, dont certaines sont des exclusivités mondiales.
Mais le plus spectaculaire de ces conservatoires dédiés aux plantes cultivées a été construit en 2008 dans l’archipel du Svalbard, en Norvège. Ce véritable bunker, surnommé «l’arche de Noé végétale», est enfoui dans le permafrost afin de protéger le patrimoine mondial agricole de l’humanité contre les guerres et autres catastrophes. Plus d’un million de graines scellées dans de petits sacs argentés, propriétés des pays qui les y ont placées, sont stockées par -18°C. En 2015, la forteresse a été mise à contribution pour la première fois. Ses gardiens ont renvoyé des graines syriennes aux chercheurs de la banque de semences d’Alep, dont la collection, comprenant de précieuses espèces résistant à la sécheresse, avait été dévastée par les bombardements. Une opération salvatrice symbolique des paradoxes de notre espèce et dont nous devrions tous prendre de la graine.
Nous vous souhaitons, chères lectrices et chers lecteurs, un automne doux et chatoyant.
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